Qui ne rêverait pas d’être payé pour jouer aux jeux vidéo à longueur de journée ? Malgré une part de vérité, ce tableau idyllique ne reflète pas la réalité du métier de testeur. En effet, ces spécialistes ne traversent pas les plaines verdoyantes d’Hyrule ou les fonds marins de Subnautica avec l’insouciance d’un joueur lambda. Ils emploient une approche bien plus méthodique dans leur exploration des mondes virtuels, afin d’y limiter drastiquement le nombre de bugs. « La base du travail d’un QA [Quality Assurance - ndlr] testeur est de rapporter des bugs, c’est-à-dire d’éprouver les fonctionnalités du jeu pour trouver des interactions qui ne sont pas en accord avec le design prévu », explique Tomissa Ntondo, testeur pour le studio bordelais Asobo. « On va se répartir différents types de tâches : vérifier si les options fonctionnent correctement, si les menus répondent ou encore s’il n’y a pas trop de crashs (fermeture subite du jeu) », renchérit-il.
Pour ce faire, les testeurs poussent les jeux dans leurs retranchements graphiques et fonctionnels, parfois aidés d’une intelligence artificielle. « Typiquement, pour chercher des crashs, on se sert de tests fonctionnels automatisés. Ils lancent des scénarios susceptibles de créer un dysfonctionnement », illustre le technicien. La découverte d’irrégularités peut également naître de divers facteurs humains : multiplication d’inputs sur la manette de jeu, observation des collisions entre les modèles 3D ou encore exploration des murs invisibles qui délimitent la zone de jeu. « On va faire ce qu’on appelle du wonky testing. Cela veut dire qu’on essaie de “casser” le jeu en appuyant plusieurs fois sur une touche ou en entrant des données aberrantes au clavier », résume Tomissa Ntondo. Un travail tantôt passionnant, tantôt fastidieux, réalisé en étroite collaboration avec les développeurs.
Attrapez-les tous ?
En dépit des idées préconçues, les testeurs ne passent pas leurs journées manette à la main. Lorsqu’un bug est découvert, ils entament une procédure des plus bureaucratiques pour documenter son apparition. « On fait un rapport où l’on détaille précisément les étapes de reproduction d’un bug pour savoir dans quelles conditions il a eu lieu. On le communique ensuite à l’équipe de développement qui se chargera de le corriger », précise le testeur travaillant sur Microsoft Flight Simulator. Cette collaboration se manifeste également par des directives des développeurs sur les paramètres précis à analyser.
Une communication vitale en raison de l’agrandissement exponentiel des mondes virtuels, et par conséquent des bugs qu’ils renferment. La démocratisation des Open World [mondes ouverts - ndlr] comme Red Dead Redemption 2 ou The Legend of Zelda : Breath of the Wild rend inimaginable la sortie d’un jeu dépourvu d’aspérités. Les testeurs doivent ainsi se concentrer sur les défauts majeurs ou gamebreaking comme on dit dans le jargon (baisse de framerate, crash, bugs graphiques…)
Par ailleurs, les fonctionnalités ne sont pas les seuls éléments qui ont besoin d’être vérifiés avant la commercialisation d’un titre. Certains testeurs se préoccupent de la bonne traduction des jeux en langue étrangère et de sa conformité face au contexte. Le travail de ces testeurs dits « localisation » est aussi conséquent que rigoureux. Ils doivent passer en revue la totalité du contenu du jeu et vérifier si la traduction des dialogues, des panneaux ou des descriptions d’objets est contextuellement correcte. Comme l’illustre la youtubeuse Ghost Upon a Time dans l’une de ses vidéos : « Il y a énormément de contenus aléatoires. Par exemple, si on parle à un PNJ (personnage non joueur) avant un autre, il ne dira pas la même chose. Pareil si l’on va à un endroit spécifique, de jour ou de nuit, il n’y aura pas les mêmes dialogues. » Ce travail titanesque de vérification implique également une bonne connaissance des normes culturelles, notamment pour l’emploi d’un vocabulaire politique ou religieux.
Malgré l’agrandissement des équipes de test, cela ne suffit parfois pas à débarrasser un jeu de ses éléments défectueux avant la deadline fixée. Certains développeurs choisissent ainsi d’impliquer les consommateurs dans le processus de test. Appelées alpha ou bêta, ces versions brutes permettent aux studios de peaufiner leur création grâce au foisonnement de retours permis par une sortie anticipée.