Bonjour à toutes et à tous,
Au nom des équipes du CNC et notamment de Leslie Thomas, secrétaire générale qui est avec ses équipes la cheville ouvrière de ce plan, avec aussi les équipes de Sarah Drouhaud, je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue pour cette journée consacrée à la transition écologique dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel.
Cette journée intervient dans un contexte qui n’est pas simple pour nos enjeux. La question écologique, la prise en considération des enjeux énergétiques, environnementaux, progresse à petits pas – tellement à petits pas qu’on se demande parfois si on n’est pas en train de faire du sur place, voire de reculer.
Quand on regarde l’actualité, on peut avoir un sentiment d’un reflux – j’espère momentané, j’espère superficiel –, qui se traduit par une attention intermittente des médias, par une mobilisation clignotante de certains acteurs dont on aurait pourtant grand besoin, mais aussi par des menaces très claires venues d’Outre Atlantique qui nous concernent directement. Les sciences y sont gravement attaquées et la manipulation des esprits peut être globale.
Dans ce contexte adverse, où il peut y avoir d’autres priorités, pourquoi parler de ces enjeux dans les secteurs cinématographiques et audiovisuels ? Pour, je crois, deux raisons évidentes.
D’abord parce que ces secteurs ont beaucoup à s’interroger en la matière. Ils viennent de loin et s’ils sont en train de progresser avec vous, grâce à vous, ils ont encore un beau chemin à parcourir.
Mais aussi parce que ces secteurs peuvent et doivent montrer l’exemple. Ils ne sont pas seulement centraux par le nombre d’acteurs qui les composent. Ils le sont aussi par leur vocation même. Ici, au CNC, on a la conviction que ce qu’il se passe derrière la caméra a un impact sur ce qui se voit devant la caméra, qu’on le veuille ou non, et ça tombe bien parce qu’ici on assume de regarder de près ce qu’il se passe derrière les caméras.
Si nous voulons porter le combat au bon endroit, qui est celui des représentations, de l’imaginaire, alors il faut faire du cinéma et de l’audiovisuel le terrain privilégié d’une prise de conscience et d’une révolution tranquille mais décisive. C’est pour cela que, même dans ce contexte qui n’est pas simple, vous êtes ce matin dans une maison où on ne lâchera rien.
Faire le point sur les combats menés, préparer les combats à venir, c’est le sens de cette journée.
Et sur ce sujet, il faut le dire : vous avez montré une volonté tout à fait exemplaire. Le CNC travaille main dans la main avec vous depuis 4 ans et grâce à ce travail collectif nous avons pu mettre en place une politique qui, par sa cohérence et par son ambition, n’a pour l’instant pas d’équivalent dans le monde.
Mais nous savons qu’en matière de cinéma, notre modèle a tendance à faire des émules et c’est ce qu’on souhaite ! C’est dans cette perspective qu’il nous a semblé très important de valoriser et de mieux partager tout ce qui a déjà été accompli grâce au premier volet du plan Action ! Et de réfléchir ensemble à de nouvelles pistes pour les trois prochaines années.
En 3 ans, beaucoup a été fait. Nous avons bien avancé sur les 4 niveaux d’action qui ont été identifiés :
- La première étape a bien sûr été de poser un certain nombre de diagnostics. C’est le but des études produites par notre Observatoire de la transition écologique, mis en place en 2021.
Poser les diagnostics, c’est évidemment comprendre d’où on part.
Et la première chose à faire, c’était de mesurer la connaissance qu’ont les professionnels de ces enjeux : c’est ce que le CNC a fait avec un premier sondage en 2022.
Nous avons également mesuré l’impact environnemental actuel de la filière : les salles de cinéma en 2002, les studios de tournage en 2023 et les studios d’animation en 2024.
Aujourd’hui Cécile Lacoue, qui pilote cet Observatoire avec son équipe de la direction des études du CNC, va vous présenter plusieurs analyses, dont une toute nouvelle étude sur les impacts des effets spéciaux et de la post-production.
Ces études sont très précieuses pour comprendre d’où l’on part et pour suivre les progrès de la filière. Mais nous pensons qu’il faut aussi les inscrire dans une perspective plus prospective.
C’est pourquoi avec les équipes de l’Observatoire de la transition écologique, nous avons choisi de travailler à la définition de trajectoires cohérentes avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), pour l’ensemble de la filière.
C’est indispensable pour avancer dans la décarbonation des secteurs du cinéma et de l’audiovisuel.
- Le deuxième axe du Plan Action ! est la sensibilisation des professionnels par la formation.
La formation initiale à l’éco-production, tout d’abord, est le premier sujet, parce que les nouvelles générations doivent intégrer cet enjeu dès leurs études. Le module de formation a été conçu par le CNC, avec le soutien du Bureau des acclimatations, de la Base et de Flying Secoya. Il est soutenu par BNP Paribas et Audiens et a déjà été suivi par 3 500 étudiants de 25 écoles depuis 2022. Notre objectif : 6 000 d’ici fin 2025.
Et parce qu’on n’arrête jamais d’apprendre, surtout sur des sujets aussi évolutifs que celui-ci, le CNC a également organisé la formation continue qui s’adresse aux exploitants de salles de cinéma – aussi bien aux chefs d’entreprises qu’à leurs équipes. Cette formation a été conçue en lien avec le groupement Cinéo – La Base et l’ADRC. Elle a débuté en novembre dernier et est en train de se déployer sur tout le territoire pour les deux prochaines années.
J’insiste sur le fait que c’est une démarche incitative. Le but, là encore, est d’aider les professionnels à réduire leur consommation et leur impact sur l’environnement en leur donnant des outils très concrets. Des outils en termes de gestion des bâtiments, de l’énergie, des déchets, de l’eau, des projections, mais aussi en termes d’attentes vis-à-vis des prestataires et fournisseurs, ou de communication auprès des spectateurs.
- Troisième axe du Plan Action ! : faire prendre conscience aux professionnels de la production de l’impact énergétique de leurs activités
Depuis le 1er janvier 2024, toutes les aides à la production de films et de documentaires sont conditionnées à la remise d’un double bilan carbone – un bilan prévisionnel et un bilan définitif. Cette empreinte carbone doit être mesurée par des outils homologués par le CNC.
La même conditionnalité s’applique aux aides au jeu vidéo et à l’animation depuis le 1er mars dernier.
Le but de ce double bilan est d’identifier les postes les plus consommateurs en énergie et donc les pistes de progrès concrètes, applicables collectivement.
Cécile Lacoue reviendra également aujourd’hui sur les premiers éléments d’analyse des 2 000 bilans carbone reçus à ce jour.
- Enfin, le dernier axe consiste à structurer les engagements de la filière.
C’est l’objectif du référentiel Afnor, mis en place l’année dernière.
Ce référentiel est un mode d’emploi très complet à destination de la production en prise de vue réelle. Il détaille 28 actions impactantes et 3 niveaux d’engagement progressifs.
C’est le premier standard d’intérêt général d’envergure nationale pour une production responsable. Il est le fruit d’un travail important qui a réuni 130 professionnels du cinéma, de l’audiovisuel mais aussi de la publicité sous le pilotage conjoint du CNC, de la DGMIC et de l‘Afnor.
Le CNC le met à disposition gracieusement depuis mai 2024. Il a pour vocation, à terme, de devenir une norme et le socle de mesures incitatives pour aider les professionnels dans cette transition vers une production durable et responsable.
La ministre de la Culture a souhaité que le CNC puisse proposer sur cette base, d’ici le mois de mai, un coup de pouce aux porteurs de projets qui feraient leurs meilleurs efforts. Nous travaillons donc en ce moment même à un dispositif incitatif attaché au référentiel Afnor. Cette démarche s’inscrit dans la feuille de route ambitieuse, plus large, que la Ministre porte pour tout le secteur culturel.
Avant de céder la parole à Cécile Lacoue et David Irle qui va animer cette matinée, je voudrais juste insister sur trois points.
D’abord à quel point nous apprécions, au CNC, ce travail en commun. Je sais combien vous avez été pionniers sur ces sujets, avant même le CNC. Et nous avons voulu partager le flambeau avec vous et c’est bien cette manière collégiale de fonctionner qui nous permet d’exercer aujourd’hui une certaine forte de frappe, et toujours dans le dialogue. Un grand bravo à vous pour votre engagement et votre capacité d’innovation.
Je veux aussi souligner que de plus en plus de pays de l’Union européenne se penchent sur les enjeux de transition écologique dans nos secteurs. On a accueilli très récemment dans Paris cinq jours de discussion avec nos camarades des pays nordiques. Les cinq CNC des pays nordiques sont venus, accompagnés de leurs professionnels. C’était inédit. Il y a eu un volet grand public mais il y a eu aussi beaucoup de discussions et on a tenu à ce que, dans ce programme, on partage ce qu’on est en train de faire ici. C’était très intéressant, réjouissant, important, de vor ces sujets progresser à l’échelle de l’Union européenne.
La France a beaucoup à apprendre, beaucoup à apporter aussi, grâce à ce que nous faisons ensemble, et nous sommes toujours ouverts aux bonnes idées des autres.
Et enfin, si toutes les volontés sont bonnes, si la politique des petits pas est évidemment encouragée, si l’écoresponsabilité peut venir de bien des façons, et pas simplement d’une prise de conscience citoyenne, mais aussi parfois de préoccupations économiques, il faut garder à l’esprit le besoin de consolider cette structure nouvelle. Au-delà de préoccupations qui ne seraient qu’utilitaristes ou court-termistes, je crois qu’on a besoin d’avoir aussi une réflexion globale.
Je vous invite à lire un article très intéressant de deux chercheuses de Montpellier 3, Anne-Laure George-Molland et Clémence Allamand, qui montrait à la fois tous les efforts qu’on a faits ensemble et aussi certains sujets qu’on pourrait mieux regarder à l’avenir. Ce n’est pas toujours simple et je sais qu’il y a des questions qui peuvent fâcher.
La clé, à nouveau, c’est de procéder avec une forme de douceur, pour convertir peu à peu les esprits, mais une douceur qui doit être implacable, en tout cas très déterminée, très sûre des constats que nous faisons, des objectifs que nous poursuivons. Sur ces sujets, nous avons beaucoup attendu. Désormais on a peu de temps. Grâce à vous, on n’est pas complètement en retard, mais le temps presse et je me réjouis très sincèrement que ces échanges nous permettent d’ouvrir un prochain volet du plan Action ! avec vous tous.
Je vous remercie et je vous souhaite une très bonne journée.