Aide au parcours d'auteur : résultats de la commission des 21 et 22 juin 2022
Résultats des commissions
22 août 2022
Eléonore Berrubé
Parrainée par Quoc Dan Tran
« L’aide au Parcours d’auteur me permettra d’amorcer un long travail, à la frontière entre le documentaire et la fiction, sur les peurs, les transmissions, les croyances et les dérèglements dans la campagne française. Ce désir de film est né de ma rencontre avec un territoire et ses habitants. Mabel, le personnage principal de mon projet de long-métrage Après nous, tout fleurira est inspiré de Julie, cette mère électro-sensible que j’ai rencontré il y a deux ans. Mon envie, à travers son personnage, est de parler d’une réaction épidermique à notre monde contemporain anxiogène. J’aimerais qu’elle évolue dans cet espace en marge du monde, comme si elle vivait dans son écho, un espace fantastique où le quotidien est régit par des sensations, des émotions, par ces fluides qui traversent les gens depuis des générations. L’histoire se passe dans la campagne corrézienne, avec ses habitants qui ressentent la terre qu’ils travaillent et côtoient mieux que quiconque. Cette relation-là au paysage, cet inconscient collectif, sera la clé de mon écriture. Ces personnes (dont Mabel est la représentation la plus imagée) vivent viscéralement les déforestations et les destructions du monde vivant. »
Corto Vaclav et Hadrien La Vapeur
Marrainés par Anne Berest
« Fascinés par le Congo et ses mondes invisibles, notre parcours de cinéastes a pris forme au fil des histoires teintées de surnaturel que nous avons filmées et qui parfois nous dépassaient. De nos premières semaines d’exploration en 2013 alors que l’on démarrait KONGO, à la réalisation de notre deuxième documentaire ORDALIES en 2022, nous avons toujours eu des difficultés à entrer dans les cadres formels de la production cinématographique. Nous avons dû nous adapter au rythme des différentes péripéties que traversaient nos personnages, et au fil du temps, nous avons eu le sentiment d’avoir « éprouver » notre rapport au cinéma-vérité, nous poussant de plus en plus à vouloir écrire et organiser le réel. Cette aide au Parcours d’Auteur nous est précieuse, et nous permet de continuer nos recherches pour renouveler notre manière d’écrire et de réaliser nos films. »
Marie Dumora
Marrainée par Maud Ameline
« Je suis arrivée pour la première fois à Strasbourg un soir d’hiver à dix heures. La « zehnerglock », (la cloche de dix heures), a sonné, celle qui, au Moyen-âge, intimait aux Juifs, aux Tziganes, aux vagabonds, l’ordre de quitter la ville, et qui résonne encore chaque soir.
Je n’ai depuis cessé de filmer des gens qui n’auraient pu, à cette époque, dormir en ville. À chaque fois, le personnage d’un film m’a entraînée vers le suivant comme l’aurait fait un fil d’Ariane.
De film en film, cette petite épopée m’a conduite depuis un bureau de L’Hôtel du département, où des gens abandonnés à la naissance venaient chercher leur histoire, jusqu’à un foyer d’enfants niché dans la superbe vallée de la Bruche, aux confins des Vosges où vivait en foyer Nicolas, le héros de mon dernier film, à deux pas de l’ex camp de concentration de Natzwiller, et de celui de Schirmeck.
Ses arrières grands-parents s’y étaient rencontrés enfants, s’en étaient échappé, s’étaient aimés, avaient donné naissance à huit enfants, et eurent une nombreuse descendance. Nicolas, vivait à deux pas du lieu de leur rencontre.
J’ai envie aujourd’hui de reprendre la montagne par la face Nord si j’ose dire, d’explorer la question de la déportation dans ce coin de France -alors annexé par l’Allemagne, en esquisser une topographie, une cartographie des lieux et des mémoires, des imaginaires qui sommeillent encore dans chaque maison ou presque alentour.
Par ailleurs, si j’ai jusqu’ici travaillé avec « des vrais gens », sur le fil de leur propre histoire, en m’efforçant d’éclairer ce qui à mes yeux constituait la beauté, l’élan romanesque, j’ai envie également d’explorer la fiction avec un autre film, en m’appuyant sur un scénario, qu’interprèteraient tant « des civils », que des comédiens. Je compte chercher pour ce film, du côté de la comédie pour incarner ce qui pourrait être l’histoire d’une émancipation. »
Joanna Grudzinska
Marrainée par Nine Antico
« La fervente est un film de fiction qui fait se rejoindre mes passions : les personnages, la direction d’acteurs, la mise en scène de fiction et l’histoire politique européenne du 20 ème siècle. Il a fallu un long chemin pour trouver la figure de Natalia Ginzburg, écrivaine italienne dont la vie fut traversée par l’Histoire. Raconter l’épopée de sa vie sans trahir son rapport minimaliste, dans les plis de la vie, au récit de sa propre existence, elle qui disait n’avoir jamais écrit d’autobiographie, mais que l’autobiographie lui avait sauté dessus, comme un loup… Ce sera l’objet de ma recherche scénaristique : une fiction vraie, nourrie du document, ancrée dans l’Italie d’aujourd’hui, la création d’un temps propre au cinéma : le passé/présent, dans lequel les vies antérieures nous parlent aujourd’hui d’engagement antifasciste en Europe. »
Yohann Kouam
Parrainé par Alexis Michalik et Anne Berest
« Pendant trop longtemps, comme par auto-censure, je ne me suis jamais autorisé à explorer d’autres format que le cinéma. Les périodes de confinement ont été un moment privilégié de remise en question artistique. Côté cinéma, je ressens le besoin d’aller plus loin dans la forme et l’imaginaire. Mais je n’ai plus envie de m’enfermer dans un seul format. J’ai toujours été aussi cinéphile que sériephile. En ouvrant mon inspiration à la série, j’ai vite réalisé que certaines de mes idées avaient un potentiel bien plus riche dans le format sériel que dans le cinéma. Le projet de série que je développe se passe entre la France et les Etats-unis. Il convoque un champ très large de références culturelles et historiques. L’aide au parcours me permettra donc de me lancer dans ce vaste chantier de recherches, et également d’explorer un format narratif qui m’est encore nouveau en tant qu’auteur. »
Julie Lecoustre
Marrainée par Ruth Zylberman et Maud Ameline
« Après la sortie de Rien à foutre, co-réalisé avec Emmanuel Marre, le parcours d’auteur me permet de poursuivre des questions de cinéma entremêlant l’intime et le collectif en entamant un cycle d’écriture sur le modèle urbain contemporain, sur la manière dont la ville, ses paysages et ses usages se construisent et celles et ceux qui les habitent pleinement, les encouragent, les désirent ou les subissent. Deux projets comme les parties d’un tout, deux faces d’une même pièce : un essai documentaire qui part de l’intime, de l’hôtel-restaurant de mes parents devenu zone pavillonnaire et l’écriture d’un long métrage de fiction sur la fabrique de la ville, comme tentative de l’élargir et d’en trouver les résonnances communes. Il y sera question de de place, celle que l’on se cherche, celle que l’on ne se trouve pas. »
Julien Menanteau
Parrainé par Alexis Michalik
« Après avoir réalisé plusieurs documentaires de création, j’ai décidé d’explorer pleinement le territoire de la fiction. Cette envie d’ailleurs m’amène aujourd’hui à travailler sur des projets de longs métrages et de séries dans lesquels je questionne la notion de communauté au sens large. Professionnellement, j’envisage ce nouveau chapitre artistique comme une continuité du travail de terrain que j’effectue depuis des années. Mes films auront toujours un caractère hybride, à la fois très mis en scène et extrêmement proche du réel. »
Antonin Peretjatko
Marrainé par Ruth Zylberman
« La bifurcation de mon parcours d’auteur s’articule autour du documentaire.
Documentaires de création pour trois projets de films de court métrage dont les avancées et les approches sont diverses.
L’un autour de la guerre en Ukraine est en partie tourné : il s’agit de filmer un pays en guerre sans filmer la guerre. Kiev, ville des réfugiés du Dombass, témoignages, non-dit, ville d’un pays en guerre où plane jour et nuit le spectre de la guerre. « Voyage en bord de guerre » est un voyage qui accompagne un réfugié de Paris à Kiev, retourné au pays pour l’effort de guerre, après un mois d’exil avec sa famille.
Le 2e film est en écriture : la bourse servira à articuler une recherche scénaristique pour trouver une forme narrative ludique en introduisant un narrateur fantasque dans un documentaire sur l’ile de Guam, ile infestée de serpent et de têtes nucléaires.
Le troisième projet est un film de montage. Constitué d’images d’archives en 16mm kodachrome des années 50, il est une réflexion sur un certain mode de vie. Vacances en rolls, Safari, bonheur, bikinis sur les plages, comment percevons-nous ces images en 2022 ? »
Aliou Sow
Parrainé par Florent Maurin et Nine Antico
« Après de nombreuses années passées dans le milieu du court-métrage en tant qu’auteur-réalisateur de fiction, je suis en train d’achever l’écrire de mon premier scénario de long-métrage, qui devrait être terminé en fin d’année. J’ai fait appel à l’aide au parcours d’auteur pour la mise en place d’un second projet de long-métrage. Reprenant comme toujours les deux thématiques chères à mes histoires, qui sont la fraternité et l’identité, la spécificité de ce dernier, résidera dans le fait qu’il mêlera plusieurs genres filmiques comme le fantastique et le road-movie. Tout cela pour partir d’une simple relation père-fils dans un petit village de campagne afin d’arriver à une relation univers-humain dans un monde aussi large que l’imaginaire. »
Yolande Zauberman
Parrainage collectif
« Je travaille sur trois projets, chacun très différents mais incarnant les thèmes et les sujets qui me passionnent, qui m’habitent depuis toujours.
D'abord, La Belle de Gaza. Ce projet, troisième opus de la trilogie qui inclut Would you Have Sex with an Arab et M, est né d'une vision, d'une intuition au sujet d’une femme trans palestinienne, rencontrée brièvement lors du tournage de M à Tel Aviv. En recherchant cette femme, j'en rencontre d'autres. J'ai le besoin de raconter leurs histoires. Celles d'identités complexes, de lieux hostiles. La rencontre de la sexualité, du genre et de la politique. Leurs expériences ont tant à nous apprendre.
Puis La Main Bleue, une série sur une boite mythique de Montreuil, qui accueillait les immigrés africains rejetés des autres boites, rejetés de partout. La Main Bleue devint rapidement l'objet d'exotisme des jeunes branchés et mondains qui regardaient, fascinés, glisser et danser ces éboueurs, tourneurs. balayeurs, devenus rois de la nuit sous le rayon laser. La Main Bleue est une histoire de colonisation de la nuit. Je veux construire ce récit avec ceux qui ont fait, ceux qui ont vécu la Main Bleue. Je veux que ce soit notre film. Je suis actuellement en phase de recherches, recueillant les témoignages et les complicités qui nous permettront d’écrire.
Finalement, je suis au début de mes recherches sur Emma Goldman, une héroïne anarchiste qui se battait à la fin du 19ème siècle pour la liberté et la jouissance des femmes et de tous. Considérée comme la femme la plus dangereuse des États-Unis parce qu’elle revendiquait pour les femmes, entre autres, le droit au polyamour et à l’avortement, cette ouvrière, cette grande amoureuse, refusait l’asservissement et réclamait des journées de travail de 8 heures. »