Écrire un scénario en classe : l’horreur s’invite au lycée Vaucanson des Mureaux

Écrire un scénario en classe : l’horreur s’invite au lycée Vaucanson des Mureaux

26 novembre 2021
Cinéma
Photogramme du court métrage
Photogramme du court métrage "Mrs Scranburry"

Les élèves du lycée Vaucanson des Mureaux sont entrés dans le programme les Enfants des Lumière(s) en septembre 2020 et ont très vite manifesté l’envie de réaliser un court métrage d’épouvante. Le tournage ayant eu lieu en octobre, c’est l’occasion de revenir avec eux sur ce projet et particulièrement l’étape de son écriture.


Les Enfants des Lumière(s) est un dispositif d’éducation artistique et culturelle que le CNC développe depuis 2015, en partenariat avec les académies de Paris, de Versailles et de Créteil. Il s’adresse aux classes des écoles élémentaires, des collèges et des lycées technologiques et professionnels scolarisés en éducation prioritaire qui n’ont pas facilement accès à l’art et à la culture.

Pour réaliser leur court métrage de 10 minutes, chaque classe participant aux Enfants des Lumière(s) est accompagnée pendant 2 ans. Cela a été le cas des élèves du lycée Vaucanson des Mureaux qui durant toute la première année scolaire ont bénéficié d’ateliers de sensibilisation au cinéma, proposés par leurs professeurs et coordinateurs Christophe Chambonnière et Karine Masseret Bergeron. Mais aussi, de vingt ateliers d’initiation au cinéma, en parallèle et de manière régulière, encadrés par la réalisatrice Alice Voisin.

À l’origine du projet : une envie d’épouvante…

Loin d’être gravé dans le marbre, le déroulé de ce programme s’adapte énormément aux envies et aux sensibilités des élèves. Ainsi, après avoir capté une affection particulière d’une majorité du groupe pour les films d’épouvante qu’ils connaissent bien les enseignants-coordinateurs ont orienté leurs ateliers sur une étude approfondie des codes de ce genre. La représentation de la figure de la poupée maléfique qui les intéressait a pu alors être analysée à travers des extraits choisis par l’équipe pédagogique. Cela, dans le double but, d’élargir leur culture cinématographique et de leur témoigner de l’éventail de possibilités de ce sujet. Ces projections furent également un rappel de l’importance de la musique dans un film et ont permis aux élèves d’associer très tôt une musique clé aux moments importants de leur projet de film.

Pour le moment appelé Mrs Scranburry (titre provisoire), le court métrage suit un jeune homme emménageant dans un château autrefois habité par une vieille femme passionnée par les poupées. Rapidement après son arrivée, des choses étranges se produisent….

Photogramme du court métrage Mrs Scranburry

L’organisation de l’écriture

Les idées fusaient dans tous les sens.

À l’étape de la conception et de l’écriture du scénario, une division du travail s’imposa vite comme nécessaire. Les coordinateurs témoignent en effet des difficultés rencontrées à travailler en classe entière sur le même objectif : « les idées fusaient dans tous les sens et il était difficile d’y voir clair. Chacun ne s’y retrouvait pas forcément et certains proposaient plus de descriptions sur les personnages, d’autres sur les décors, d’autres sur l’histoire en elle-même ». La solution : « Nous avons alors constitué des groupes : un groupe sur le scénario, un second sur les décors et les lieux, un troisième sur les personnages. Le groupe travaillant sur les répliques imaginait alors les dialogues, le groupe sur les décors imaginait les scènes… ». Mais ce n’est pas pour autant que la communication fut laissée de côté : « chaque idée était proposée à l’ensemble de la classe en fin de séance. Ainsi, des discussions s’ouvraient plus facilement puisqu’elles avaient un support sur lequel débattre ».

Afin de permettre la meilleure qualité de résultat possible, le travail d’écriture était lui aussi très structuré. Christophe Chambonnière, Karine Masseret Bergeron et Alice Voisin ont ainsi établi un planning d’écriture où « le premier travail a été d’élaborer le plan global du film en tenant compte, comme dans l’étude d’un roman, du schéma narratif en 5 étapes (situation initiale, élément déclencheur, déroulement, dénouement, situation finale). Nous avons d’abord travaillé sur la situation initiale pour « planter le décor » et créer les personnages ».

Les élèves lors d’un atelier Laure Farantos

La parole aux élèves

Chacun pouvait se mettre dans une situation ou dans la peau de quelqu’un d’autre. Cela nous a permis d’élargir nos idées pour le scénario.

Ce processus de réflexion et de concertation au cœur de l’écriture du scénario, ce sont peut-être encore les élèves qui le résument le mieux. « Lors des ateliers d’écriture, on note nos idées puis on se rassemble et on s’écoute. On discute ensemble autour de l’histoire et les idées viennent peu à peu. Puis on rédige le scénario et le dialogue se construit », raconte ainsi Grégory J., conscient de l’importance du collectif dans la bonne conduite de ce projet. Cyril L., lui, a particulièrement travaillé sur les dialogues : « on proposait des dialogues en les présentant aux autres et on se concertait pour se décider et voir s’il fallait les modifier ou les améliorer ». Cela, sans jamais oublier de s’interroger sur la vraisemblance des mots dans la bouche des personnages : « on était attentifs lors de l’écriture des dialogues pour que les acteurs n’aient pas de mal à prononcer les phrases. On a adapté les dialogues au langage des personnages ».

Afin de développer la créativité des lycéens, des exercices d’improvisation ont, par ailleurs, été organisés. Lesquels ont permis de « de réfléchir, développer notre imaginaire et trouver de nouvelles idées pour le film », selon Grégory J. et Kenza B. Pour Evan T., le grand apport de ces ateliers était que « chacun pouvait se mettre dans une situation ou dans la peau de quelqu’un d’autre. Cela nous a permis d’élargir nos idées pour le scénario ».

Sur le tournage de Mrs Scranburry Alice Voisin

La question du décor

Le château de Becheville est un endroit parfait pour réaliser un film effrayant car il est lui-même imposant, surtout la nuit…

Au-delà des dialogues et des péripéties, une autre question était centrale, celle du où, du décor de l’action du film. Les contraintes des conditions sanitaires ont pu être un obstacle dans la recherche d’un lieu où situer leur histoire, mais les élèves et leurs intervenants ont su le surmonter. Ainsi, le château de Becheville, situé aux Mureaux et tout près du lycée, s’est rapidement présenté comme une belle opportunité. Les professeurs ont pu faire découvrir le château et ses lieux non restaurés aux élèves et les pièces visitées ont alors été associées au scénario déjà bien avancé.

« Au début, nous voulions tourner le court métrage au lycée, mais nous avons changé d’avis. Le château de Becheville est en effet un endroit parfait pour réaliser un film effrayant car il est lui-même imposant, surtout la nuit… », nous confieIssa D. Ce choix de décor n’a bien sûr pas été sans conséquences : « effectuer les repérages au château a affecté le scénario et le tournage : nous avons changé et ajouté certaines scènes en fonction des lieux »,témoigne alors Maxime C.

Château de Becheville Alice Voisin

Créer la peur : de l’écrit à l’écran

Avant, je pensais que c’était très facile de faire un film, mais j’ai réalisé que j’avais tort !

Le plus grand souhait des élèves est de faire ressentir des émotions fortes aux spectateurs de leur court métrage. Très consciencieux au sujet du décor et de l’ambiance qui va se dégager du château suivant les éclairages et la musique, ils sont aussi attentifs aux techniques pour créer l’angoisse ou faire sursauter le public. Pour créer la première réaction, Cyril L. et Romain Z. évoquent une de leurs stratégies préférées : « instaurer du suspense en filmant quelque chose d’inquiétant que le spectateur verra, mais pas le personnage à l’écran », tandis que pour la seconde, ils mentionnent l’astuce du « screamer : c’est-à-dire une image bruyante et terrifiante qui surgit soudainement à l’écran ».

En plus de pouvoir avancer leur projet dans les meilleures conditions et de découvrir de nombreuses techniques cinématographiques, les élèves ont aussi pu se rendre compte de la grande quantité de travail nécessaire, en amont, à la création d’un film. Ahmed L. confesse ainsi : « J’ai beaucoup appris, notamment sur le fonctionnement du processus cinématographique et les étapes par lesquelles il passe. Avant, je pensais que c’était très facile de faire un film, mais j’ai réalisé que j’avais tort ! ».

Sur le tournage de Mrs Scranburry Juliette Labard

La prochaine étape pour les lycéens, impatients de présenter le résultat de leur labeur, sera le montage et la réalisation d’une affiche pour leur film. Le court métrage sera à retrouver en juin 2022 sur la chaîne YouTube du CNC.

Sur le tournage de Mrs Scranburry