Commençons par le commencement : racontez-nous la genèse de votre chaîne YouTube.
Avec mon groupe d’amis, qui sont aujourd’hui le réalisateur, le producteur et l’ingénieur du son de la chaîne, nous avons commencé à faire des films dès l’âge de 12 ans. Ce qui était un hobby est devenu une vraie association, puis une boîte de production, French Toast. Quand cette structure a été montée, j’ai eu l’idée de nous lancer sur YouTube. On faisait beaucoup de vidéos institutionnelles, mais peu de créations, ce qui me manquait énormément, et je me disais qu’on était en train de rater l’explosion de YouTube. Donc j’ai proposé cette idée de chaîne autour de la science-fiction. L’objectif à la base était de parler de la littérature de science-fiction, mais je me suis vite rendu compte que ça allait être difficile à illustrer, et peut-être pas suffisamment rassembleur. Comme je suis passionné de SF en général, la chaîne a finalement été dédiée à la science-fiction au sens large, en englobant le cinéma et le jeu vidéo.
Vos vidéos sont constituées d’analyses d’œuvres de SF et de pure fiction. Et visuellement, vous vous distinguez des autres grâce à la qualité de vos décors et de vos effets spéciaux…
La fiction, c’est ce qu’on aime faire, il y avait un pur plaisir à se lancer là-dedans. Faire simplement du face caméra et une chronique filmée n’était pas ce qui allait nous contenter.
Le succès est venu tout de suite ?
Pas du tout, je crois que les trois ou quatre premiers mois, on était à 150 abonnés, avant de monter à 1 500. Pour nous, c’était déjà énorme à l’époque, mais clairement pas suffisant ! Sept mois plus tard, le YouTubeur Antoine Daniel a parlé de nous et on a gagné 20 000 abonnés en une soirée. De là, ça a commencé à monter régulièrement.
Vous avez un autre métier à côté ?
Ça va faire un an et demi que je ne fais plus que ça, mais pendant les trois premières années et demi, j’avais également un emploi. On ne gagne presque rien via YouTube : tant qu’on n’a pas des millions d’abonnés, ça ne paie pas. Mais on a un Tipeee qui est l’un des plus suivis de France, à environ 2 500 euros par mois. On a également eu l’aide CNC Talent deux fois, et on a lancé une campagne de financement participatif l’année dernière via Kiss Kiss Bank Bank qui a rapporté 100 000 euros, grâce à notre communauté très active et très engagée. Mais c’est loin d’être suffisant, personne n’est payé à la hauteur de ce qu’il fait : je suis à la fois le comédien, le gérant de la chaîne, le community manager, l’auteur... Et c’est le cas de pratiquement tout le monde dans l’équipe.
Vous avez beaucoup investi dans le décor dernièrement…
Nous avons reçu 40 000 euros avec la première aide CNC Talent, et la grande majorité de l’argent est passée là-dedans. Cette aide nous a donné l’impulsion pour faire un décor incroyable. À titre de comparaison, le premier avait coûté 600 euros, de ma poche !
Et ce nouveau décor de vaisseau vous a permis de fédérer un peu plus votre communauté ?
Très clairement. Ce qui a toujours rassemblé notre communauté, c’est le sérieux de la démarche. J’ai envie que notre public se rende compte qu’on ne se moque pas d’eux, qu’on les prend au sérieux et qu’on propose de la qualité. Quand on a montré les nouveaux décors, les gens ne s’attendaient pas à un tel niveau. Il y a eu un effet « waouh », on voit que l’argent a été utilisé, et en bien. On a même trois nouveaux décors maintenant, puisqu’on a aussi construit la cabine du « Cap’tain » il y a quelques mois. Et on va en sortir deux nouveaux dans les prochaines vidéos grâce au financement participatif. Les gens sont témoins visuellement de la qualité et du travail qu’il y a derrière.
Comment choisissez-vous les œuvres que vous traitez ?
Il n’y a que moi qui suis spécialisé en science-fiction. Donc sur l’aspect éditorial, je décide de quoi on va parler sur la chaîne. Ce sont souvent des œuvres sur lesquelles je réfléchis depuis des années. C’est ma critique et mon analyse, mais je me nourris de l’avis des autres sur l’aspect scénarisation.
Comment réussissez-vous à mêler la forme et le fond ? L’aspect fiction doit faire écho à l’analyse de l’œuvre…
Parfois, on est étonné, parce ça fonctionne assez naturellement. Certains aspects de l’histoire vont coller naturellement avec la critique. C’est le destin ! C’est assez grisant quand ça arrive. Et parfois c’est un peu plus dur, il faut le faire au forceps. Mais c’est assez libre et léger et ça ne m’a jamais semblé insurmontable.
À l’avenir, vous voudriez vous tourner vers la fiction pure ?
Je veux que la chaîne continue, car Internet est un espace de liberté où je peux dire et montrer ce que je veux. Après, effectivement, on voudrait aller vers de la fiction, que ce soit des séries ou des jeux vidéo qui ne se passent pas dans l’univers de Nexus VI. On se lance vraiment vers le transmédia. Par contre, je pense qu’il sera important, voire vital, de rester sur Internet. Il faut qu’on trouve un business model et un équilibre qui nous permettent de continuer à être sur Internet de manière libre et honnête. La télévision ou le cinéma, ce sont des contraintes et des règles. Tous les vidéastes sur Internet doivent se battre pour trouver un modèle qui fonctionne sur le Web en toute liberté. Je reste persuadé que le financement participatif est la clé, car on raccourcit le rapport au consommateur final. Et ça donne aux internautes le pouvoir d’avoir ce qu’ils veulent sur leurs plateformes. Avant, la distribution et la production proposaient, et le public disposait. Aujourd’hui, on a fait évoluer les choses, mais tout ça n’est pas viable gratuitement. Si chacun de nos 185 000 abonnés donnait un euro, on aurait 185 000 euros annuels. De quoi financer trente épisodes, sans placement de produits ou de publicités. On veut rester honnêtes et redevables de notre public.
La chaîne Nexus VI est soutenue par CNC Talent.