Le Centre national du cinéma et de l’image animée a fait réaliser une étude comparative du fonctionnement des systèmes d’incitation fiscale à la production cinématographique, audiovisuelle et de jeux vidéo en Europe (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Irlande, Hongrie et Royaume-Uni) et au Canada. Cette étude a été réalisée par le cabinet Hamac Conseils.
Des mécanismes fiscaux réaménagés mais encore hétérogènes
Cette étude, réalisée dans sept pays différents, montre que les systèmes d’incitation fiscale à la localisation de la production cinématographique, audiovisuelle et de jeux vidéo ont fait l’objet de réaménagement à diverses échelles depuis 2011, année de la 1ère étude comparative publiée par le CNC. Ces systèmes n’en demeurent pas moins encore fortement hétérogènes. Même si leurs objectifs sont très proches, leurs modalités de fonctionnement sont très diverses. Les crédits d’impôt français permettent aux sociétés de production, sous certaines conditions, de déduire de leur imposition 20 % de certaines dépenses. Certains dispositifs étrangers permettent d’attirer des fonds privés vers la production, d’autres confèrent un avantage fiscal au producteur. Ainsi, le système belge (« tax shelter ») n’est-il pas à proprement parler un crédit d’impôt, mais un dispositif fiscal incitant à l’investissement privé dans la production cinématographique et audiovisuelle. Le dispositif irlandais propose également un système d’incitation fiscale à l’investissement privé. Le système hongrois permet une réduction d’impôt, celui du Canada est un crédit d’impôt (pouvant être reporté sur les exercices fiscaux suivants au besoin). Au Royaume-Uni, cohabitent un dispositif de déduction fiscale et un système de crédit d’impôt. Le dispositif allemand propose une subvention non remboursable assimilable à un crédit d’impôt. Enfin, au Luxembourg, le système des CIAV (Certificats d’Investissement Audiovisuels) a été remplacé fin 2013 au profit d’aides financières sélectives (AFS) directes attribuées aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles qui n’est plus assimilable à un dispositif fiscal direct ou indirect.
Des œuvres et des périmètres de dépenses éligibles variés
L’analyse des différents dispositifs étrangers montre que les types d’œuvres concernées et la nature des dépenses éligibles varient fortement. Ainsi, en 2014, le Royaume-Uni a élargi ses dispositifs fiscaux à l’audiovisuel et aux jeux vidéo. La Belgique a introduit des réformes pour distinguer les dépenses éligibles « directement » et « indirectement » liées à la production et simplifier considérablement les dispositifs en vigueur. Le dispositif allemand ne prend pas en compte les dépenses de pré-production. Le dispositif canadien, pour sa part, a rendu éligible les productions d’animation à la bonification pour certaines productions en langue française (au niveau provincial). Sur le critère de la langue, le dispositif français exige un tournage en version originale en langue française alors que les autres dispositifs étrangers permettent grâce au test culturel le tournage avec l’une des langues de l’espace économique européen.
DEPENSES ELIGIBLES DES CREDITS D’IMPÔT
Des plafonnements souvent plus élevés qu’en France
Les plafonds des dispositifs belge et canadien tiennent compte de l’économie du film (50 % du coût du film pour le dispositif belge, respectivement 15,0 % et 32,5 % pour les dispositifs canadiens fédéraux et provinciaux). Ils peuvent donc dépasser le plafond de 4 M€ fixé en France. En Allemagne, le plafond en valeur absolue est équivalent au plafond français et s’élève à 4 M€. Le plafond allemand peut même, dans certains cas, être porté à 10 M€. Le plafond du dispositif irlandais est de 80 % des dépenses irlandaises éligibles, dans la limite de 50 M€, ce qui est sans comparaison avec le mécanisme français. Au Royaume-Uni, il est de 80 % des dépenses réalisées dans le pays, sans plafonnement en valeur absolue. Enfin, la Hongrie n’a pas prévu de plafond pour son dispositif, ni en valeur absolue, ni en pourcentage des dépenses. Ainsi, le montant alloué peut très largement dépasser le plafond de 4 M€ fixé en France (20 M€ pour le CII). A cela s’ajoute la règle des 50 % généralisée pour les pays européens étudiés (le plafond est relevé pour certains types d’œuvres).
PLAFOND DES CREDITS D’IMPÔT
Un crédit d’impôt français moins performant que ceux analysés
Comparé aux sept dispositifs étudiés, et malgré les réformes dont il a pu faire l’objet depuis 2011, le dispositif fiscal de crédit d’impôt français est, à ce jour, le moins attractif sur des critères strictement financiers, avec un taux parmi les plus faibles à 20 % des dépenses éligibles (30 % pour les budgets de moins de 4 M€, 20 % pour les budgets de plus de 4 M€), contre 38 % à 45 % des dépenses éligibles en Belgique, 35 % à 65 % des dépenses éligibles au Québec, 24 % à 28 % en Irlande et 25 % à 30 % en Hongrie. Il demeure également le plus contraignant puisqu’il est quasiment incompatible avec les autres dispositifs et impose que le tournage, sauf raisons justifiées par le scénario, et la post-production (principalement) soient effectués sur le territoire français. Néanmoins le dispositif « tax shelter » belge, du fait de l’assiette très large de dépenses éligibles, et les crédits d’impôt canadiens sont théoriquement compatibles avec le dispositif français. En outre, les systèmes étrangers étudiés sont largement compatibles entre eux.
TAUX DES CREDITS D’IMPÔT
Le crédit d’impôt français ne représente que 7,9 % en 2013 (8,8 % en 2012) du coût de production des films d’initiative française agréés. En Belgique, depuis la mise en œuvre du dispositif en 2013, le financement sous la forme « tax shelter » représente 18,9 % du budget des longs métrages concernés. Au Canada, sur la période 2012-2013, la production cinématographique a été financée à 27 % par les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux, tandis que la production télévisuelle l’a été à hauteur de 28,0 %. En 2012, le dispositif allemand représente 12,2 % du coût des films concernés et le dispositif irlandais 11,4 % en 2010.
Des crédits d’impôts le plus souvent ouverts aux capitaux étrangers
Contrairement aux crédits d’impôt nationaux français (crédits d’impôt cinéma et audiovisuel), la majorité des dispositifs étudiés sont accessibles à des sociétés implantées et imposables dans le pays qui les proposent, mais qui peuvent être détenues et/ou contrôlées par des ressortissants de pays étrangers, y compris non européens.
Un crédit d’impôt français qui préserve les droits patrimoniaux des producteurs
Au-delà des effets de relocalisation des dépenses en France, l’avantage principal du crédit d’impôt français pour les œuvres d’initiative française est qu’il permet d’éviter la mise en place de coproductions, certes souvent très avantageuses sur le plan du financement, mais lourdes à mettre en place. En outre, une coproduction oblige le producteur français à céder une part significative des droits de copropriété et des droits à recettes de l’œuvre, à délocaliser une partie des travaux et donc à perdre le contrôle total de la fabrication de l’œuvre, et à devoir instaurer, parfois difficilement, une relation de confiance avec le (ou les) coproducteurs étrangers.
Un environnement de production qui peut être favorable
Des éléments tels que la proximité géographique, la langue, les capacités de tournage (infrastructures, formation de la main-d’œuvre locale, prestataires techniques), le coût du travail et de l’argent (taux d’intérêt des crédits) affectent également la compétitivité des dispositifs. La performance de chaque dispositif doit donc être examinée au regard de l’environnement du pays. Ainsi, le coût moindre de la main-d’œuvre hongroise, des équipes techniques reconnues au Royaume-Uni, la possibilité de recréer les décors américains au Canada ou la proximité de territoires comme la Belgique sont autant d’éléments qui entrent en ligne de compte lors du montage d’une coproduction ou lors du choix d’un territoire de tournage et/ou de postproduction pour un producteur étranger non coproducteur.
Les limites de la délocalisation
Il existe des risques intrinsèques liés à la production d’une œuvre en coproduction avec un pays étranger en termes de qualité, en raison de l’« éclatement » des moyens de production dans des lieux géographiquement éloignés. La plupart des producteurs évoquent souvent leurs difficultés structurelles à trouver des partenaires et des prestataires pérennes et fiables, tant sur le plan artistique que logistique et technique. Ils soulignent également le problème des coûts inhérents à ces montages (frais administratifs, matériels d’exploitation, frais éventuels de doublage/sous-titrage, rémunération du coproducteur, etc.). En outre, une coproduction oblige le producteur français à céder une part significative des droits de copropriété et des droits à recettes de l’œuvre, à délocaliser une partie des travaux (tournage et/ou post-production) et donc à perdre le contrôle total de la fabrication de l’œuvre, et à devoir instaurer, parfois difficilement, une relation de confiance avec le (ou les) coproducteurs. Ainsi, peut-il être plus simple et suffisant pour le producteur de produire intégralement en France un projet qui ne nécessite pas de délocaliser certains travaux pour des raisons artistiques.
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