Le retour de Nicole Garcia à la Mostra avec Amants

Le retour de Nicole Garcia à la Mostra avec Amants

01 septembre 2020
Cinéma
Amants de Nicole Garcia
Amants de Nicole Garcia Roger Arpajou - Les Filmes Pelléas - France 3 Cinema - Mars Films
En 1998 Catherine Deneuve avait reçu le prix d’interprétation à Venise pour son rôle dans Place Vendôme. En 2018, la réalisatrice faisait partie du jury de l’édition 2018 – présidé par Guillermo del Toro - qui a décerné son Lion d’Or à Roma. L’histoire entre Nicole Garcia et le Festival de Venise se poursuit cette année avec la présentation en compétition de son neuvième long métrage, Amants. Rencontre.

Quel rapport entretenez-vous avec le Festival de Venise ?

Nicole Garcia : C’est, pour moi, une manifestation plus « exotique » que Cannes qui est en quelque sorte un festival « à la maison ». On s’exile un peu. Les visages qui vous entourent sont moins familiers. On se sent finalement plus invité.

Ce qui signifie moins de pression quand on y présente un film comme cette année avec Amants ?

Je vous le dirai le soir de sa présentation (rires). Pour l’instant, je suis simplement heureuse à l’idée de cette reprise possible après le confinement total. Heureuse que les gens se réunissent à nouveau dans une salle de cinéma pour découvrir des films au lieu de les regarder, chacun de leur côté, sur des petits écrans. Cette édition 2020 sera forcément particulière. Les gestes barrières seront au programme. Mais l’essentiel est que le festival puisse avoir lieu. C’est le signal du renouveau.

Quel souvenir gardez-vous de votre rôle de jurée en 2018 avec le sacre du Roma d’Alfonso Cuarón?

Celui d’une parenthèse enchantée, d’un Eden cinéphile. Il y a comme un moment de vertige à enchaîner la vision de films sur une période aussi courte. On éprouve ce sentiment étrange d’une cloison étanche avec le monde extérieur. Comme si soudain plus rien d’autre n’existait que ces films et l’attente du palmarès. Ce furent en tout cas des moments très gais : on se retrouve dans les meilleures conditions possibles, avec les privilèges les plus fous du monde. C’est le meilleur confinement que je n’ai jamais vécu ! Et ce jusqu’à l’heure des délibérations. A ce moment-là, on se déchire et on finit toujours par repartir avec des regrets (on ne parvient jamais à faire gagner tous les films qu’on a aimés). Mais rien ne peut gâcher le plaisir de cette expérience. J’ai vécu ce moment comme une cure, comme un moment de pause, à la différence évidemment des éditions où l’on présente un film en compétition.

Quelles images vous restent en tête de la présentation de Place Vendôme en 1998 qui avait valu le prix d’interprétation à Catherine Deneuve ?

Les choses ont beaucoup évolué depuis, j’ai pu m’en rendre compte lorsque j’étais jurée. Mais il régnait à l’époque une sorte de désordre joyeux où les gens n’arrêtaient pas d’entrer et de sortir de la salle pendant la projection du film. Il n’y avait pas ce côté « projection cathédrale » du Festival de Cannes. J’espère qu’avec Amants, le silence et le respect de l’œuvre ne seront pas uniquement dus à la COVID-19 mais aussi au film (rires) !

Amants met en scène un jeune couple parisien, Lisa et Simon, brutalement séparé après une soirée qui a mis en danger Simon, et dont les destins se croiseront à nouveau bien plus tard, loin de la France, dans l’Océan Indien. Où votre neuvième long métrage trouve-t-il ses origines ?

Amants est né le jour où Jacques Fieschi, mon complice d’écriture, m’a parlé d’une histoire dont il avait au départ pensé faire un roman. Et ça a été ma chance, comme une voie nouvelle qui s’ouvrait à moi avec la possibilité de me plonger dans un univers de film noir, un genre qui m’attire depuis longtemps. J’avais en moi ce désir de m’aventurer dans des ambiances glacées.

Amants mêle thriller et triangle amoureux. Aviez-vous en tête, dès l’écriture, les visages des comédiens qui en incarnent les trois personnages principaux : Pierre Niney, Stacy Martin et Benoît Magimel ?

Comme ces trois personnages sont loin de moi, je ne pensais qu’à eux pendant l’écriture, pas à ceux qui allaient les interpréter. Ce n’est qu’une fois terminé que je suis allée vers les acteurs. Et je n’ai pas cherché trois comédiens mais un véritable trio puisqu’il s’agit ici en effet d’une partition amoureuse à trois. C’est Alain Resnais qui me l’a appris. Et à mes yeux, Stacy, Pierre et Benoît – que je retrouve quatorze ans après Selon Charlie - constituent le trio parfait car ce sont des acteurs très différents. Certains jouent à l’instinct, d’autres de manière plus cérébrale. Leur différence enrichit leur partition à trois.

Quatre ans se sont écoulés entre Mal de pierres et Amants. Quels sentiments éprouvez-vous entre deux projets ? Ne pas réaliser crée-t-il un manque chez vous ?

Très clairement. J’ai la nécessité de vivre avec un projet dans la tête et dans le cœur. C’est devenu une aliénation. J’assume le terme. Sans cela, je me sens perdue. Quand je termine un film, je suis toujours un peu hébétée, un peu flottante. J’oscille entre le soulagement d’être allée au bout d’une aventure et l’angoisse de l’après. Je me sens très vide. La plage est nue… et puis un jour la vague revient. Et ce jour-là est magnifique.

Cette aliénation que vous évoquez était présente dès la fin de votre premier long, Un week-end sur deux ?

Elle existe en fait depuis que j’ai eu la chance de passer derrière la caméra avec mon premier court 15 août en 1986 et que j’ai pu alors apprendre quelque chose d’autre au cinéma que mon métier d’actrice. Et elle ne m’a jamais quittée. A chaque fois que je termine un film, je guette cette pierre d’achoppement qui un jour va me faire basculer vers un nouveau sujet. Comme une fatalité indispensable pour en tirer ma propre vitalité.