Tout d’abord, en quoi consiste la plateforme Movinmotion ?
Alexandre Tessier : C’est une initiative qui date de 2013. À l’époque, quatre ingénieurs se sont rassemblés pour apporter une solution à un problème soulevé par les intermittents du spectacle autour de la paye et de la gestion sociale. Ils ont imaginé une plateforme pour centraliser et faciliter toutes les démarches, rendant accessibles les outils numériques de gestion administrative aux PME et TPE de la culture. L’entreprise s’est ensuite développée en proposant d’autres services, qui vont bien au-delà de l’outil de gestion de paye. C’est le cas du projet Movinmotion Talents, lancé en septembre 2020, dont la mission est de mettre en relation employeurs et employés et aider au recrutement. L’idée était de faire de Talents un « LinkedIn » de la culture. Les salariés peuvent avoir accès à un espace personnel et mettre à jour une fiche CV avec leur portfolio, leurs compétences, leurs mentions. Parallèlement, on donne la possibilité aux employeurs de requêter cet annuaire et de pouvoir diffuser des offres d’emploi aux personnes inscrites. La plateforme accompagne aujourd’hui plus de 150 000 salariés et près de 3 000 employeurs.
Comment Th.alents s’intègre-t-il à cette initiative ?
C’est une déclinaison du projet dont le but est d’offrir aux entreprises du secteur culturel dont celles de la production audiovisuelle, du cinéma et des jeux vidéo, des ressources et moyens concrets pour recruter des talents en situation de handicap. Pour ce faire, il a fallu rendre l’espace salarié accessible aux personnes handicapées. On propose donc un outil spécifique qui permet d’accéder à des filtres facilitant la lecture ou qui activent la vocalisation. Une manière de prendre en compte différentes pathologies comme Parkinson, le daltonisme, ou la dyslexie. Tout se fait sur la page d’accueil via un petit bouton accessibilité. Mais il est aussi possible sur son espace salarié de créer ses propres filtres pour avoir une solution encore plus accessible – qui va de l’espacement des textes ou des lignes au mode sombre (en bleu) en passant par l’adoucissement des couleurs. L’idée est de rendre la plateforme supportable et accessible à des personnes qui rencontreraient des difficultés en navigation.
Quelles en sont les autres ambitions ?
L’objectif de Th.alents, aussi bien auprès des employeurs que des salariés, est de faciliter l’inclusion des personnes en situation de handicap, de faire comprendre à chacun ses obligations et ses devoirs. Th.alents cherche donc à sensibiliser employés et employeurs. Cela passe par la mise en avant d’éléments d’informations sur le site : de la documentation sur la RQTH (la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), une fiche pratique sur le handicap, des contacts pour se faire accompagner en tant que salarié… Tout est paramétrable et les salariés comme les employeurs peuvent être sensibilisés sur leurs droits et devoirs. Sur la partie employeur, des articles de blog écrits par notre centre d’aide sont accessibles. Ils fournissent le cadre légal, les droits et les obligations ainsi que des propositions de mise en relation avec la mission handicap, qui reste pour nous l’acteur de référence.
Concrètement, quels types d’informations fournissez-vous ?
Je vous donne un exemple : quand une entreprise passe une certaine tranche d’effectifs, elle a l’obligation d’employer un certain pourcentage de personnes en situation de handicap sous peine de pénalités financières. Elle peut alors recruter des personnes qui bénéficient de la RQTH. Ce qui est intéressant, c’est que les salariés ne savent pas forcément qu’ils peuvent la demander. Les handicaps sont pour beaucoup invisibles et surtout, dans le monde de l’entreprise, tout passe par une relation de confiance avec l’employeur. Au-delà de l’aspect purement légal, ce dernier doit donc créer un climat de confiance qui permet aux salariés de s’exprimer et de mentionner leur handicap. Souvent, cela se fait assez spontanément parce que cela permet les adaptations de poste, mais dans le processus de recrutement, c’est un vrai problème, surtout sur des postes de techniciens et d’artistes où les contrats sont très courts. Les adaptations de poste vont être assez limitées. C’est beaucoup plus difficile que pour un salarié permanent qui rentre en CDI et va rester deux, trois, quatre ou dix ans dans l’entreprise. C’est là que Th.alents peut intervenir. En informant, en donnant accès aux informations, et en facilitant la prise de conscience.
De quelle manière ?
Côté salarié, on peut indiquer une RQTH, une allocation adulte handicapé ou une carte d’invalidité (80 %) sur son CV et choisir de rendre visible ou pas sa situation auprès de tous les employeurs utilisant Movinmotion. Côté employeur, Movinmotion Th.alents permet d’afficher un statut « entreprise handi-accueillante » sur les offres d’emploi. Et mettre en avant une volonté d’accueillir des travailleurs en situation de handicap et d’adapter les postes. On cherche ainsi à visibiliser et valoriser les profils des employeurs proactifs. C’est une manière de créer ce lien de confiance et d’installer un climat favorable à la verbalisation. Là encore, à chaque fois, on laisse le choix à chacun de le faire ou pas. On n’impose rien, l’objectif étant avant tout de promouvoir les bonnes pratiques autour du handicap au travail.
