Il est impossible de penser à la filmographie de Marco Ferreri sans aborder le séisme créé par La Grande Bouffe lors de sa présentation à Cannes en 1973. Malgré les huées du public, le dégoût de la présidente du jury Ingrid Bergman et les critiques assassines, cette satire acerbe de la société de consommation avec Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Michel Piccoli s'est imposée comme un chef-d’œuvre transgressif. Une gigantesque farce sur les excès et les vices de la bourgeoisie, provocatrice à souhait, à l'image de l'œuvre de Marco Ferreri projetée à la Cinémathèque du 26 janvier au 28 février. La rétrospective débutera avec la diffusion de Break-up, érotisme et ballons rouges (1965), long métrage méconnu qui reflète déjà les grandes obsessions de son auteur : l'absurde, l'aliénation et la surconsommation. Plus qu'une simple comédie de mœurs, cette charge contre les dérives capitalistes met en scène Marcello Mastroianni en entrepreneur obsédé par la taille de ses ballons publicitaires.
La projection de La Grande Bouffe (29 janvier) sera présentée par l'actrice Andréa Ferréol - inoubliable dans son rôle d'institutrice plantureuse dans le film - et la directrice de la Cinémathèque de Grenoble, Gabriella Trujillo. Autrice du livre Marco Ferreri, le cinéma ne sert à rien (Capricci, 2021), cette dernière reviendra le 5 février à l'occasion d'une discussion autour du film Liza (1971). Catherine Deneuve y interprète une citadine snob venue perturber la tranquillité du solitaire Giorgio (Marcello Mastroianni) et de son chien Melampo. Les spectateurs pourront aussi découvrir le premier film de Ferreri, L'Appartement (1958), où un sans-le-sou décide d'épouser une aristocrate mourante pour enfin accéder à la propriété. Des films aussi précieux que décapants, souvent incompris à leur sortie, qui questionnent la bien-pensance et l'absurdité de notre époque. Comme le disait Philippe Noiret au sujet de l'accueil glacial réservé à La Grande Bouffe sur la Croisette : « Nous tendions un miroir aux gens et ils n'ont pas aimé se voir dedans. C'est révélateur d'une grande connerie. »