Monsieur Phi, à la découverte de la philosophie

Monsieur Phi, à la découverte de la philosophie

24 septembre 2021
Création numérique
Monsieur Phi
Monsieur Phi Thibaut Giraud/DR
Depuis 2016, Thibaut Giraud décrypte la philosophie contemporaine sous le nom de Monsieur Phi, sur une chaîne YouTube soutenue par CNC Talent. Retour sur le parcours de cet ancien professeur de lycée devenu un vidéaste reconnu.

« La théorie peut-elle réfuter l’expérience ? », « La Liberté en jeu », « Le Fondationnalisme : quelle est la base de l’édifice des connaissances ? » ou encore plus récemment « Qu’a-t-on fait d’Aristote pendant 2000 ans ? ». Sur sa chaîne YouTube Monsieur Phi, Thibaut Giraud explore tous les champs de la philosophie en évoquant aussi bien des penseurs récents qu’anciens. Un travail de vulgarisation qui est dans la lignée de son début de carrière en tant que professeur de philosophie en lycée. « J’étais un peu coincé dans l’enseignement. Je regardais beaucoup de vulgarisation scientifique sur YouTube et à l’époque il y avait un côté très artisanal : il suffisait de prendre son portable, de se filmer et de mettre ça en ligne de manière autonome, ce qui ne nécessitait pas un investissement énorme, explique ce docteur en philosophie. La seule chose qu’il fallait vraiment, c’était des choses à raconter. Ayant fait cours à des terminales, j’en avais ».

Autodidacte, il a appris la vidéo et le montage sur le tas, en postant ses premiers contenus qu’il écrivait de la même façon que ses cours de lycée. « Il y a un côté vulgarisation évident en classe. Et j’ai toujours cherché à rendre mes cours vivants », poursuit-il en précisant n’avoir changé qu’une chose en se lançant sur YouTube : l’intégration des « marques d’oralité dans le script », autant d’éléments qui lui permettent d’être plus fluide et naturel devant la caméra. S’il publiait au départ des vidéos très proches de ce qu’il proposait en classe, il s’est peu à peu affranchi de ses cours pour produire des contenus qu’il destine au plus grand nombre. « Je ne réfléchis pas au public visé, j’essaie plutôt de faire une vidéo qui me plaît et je ne me refuse pas à aborder un sujet s’il est trop technique. J’évoque des choses très différentes avec des degrés d’approfondissement divers ». Une ouverture qui peut être un handicap sur YouTube selon lui. « On dépend de son algorithme et je pense que j’ai à y gagner d’avoir une sorte de constance dans le public visé. Si YouTube n’arrive pas à identifier le public potentiel qui va cliquer sur mes vidéos, il les mettra moins en avant », s’inquiète-t-il.

Entre découverte et humour

Les références à des films, séries et autres éléments de la société actuelle sont légion dans les vidéos de Monsieur Phi. Il évoque ainsi Terminator dans un épisode consacré à Descartes ou le meme « La question elle est vite répondue » dans une vidéo sur la Liberté. Il a également mis en ligne des décryptages sur les thématiques « Black Mirror, la série qui ne voulait pas qu’on la regarde », « Qui doit gagner la Coupe du monde ? », « De quoi Jack l’Eventreur est-il le nom ? » ou encore « La Philosophie de The Good Place ». Ces références, qui permettent de faire un pont entre un concept philosophique et la pop culture et donc d’appréhender plus facilement certaines notions, sont avant tout là pour le propre plaisir de son auteur. « Ce n’est pas de la stratégie éditoriale et pensé pour accrocher plus spécialement le public. Je le fais parce que ça me plaît et parce que ça me fait rire. Je réalise des vidéos que j’ai envie moi-même de voir. Si on m’expliquait que le public retenait moins bien lorsqu’il y a de l’humour, j’en mettrai quand même », explique-t-il.


Autre élément apportant un côté décalé à son travail, la présence régulière à l’écran « d’un double maléfique » avec lequel il dialogue. Cette idée lui est venue après avoir enseigné.

Lorsqu’on est prof, on anticipe les questions, on veut en avoir des intéressantes. Mettre en scène cet alter ego un peu naïf me permet de faire avancer la réflexion. Il va poser les questions que les spectateurs peuvent avoir en tête. Des philosophes anciens comme Platon utilisaient déjà cette mécanique de dialogue dynamisant le propos et permettant d’exposer des idées


Enfin, Monsieur Phi est aussi célèbre pour sa peluche monstre verte qui n’était pas destinée au départ à avoir une telle importance sur la chaîne. « En démarrant, je ne savais pas où tourner. J’avais ce grand tableau de Kandinsky chez moi et j’ai choisi de me placer devant pour ne pas avoir un fond vide. Pour combler encore un peu l’espace, j’ai mis dans le cadre cette grosse peluche qui était un cadeau de naissance de ma fille ». Ce monstre, qui apparaît tantôt avec un livre sur les genoux tantôt en animation, est finalement devenu la mascotte incontournable de la chaîne.

Naissance d’une passion

Aujourd’hui vidéaste à temps plein, Thibaut Giraud s’est dirigé dans la voie de la philosophie après son bac scientifique obtenu en étudiant par correspondance. « J’étais davantage intéressé par les matières scientifiques. Mais j’ai apprécié l’exercice de la dissertation au bac sur le thème « peut-on tout démontrer ? ». Je voulais faire des études scientifiques mais qui ne ferment aucune porte. Ce qui pour moi était le cas de la philosophie où la démarche est assez proche des sciences dans la mesure où on s’interroge et on cherche la vérité », se souvient-il en mettant en avant le côté « exploratoire » de ce domaine loin de l’univers dans lequel il baignait enfant entre une mère dentiste et un père chef-op. Il s’intéresse plus particulièrement à la logique - découverte en première année de licence grâce à son professeur Jérôme Sackur – ainsi qu’à la philosophie des sciences et de la morale. Des thèmes que ce titulaire d’un master et d’un doctorat de philosophie fait découvrir aujourd’hui au plus grand nombre grâce à Monsieur Phi.

monsieur PHI EN LIVRE

Pour aller encore plus loin dans la découverte, Monsieur Phi vient de sortir le livre Curiosités philosophiques – De Platon à Russell aux éditions du Seuil. Cet ouvrage, qui est dans la veine de sa chaîne YouTube, s’intéresse davantage à l’histoire de la philosophie. « Chaque chapitre est consacré à un grand philosophe que j’essaie de présenter de manière inattendue. L’idée était d’aller chercher des textes amusants de ces penseurs pour présenter l’histoire de la philosophie mais avec un côté décalé. C’est ce que j’aurais aimé lire plus jeune ».