Echo Studio se revendique différent. En quoi ?
J’ai toujours pensé que les images (le cinéma, mais aussi les séries) pouvaient changer le monde. On veut faire en sorte que nos films aient de l’impact, fassent sens. A travers des histoires bien racontées, nous pensons qu’on peut sensibiliser le grand public à des sujets comme l’éducation, l’accès à l’eau, l’environnement, les droits de l’Homme. De plus, je pense qu’il y a une prise de conscience des gens du métier que le cinéma a un rôle à jouer. Et quand on regarde les derniers succès du box-office français, on sent aussi que le public a envie, et même besoin, de ce genre de films. Hors Normes, Au nom de la terre, La Vie scolaire, Les Invisibles sont autant d’exemples où le public s’est déplacé pour apprendre des choses et potentiellement changer son regard.
On ne peut s’empêcher de rapprocher Echo Studio de votre expérience à DisneyNature, filiale de Disney que vous avez créée et qui est dédiée aux documentaires sur la faune, la flore et l’environnement.
Oui, je voulais que les films ne soient pas que des films et je voulais des campagnes d’impact, même si, à l’époque, le terme n’était pas à la mode. Mon constat en créant DisneyNature était le suivant : le groupe Walt Disney parle à des centaines de millions de foyers dans le monde tous les jours à travers les chaînes de télévision, les films, les DVD, les produits dérivés. Fort de cette puissance média hallucinante, je voulais en profiter pour faire passer des messages. Dans les années 1940-1950, Disney avait créé un label True-Life Adventures. Il était donc naturel pour Walt Disney de revenir sur ces sujets-là parce que la place des animaux dans les films de Disney est prépondérante. Chaque film était lié à un thème : la destruction du monde sauvage et de l’habitat des chimpanzés, la sauvegarde des océans… A chaque fois, nous travaillons avec des ONG pour que le film, en dehors du divertissement qu’il représente, puisse faire avancer le sujet de la protection environnementale.
Comment fonctionne Echo Studio ?
Nous fonctionnons soit en direct avec les producteurs qui ont besoin d’un soutien, d’une aide technique ou d’une aide financière, soit en direct avec des auteurs, car nous pouvons aussi être producteurs délégués. La particularité d’Echo Studio c’est d’être agnostique en termes de format (long ou court métrage, série) et de genre (documentaire, fiction). Nous sommes intervenus sur six films depuis notre création : trois pour le cinéma et trois pour la télé. Demain est à nous est sorti en septembre dernier. C’est un documentaire de Gilles de Maistre qui part à la rencontre d’enfants de tous les pays qui font des choses incroyables pour leur communauté. Freedom, sorti fin novembre, représentait l’Australie dans la course aux Oscars pour le meilleur film étranger. Ce premier film en langue khmère parle de l’esclavage moderne dans les milieux de la surpêche en Thaïlande. Watt the Fish, un unitaire de 52 minutes diffusé sur France 3, traite de la pêche électrique et des conséquences dramatiques pour les artisans pêcheurs de Bretagne et d’Angleterre. One Way Ticket est un documentaire sur des réfugiés congolais qui se retrouvent aux États-Unis. On est en train de finir le tournage de Marcher sur l’eau, le premier film d’Aïssa Maïga, un documentaire qui raconte l’histoire d’un village africain avant, pendant et après la construction d’un puits.
Comment avez-vous procédé ?
On n’a pas demandé aux associations : « Quand est-ce que vous faites un puits ? » On a pris les devants. La particularité de ce film, c’est qu’il devait inclure le projet. On a donc travaillé avec l’association Aman Iman, qui nous a aidés à choisir l’emplacement du forage. On tourne au Niger depuis un an et demi. Ce qui est fou, c’est que dans cette région du Niger, il y a un lac 250 mètres sous le sol qui fait la taille de plusieurs départements français. Ces gens n’ont pas accès à l’eau, mais marchent littéralement dessus. L’idée du film est de montrer le lien fort qu’il y a entre l’eau et la vie de plusieurs villages. L’eau apporte beaucoup plus de choses que l’eau elle-même et son arrivée a de conséquences sur l’alimentation, la santé, mais aussi l’éducation des filles, leurs mutilations, leurs mariages forcés.
Le film seul peut-il changer les choses ?
L’idée, c’est aussi d’accompagner les spectateurs à la sortie de la salle pour que – s’ils en ont envie – ils puissent contribuer d’une manière ou d’une autre. Soit en s’intéressant encore plus au problème, soit en donnant du temps, soit en faisant un don. On veut faire en sorte que voir un film ne soit pas une fin en soi, mais le début de quelque chose. Pour cela, en plus de travailler avec ces producteurs et de soutenir ces films, nous avons créé une agence interne d’impact marketing. On travaille avec des institutions, des fondations, des fonds de dotation, avec des ONG afin de se donner des objectifs clairs : est-ce que le film est fait pour sensibiliser uniquement ou pour changer une loi ? Peut-on créer une communauté autour du film ? Comment aider l’ONG qui travaille sur le film ? Nous créons les outils pour ceux qui veulent s’y intéresser. L’idéal est de réfléchir à tout cela très en amont, dès la réalisation afin d’inclure dans le film - si possible - certaines clés qui permettront d’aider à faire ce travail.
Avez-vous aussi à cœur d’être éco-responsable dans vos tournages ?
C’est sûr, et on fait en sorte de l’être. Notre particularité c’est de tourner avec de toutes petites équipes. Nous ne pouvons pas éviter l’avion pour aller au Niger, mais une fois sur place, notre impact carbone est quasi nul. Pour Demain est à nous, Gilles de Maistre, qui a réalisé le film et l’a produit, a tourné quasiment seul en restant quelques semaines sur place.
Certains de vos films ont-ils déjà eu un impact ?
Il est assez difficile de mesurer réellement l’impact. Freedom a été projeté aux députés à l’Assemblée nationale. S’il peut éveiller des consciences, c’est déjà formidable. Avec Demain est à nous, Gilles de Maistre fait énormément de projections dans le cadre scolaire. On a aussi projeté le film à l’institut de l’Engagement créé par Martin Hirsch, destiné aux jeunes de 18 à 25 ans. Et je suis en train de m’assurer qu’il sera projeté dans de bonnes conditions au Pérou afin d’aider José Adolfo et sa banque solidaire à obtenir un plus large écho. Nous nous réjouissons lorsqu’un film a touché, même si ce n’est qu’une seule personne. Au mois de septembre dernier, Demain est à nous a été projeté au Festival de La Roche-sur-Yon. Le lendemain, l’exploitant a croisé des enfants en train de donner à manger à des SDF. C’est le film, vu la veille, où Arthur vient en aide aux sans-abris, qui les avait inspirés. Je pense que ce genre de réflexe n’est pas un cas isolé. Ça peut paraître dérisoire. Est-ce que c’est ça qui va faire changer le monde ? Non. Mais si ça peut faire avancer les choses, c’est bien.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ?
Les bons sujets, les bons réalisateurs et les bonnes histoires ! On vient de lancer un appel à projets auprès de tous les producteurs français et beaucoup de producteurs anglo-saxons. On souhaite aussi travailler avec des fondations qui peuvent nous aider dans la campagne d’impact ou dans le financement du film afin d’avoir les moyens dans notre ambition de rendre le monde meilleur avec des images.