Les Américains arrivent !

Les Américains arrivent !

11 mai 2020
Cinéma
Married in Haste
Married in Haste
Contrairement à une idée communément admise, le cinéma américain n'a pas attendu la Première Guerre mondiale pour atteindre les écrans français. Dès la fin de la première décennie du XXème siècle, des films traversent ainsi l'Atlantique et sont diffusés dans les cinémas hexagonaux. En voici quelques-uns.

Communément, on identifie l’arrivée des films américains en Europe à la faveur de la Première Guerre mondiale … Eh bien non, une lecture attentive des programmes des salles de cinéma parisiennes et en région révèle que dès 1908/1909 les films américains sont présents sur les écrans français ! La circulation des films d’un continent l’autre s’organise ainsi très vite grâce à l’ouverture de filiales à l’étranger, comme la Société Française des Films et Cinématographes Eclair, fondée en 1907, qui s’installe ainsi aux Etats-Unis sous le nom d’Eclair Film Company of America (Married in Haste) en 1910/1911 et l’apparition de distributeurs qui se spécialisent pour donner la possibilité aux exploitants de faire découvrir à leur public ces films venus d’ailleurs.

Love and Silence

Produit en 1911 par la filiale américaine de Pathé, American Kinema, le film sort sur les écrans en juillet 1912. A cette époque, en effet, la firme au coq souhaite se lancer à l'assaut du marché américain pour diversifier sa production. De simple succursale destinée à diffuser les films français aux Etats-Unis, le bureau de Pathé se transforme en unité de production. Bien que très largement amputé (284 m) et présenté ici dans une version italienne, qui témoigne de la circulation d’un continent à l’autre des films en ce début des années 1910, cette œuvre portée par un ressort dramatique simple, n’en est pas moins attachante. Drame de l’abnégation au nom de l’amitié et du sacrifice par amour, James en est le héros sans reproche. Le début du film utilise de façon tout à fait habile le montage par alternance qui instaure la tonalité de l'oeuvre : James, au service de l’accidenté de la route, laisse Charles se précipiter aux pieds d’Anna la jeune fille qu’ils courtisent tous deux. Et l’on en vient à se demander si cet accident de la route doit tout au hasard ?

 

A Strange Meeting

A Strange Meeting est réalisé en 1909 par David W. Griffith pour la Biograph Company et sort aux Etats-Unis le 2 août de la même année. La société de production, fondée en décembre 1895, lui a précédemment permis de réaliser en 1908 son premier film, The Adventures of Dollie qui obtient un succès immédiat. Il y dirige ensuite tous les films produits entre juin 1908 et décembre 1909. Sa contribution au succès de la Biograph Company s’acheva en 1913 après la signature de quelques 400 courts, Griffith se consacrant alors à la réalisation de longs métrages.

A la technique statique de l'époque, imposée par l'influence du théâtre, Griffith va opposer un esprit neuf : au lieu de voir le cinéma comme un succédané de l'art dramatique, il introduit l'usage du gros plan et surtout du montage alterné qui permet de créer une tension maximale avant la résolution finale de l’intrigue, tel qu'on peut le percevoir dans A Strange Meeting, évoquant la rédemption d'une jeune femme en perdition sauvée de ses mauvaises fréquentations par un prêtre.

Pour la petite histoire, Mack Sennett et Mary Pickford font de la figuration dans ce film et Griffith confia rapidement au premier la réalisation de comédies au sein de la Biograph tandis que la seconde devint l'une des actrices les plus importantes du cinéma muet américain mais aussi une productrice avisée au sein de l’United Artists dont elle fut l’une des fondatrices.

 

Married in Haste

Cette comédie, présentée dans sa version italienne, fut réalisée par William Frederick Haddock qui débuta sa carrière de réalisateur en 1909 (Les Bottes qu’il ne pouvait perdre) et qui mit en scène la première représentation cinématographique de la mythique bataille d’Alamo (1836) avec The Immortal Alamo en 1911. Ici, grâce à un montage rapide, il oscille entre comédie de boulevard (l’homme qui doit se trouver une fiancée pour faire plaisir à une riche tante) et le burlesque (la nécessité de travestir un ami en fiancé pour satisfaire la tante à héritage) pour donner un film plein d’énergie et où l’ambiguïté du genre n’est jamais scabreuse. Un régal !