Pourquoi avez-vous décidé de continuer Étranges Escales quand la pandémie ne vous permettait plus de vous déplacer ?
Cela faisait pas mal de temps que je réfléchissais à faire des lives car j'ai commencé par la radio il y a une bonne quinzaine d’années. Depuis, j'ai toujours eu envie de m'y remettre, de retrouver cette spontanéité du direct. Pendant le confinement, avec l'équipe du festival Frames qu'on organise chaque année à Avignon autour de la vidéo sur Internet, on a mis en place un rendez-vous bihebdomadaire où j'interroge des vidéastes. Et j'ai tout de suite pris goût à l'exercice du live total. La personne qui faisait la régie m'a expliqué comment fonctionne le logiciel de streaming OBS, une sorte de régie télé mais à la maison. L'étape d'après fut d'apprendre à me familiariser avec Twitch : ça me titillait depuis longtemps, mais il y avait un côté un peu hermétique qui me décourageait… C'est toute une culture et un univers que je ne connaissais pas. Une fois que j'ai appris les deux, c'était parti : j'ai pu commencer à faire ces lives et j'ai tout de suite beaucoup aimé cet exercice, ainsi que la communauté de Twitch très bienveillante.
C’est un tout nouveau public pour vous…
Totalement. Il y avait d’un côté les gens qui me suivaient déjà sur YouTube et qui étaient contents de découvrir une autre facette du programme. Et de l’autre, des personnes qui ont totalement découvert ce que je fais. C'est là que j'ai vu que le concept plaisait, puisque ceux qui ne me connaissaient pas restaient. Plutôt bon signe ! En fait, le concept d’Étranges Escales à la maison est une déclinaison vidéo de ce que je faisais il y a deux ou trois ans sur les réseaux sociaux. Je postais un lien Google Street View, puis je proposais aux gens de cliquer dessus et de tourner à droite ou à gauche pour découvrir une curiosité. Au fil du temps, on m’a souvent demandé si j'allais un jour reprendre ce concept. Je pense que la plateforme Twitch s'y prête bien, car il y a en plus un côté ludique, avec les personnes dans le chat qui peuvent essayer de deviner à l'avance ce que je vais montrer. C'est vraiment très chouette à faire pour moi et j’aime beaucoup la dimension de découverte, puisque qu’au-delà d’expliquer comment tel objet s’est retrouvé à tel endroit, je raconte des histoires, des légendes…
Chaque émission demande beaucoup de préparation ?
Oui, car j'essaie de montrer entre douze et quinze sites à chaque fois. Il faut trouver des endroits suffisamment intéressants, donc ça prend forcément du temps. Mais je reçois aussi énormément de suggestions de lieux que je ne connaissais pas forcément et qui sont intéressants de la part des internautes. Ce qui est vertigineux avec Google Street View, c'est qu'on a accès à quasiment la totalité du globe, il n’y a quasi pas de limites. Je découvre sans cesse de nouvelles choses mais il faut aussi pouvoir trouver des informations, ce qui n’est pas toujours possible. Dans une des éditions, je montrais par exemple une maison en région parisienne qui est entièrement décorée façon Hello Kitty, rose bonbon. Et aucune explication n’est disponible sur Internet !
Avec autant de possibilités, est-ce parfois compliqué de structurer l’émission ?
Pas forcément, c’est une sorte de montagne russe à travers les émotions et les impressions. J'aime bien passer d'un type de lieu à un autre totalement différent, parce qu'à chaque fois il y a une surprise. Au début, on tombe sur une sculpture insolite, puis sur un bâtiment surprenant ou quelque chose d'un peu effrayant... Il y a eu quelques émissions à thème, dont une spéciale Creepy consacrée uniquement à des endroits effrayants, avec un invité, Quentin, de la chaîne ALT236 qui parle d'univers un peu sombres. J’ai aussi fait une spéciale architecture. Mais je reste tout de même attaché à ce côté aléatoire, où chaque nouvelle curiosité va permettre de découvrir une chose totalement différente.
Le direct veut dire que vous ne montez plus les vidéos. Qu’est-ce que ça change dans votre approche ?
Tout. Avec YouTube, je me suis enfermé au fil des années dans une sorte de surenchère au niveau de la production. Au tout début, en 2013-2014, je faisais des vidéos beaucoup plus simples, en face caméra avec des illustrations photographiques. Et petit à petit, à force de développer l'aspect technique, à aller montrer des sites ou à illustrer ce que je racontais, il est devenu difficile de retourner en arrière. Tout ça a pris de l’ampleur, et plus c'est produit, plus ça prend de temps. Je sortais donc moins de vidéos. C’était pratiquement impossible pour moi de proposer sur YouTube quelque chose de beaucoup plus court, de beaucoup moins produit. Avec Twitch et ce format live, je peux enfin m'affranchir de ça. Il y a une base écrite et des recherches, mais c'est spontané et je n'apprends pas un texte à la virgule. Car il y a une grande tolérance de la part du public qui sait que c'est du live : on a donc le droit de se tromper, de bafouiller… C'est très libérateur. Ça permet aussi de tenter des choses : en dehors de ce concept d'Étranges Escales, j'ai aussi un format qui s'appelle Étranges Archives, réunissant certaines de mes anciennes vidéos. J'ai un peu l'impression de retrouver sur Twitch cette effervescence et cette liberté de création qui existaient sur YouTube quand j'ai commencé.
Vous vous souvenez du tout premier épisode d’Étranges Escales, il y a près de six ans ?
Très bien. C’était à New-York en septembre 2014. Puis il y a eu Londres. Je le je faisais dans le cadre dans mes vacances, avec ma compagne. Puis est venue cette saison financée sur Ulule, avec sept épisodes. Et là c'était très différent, beaucoup plus produit, en équipe... Ce programme a vraiment connu deux périodes.
Allez-vous continuer à la maison sur le long terme ou s’agissait-il d’une parenthèse ?
Ça ne va pas s'arrêter ! C'est très complémentaire comme exercice, c'est du live, et c'est vraiment chouette à faire. Parmi les lieux dont je peux parler dans Etranges Escales à la maison, il y en a beaucoup que je n’irais jamais visiter en vrai : je ne vais pas aller dans un pays très lointain simplement pour filmer un petit détail ! Être sur Twitch me permet de montrer des choses dont je devrais me priver dans le format classique de l’émission.