Quelle est l’histoire du Festival de Sarlat ?
Nous allons ouvrir la 31e édition du festival tel qu’il a été créé en 1991 par Joëlle Bellon [décédée en 2019, ndlr] avec l’aide des professeurs du lycée Pré de Cordy. Mais il n’est pas né de rien : avant le lancement du festival, il y avait déjà une manifestation. Dix ans auparavant, des professeurs s’étaient mis à travailler sur le cinéma. Ce n’était pas organisé comme aujourd’hui, mais les enseignants invitaient des cinéastes à venir rencontrer leurs élèves et à discuter des films. Très vite, des réalisateurs établis, des personnalités comme Bertrand Tavernier, ont accepté de venir pour échanger. Et un festival de films amateurs a vu le jour. Tout cela a duré une petite dizaine d’années, avec des hauts et des bas. Jusqu’à ce qu’en 1991, une productrice qui s’intéressait à ce qui se faisait là décide de donner une autre ampleur à la manifestation. Joëlle Bellon a fait jouer ses relations – politiques et industrielles – et elle a lancé le festival sous la forme qu’il a encore aujourd’hui. Avec Christine Juppé-Leblond, Joëlle a imaginé la plupart des événements qui structurent encore le festival. Par exemple, ce sont elles qui ont eu l’idée des « petites séquences » : ces courts métrages que préparent une dizaine d’équipes lycéennes et qui sont diffusés durant le festival.
Il y a également un vrai programme pédagogique...
La fonction pédagogique du festival est effectivement essentielle. L’équipe bénévole y travaille d’une année sur l’autre. Comme je le disais, à Sarlat, tout est parti de l’enthousiasme des professeurs du lycée. Et Joëlle a su développer cette envie, structurer les dynamiques. Elle a permis qu’il y ait un vrai programme pour les lycéens. Il est conçu chaque année pour les 600 élèves qui viennent d’une trentaine de lycées à travers toute la France. Le principe est simple : on présente un des films proposés au bac et trois ou quatre autres œuvres du même réalisateur. Une analyse de ces films est conduite par un fin connaisseur du cinéaste. Mais au-delà de ces présentations, il y a aussi des ateliers durant lesquels des professionnels du secteur viennent raconter leur métier, comment ils y sont arrivés et comment ils continuent de nourrir leur passion… Au fond, ce festival répond au besoin des étudiants qui ont choisi l’option cinéma au bac. Et si nous ne sommes pas les seuls à accueillir des étudiants en festival – Montpellier le fait aussi très bien –, notre spécificité, c’est le programme extraordinairement diversifié que l’on propose.
D’ailleurs, Sarlat est aussi un festival public...
Oui ! Si, dès le départ, la mission pédagogique était centrale pour Joëlle, elle a tout de suite voulu donner au festival une résonance plus large. Elle a donc développé des avant-premières en faisant venir des équipes artistiques qui font la promotion des films et rencontrent les lycéens.
Quels sont les retours des équipes qui viennent au festival ?
Les réalisateurs et les comédiens s’attendent à une demi-heure d’entretien et restent parfois… près de deux heures ! Ils adorent. Quant aux distributeurs, ils guettent avec grand intérêt les réactions de ce public particulier. Sarlat, c’est un test pour eux.
Cette année, qui viendra présenter les films ?
Je ne me mêle pas du tout de la sélection des films, mais je demande aux sélectionneurs la plus grande ouverture. La diversité ! Et ils l’ont fait depuis 2010 (année où j’ai été élu président). Cette année, on accueillera notamment Cécile de France, Anne Le Ny, Rachid Bouchareb et Raphaël Personnaz, Karim Leklou, Maïwenn, Gad Elmaleh ou encore Romane Gueret pour la compétition.
Le festival décerne effectivement des prix. Comment choisissez-vous le jury ?
Pour les longs métrages, il n’était pas question d’avoir un jury de professionnels. On a donc fait le choix d’avoir un prix du public, un prix des lycéens, mais également d’avoir un jury jeune, formé et accompagné pendant la manifestation par une personne qui va sensibiliser ses membres à la critique. À l’issue du festival, ce jury jeune va lui aussi choisir un film de la sélection et décerner deux prix d’interprétation.
Pourquoi est-il si important selon vous de s’adresser à la jeunesse ?
J’ai toujours travaillé dans le domaine de l’image, à la télévision publique pendant trente-sept ans. C’est un moyen d’expression multiple. On peut faire des choses formidables avec l’image, mais il faut éduquer les gens à son pouvoir. Et puis, la force première du cinéma, qui fait qu’on a tant besoin de cet art, c’est qu’il s’agit d’un moment collectif. On voit des films ensemble. C’est une communion. À Sarlat, le public est réuni dans la salle du centre culturel de 600 places pour partager son émotion autour d’un film.
Comment avez-vous traversé la crise du Covid ?
Jusqu’en 2019, on notait une présence croissante du public dans les six salles du Rex. En 2020, on a subi, comme d’autres, le confinement de plein fouet. Et l’année 2021 fut… contrastée, disons. Il y a eu une baisse d’affluence de 40 % dans les salles du Rex, mais on est remonté à -20 % pendant le festival. L’ennui, c’est que les gens ne sont pas revenus après le festival. Et depuis l’année dernière, la fréquentation du REX est à -30 % par rapport à l’affluence moyenne pré-Covid. Ce qui m’intéresse, c’est donc autant ce qu’il va se passer pendant le festival que l’après. J’ai une certitude : les gens ont envie de revenir en salles – j’étais à Angoulême et le festival était plein ! Mais si le public répond présent pour les avant-premières et les rencontres, je souhaite qu’il soit aussi là en dehors de la manifestation. On ne peut pas faire la fête tous les jours ! Je fais un petit discours au début du festival – très court, rassurez-vous – et je vais le dire et le répéter : il faut revenir en salles hors festival !