Le Corniaud (1965)
Lorsque Gérard Oury entame le tournage du Corniaud à l’été 1964, personne ne s’attend à ce que le film devienne un road-movie culte. A son actif, le cinéaste n’a qu’un seul succès commercial : Le Crime ne paie pas (1962). La star du film c’est Bourvil. Louis de Funès n’est pas encore le champion du box-office – Le premier Gendarme sortira pendant le tournage. Les deux comédiens partageaient peu de scènes ensemble. En effet, Louis de Funès interprète l’ingénieux et exécrable trafiquant de drogue qui charge le gentil et innocent Bourvil de véhiculer seul une cargaison bien encombrante dont le célèbre Youkounkoun.
Mais le plan de tournage a été modifié, et oblige Oury à mettre en boîte en premier toutes les scènes avec Bourvil dans sa Cadillac. Louis de Funès et son épouse Jeanne assistent à la projection des rushes. « Le lendemain matin, à l’aube, de Funès appelle Gérard, qui est dans le même hôtel, raconte Danièle Thompson dans Gérard Oury, mon père, l’as des as, et lui demande de venir dans sa chambre. Là, Louis et Jeanne, (…) lui montrent preuves à l’appui - ils ont dépecé le scénario et ont mis des points rouges devant ses répliques et des points verts devant celle de Bourvil, à moins que ce ne soit l’inverse!- que Saroyan a beaucoup moins de répliques que Maréchal, et accusent Gérard, qui avait promis des rôles égaux, de l’avoir trahi. » Il ajoute alors deux scènes pour De Funès dont celle de la douche qui deviendra culte.
La Grande vadrouille (1966)
Faire rire de l’Occupation et des Nazis à peine vingt ans après la fin d’une guerre qui traumatisa la France, l’entreprise était impensable. La même année, René Clément ne signe-t-il pas son film hommage à la Libération de Paris, Paris brûle-t-il ? Mais Gérard Oury, sa fille Danièle Thompson (qui collabore là avec lui, officiellement, pour la première fois) et le scénariste Marcel Jullian ont osé. « Le plus difficile bien sûr, raconte Danièle Thompson, est de truffer cette vadrouille de gags. Il faut sans arrêt inventer, rebondir. Les idées s’enchaînent. Gérard nous disait qu’il fallait que, comme des bandes dessinées ou les dessins animés de Tom et Jerry, il se passe toujours quelque chose de nouveau d’une image à l’autre. » Le duo Bourvil – De Funès est reformé mais cette fois-ci les deux comédiens ne se quittent pas. L’innocent peintre en bâtiment et le chef d’orchestre caractériel traversent la France pour aider deux aviateurs britanniques. Des dialogues cultes, des gags extraordinairement bien réglés, des acteurs incroyables font de La grande vadrouille un sommet de la comédie. Ses 17 millions d’entrées seront longtemps indépassables.
La Folie des grandeurs (1971)
Gérard Oury est entré au Panthéon du cinéma français. Déjà, avec Le cerveau, il a bénéficié de moyens gigantesques. Après cela, il souhaite réunir de nouveau son duo fétiche pour une adaptation de Ruy Blas. Il connait bien ce drame romantique de Victor Hugo puisqu’il a joué Don Salluste sur la scène de la Comédie-Française. Sous le titre Les sombres héros, Oury, accompagné de Marcel Jullian et de Danièle Thompson, entame l’écriture de ce film en sachant Bourvil malade. Le comédien décède avant le premier clap. C’est Simone Signoret qui a l’idée de proposer à Gérard Oury de le remplacer par Yves Montand. Sauf que ce dernier est hésitant : il ne veut rien avoir à faire avec l’Espagne franquiste où doit se tourner le film. « Finalement, le film se tourne, raconte Danièle Thompson. Un miracle. S’amusant de leurs différences aussi bien physiques que… politiques, Montand et De Funès s’entendent très bien. Chacun veut être à la hauteur de l’autre. Et cela les pousse à se dépasser pour la plus grande joie de Gérard qui retrouve Louis et découvre Montand. »
Les Aventures de Rabbi Jacob (1973)
Rire de l’antisémitisme. Inventer un PDG raciste obligé de se déguiser en rabbin orthodoxe. Ecrire une comédie sur la tolérance entre catholiques, juifs et musulmans. Telles sont les grandes idées de Gérard Oury aussitôt le montage de La Folie des grandeurs terminé. Alain Poiré, l’ami et producteur de Gérard Oury, n’y croit pas. En 1972, alors que Danièle Thompson et Gérard Oury, sont en pleine écriture du scénario, onze athlètes israéliens sont assassinés aux J.O. de Munich. « Pourquoi donc avons-nous persévéré ? s’interroge Danièle Thompson dans son livre. La force de persuasion de mon père sans doute. Et surtout son intime conviction que le rire pouvait être sinon la meilleure arme, en tous cas l’une des plus efficaces pour s’attaquer, comme il disait, à « tout ce qui dresse entre les hommes des murailles de connerie » ». Le tournage se déroule sans accroc entre New York, la cour des Invalides et la reconstitution de la rue des Rosiers à Aubervilliers. Douze jours avant la sortie, le 6 octobre 1973, l’Egypte déclenche la Guerre du Kippour en envahissant Israël. Gérard Oury reçoit des menaces, des coups de téléphone anonymes et même un appel au boycott. Il n’en sera rien. Les aventures de Rabbi Jacob deviendra un phénomène de société.
L’as des as (1982)
Gérard Oury retrouve Jean-Paul Belmondo quatorze ans après Le cerveau. Gérard Oury écrit sur mesure pour lui une comédie d’aventures où il interprète un ancien pilote d’avion de 14-18, devenu champion de boxe puis entraîneur de l’équipe de France préparant les J.O. de Munich en 1936. « Belmondo est heureux de le retrouver, écrit Danièle Thompson, et il partage avec lui la même passion pour la boxe et pour les avions, pour les films populaires à grand spectacle, et l’idée de faire rire avec une fable sur l’intolérance - et d’envoyer Hitler valdinguer au fond d’une mare!- lui plaît beaucoup. Non seulement il décide d’en être le coproducteur aux côtés d’Alain Poiré et de Gaumont, mais il renonce à son cachet pour que le film puisse se tourner. » L’As des as sera le plus gros succès de Jean-Paul Belmondo derrière Le Cerveau.
Gérard Oury.
Mon père l’as des as de Danièle Thompson avec Jean-Pierre Lavoignat (Editions La Martinière) Sortie le 9 mai.