Aide au parcours d'auteur : résultats de la commission des 6 et 7 décembre 2022
Résultats des commissions
07 décembre 2022
Lamine Ammar-Khodja
Marrainé par Mariette Désert
« Engagé dans un travail au long cours, l’Aide au parcours d’auteur me permettra d’entamer un deuxième volet, suite à un premier film autour de la ville d'Alger.
À travers un personnage situé à une frontière des genres, mais aussi entre le muet et le parlant, N. regarde le monde qui l’entoure et évolue selon une logique interne au récit.
Film frontière s’il en est, je voudrais explorer une narration qui serait à la lisière de la fiction et du documentaire. Mais plus encore, cette expérimentation me servira à assoir une méthode de travail et d’écriture. »
Roy Arida
Parrainé par Simon Rouby
« Depuis plus de 15 ans, je tourne mes films au Liban, pays où je suis né, où j’ai grandi et où vit encore toute ma famille.
De part mon ancrage géographique en France, j’ai jusque-là été forcé d’observer l’évolution du pays avec distance. J’ai, par conséquent, toujours eu un train de retard comme on dit. Et malgré toutes ces années passées en France, le territoire de mon imaginaire demeure encore à ce jour, le Liban.
Ce territoire, il me faut le réinvestir. Car aujourd’hui, le Liban change. Peut-être plus, ou du moins plus vite que le reste du monde. Il bascule dans une crise politique et économique si délétère qu’elle semble changer définitivement le visage du pays. Cette métamorphose, j’aimerais l’éprouver depuis l’intérieur. J’aimerais y assister, m’y plonger et aussi m’en inspirer pour mon prochain projet de long-métrage qui suivra justement une communauté de gens cherchant à survivre et à s’organiser sur un territoire apocalyptique où depuis la chute de toute structure étatique les peuples sont livrés à eux-mêmes. Cette projection, j’aimerais la confronter au réel. Celui du quotidien. J’aimerais, cette fois, prendre les devants et mener un travail prospectif plutôt que rétrospectif comme ce fut le cas jusque-là.
L’aide au parcours d’auteur me permettra de renouer avec ce territoire, de m’immerger dans le quotidien libanais en multipliant comme jamais je n’ai pu le faire les séjours là-bas, aux côtés des miens et de tous ceux qui se doivent déjà d’anticiper, de prévenir, d’imaginer, de trouver des solutions en cette période pleine d’incertitude. »
Renaud Barret
Parrainé par Simon Rouby
« Lorsque j’ai commencé l’écriture de La Nouvelle Jérusalem, mon idée était de capter “en immersion”, le quotidien d’un vrai caïd de Kinshasa : Ngotshima aka Patron Voyou. Je le connaissais depuis des années et il avait fini par me donner le privilège incroyable de le filmer sans restriction ni censure, dans son fief : un hôtel borgne, sorte de sanctuaire pour les voleurs et les voleuses du ghetto qui se mettent sous sa protection… Dans la vraie vie, Ngotshima est usurier, receleur, proxénète, homme de main du gouvernement, mais aussi protecteur des enfants des rues, juge de paix, féticheur et patron d’un orchestre de heavy metal. A la fois un fieffé salaud et un bienfaiteur. Fasciné par la dualité et la dimension tragique de ce personnage d’anti-héros, j'ai eu l'envie d’organiser tout ce réel dans un scénario : ma première fiction. L’histoire d’une rédemption impossible qui serait entièrement portée par des personnages de la pègre jouant leurs propres rôles. Après plusieurs mois de co-écriture avec Boris Lojkine, nous avons abouti à un premier scénario ouvert, bien conscients que la réalité documentaire s’inviterait forcément dans notre film… Je n’imaginais pas encore à quel point. En effet, il y a quelques semaines Ngotshima a annoncé qu’il se présentait aux élections pour devenir député de sa commune. Une fois le choc passé, j’ai réalisé à quel point ce changement radical était passionnant. Puis-je adapter le scénario déjà écrit à cette nouvelle réalité ? Ou faut-il repartir de zéro ? A ce stade de mon travail, l’aide au parcours d’auteur va me permettre de redéfinir, in situ, la frontière entre fiction et réalité. En suivant cette fois un gangster dans son envie de gouvernance légale. »
Eric Baudelaire
Parrainage collectif
« En d’autres termes est une fiction sur la fiction. R est un homme libanais d’une cinquantaine d’années qui travaille pour la Croix-Rouge en tant que visiteur de prison à Guantanamo. Tous les trois mois, il part en tournée pour rendre visite aux détenus, écoutant scrupuleusement leurs histoires, puis il se rend dans diverses villes et villages au Moyen-Orient et en Europe pour les restituer oralement aux familles. Depuis quelques mois, il commence à déraper, à transgresser, à s’insérer dans les histoires plutôt que d’en être un simple passeur neutre. Ses modifications inconscientes (mensonges ? fictions ?) sont concomitantes d’un bouleversement dans sa vie. »
Yasmine Benkiran
Parrainage collectif
« DAHOMEY est un film fantastique dont le mouvement de création part pourtant d’un ancrage fort dans le réel, dans un territoire, celui de la plage de Dahomey. C’est pour expérimenter cette démarche quasi-oxymorique que je sollicite aujourd’hui l’aide au parcours d’auteur. C’est un travail au long cours qui m’attend. Du temps sur le terrain, passé avec ses habitants et ses matériaux. Un temps de recherches, d’esquisses et de tâtonnements nécessaires à l’écriture de DAHOMEY. »
Mikael Buch
Parrainé par Antoine Barraud
« Même si mes deux nouveaux projets sont très différents, ils sont mus l’un comme l’autre par un seul et même désir : celui de m’emparer d’un genre (la comédie pour l’un et le mélodrame pour l’autre) pour poser un regard à la fois généreux et lucide sur ce qui nous unit et sur ce qui nous sépare dans la France d’aujourd’hui.
Mon premier projet est un projet de long-métrage pour le cinéma, une « comédie du remariage » qui racontera l’histoire d’un couple d’hommes homosexuels et bourgeois qui, au moment de préparer son mariage, fait face à une remise en question de ses valeurs et de sa façon de se penser politiquement comme couple homosexuel aujourd’hui.
Mon deuxième projet est une minisérie en six épisodes qui plongera dans les multiples réalités du marché aux puces de Saint-Ouen. Si chaque recoin de ce lieu me raconte la France dans toute sa complexité c’est aussi par le biais des milliers d’objets qui, mis côte à côte, retracent une certaine Histoire de notre pays. C’est de ce désir de raconter une France d’aujourd’hui qui ne cesse d’être traversée et agitée par son Histoire qu’est née l’idée de « Saint-Ouen ».
Plus que jamais, je souhaite prendre le temps de la recherche, de l’exploration et de la documentation pour partir d’un certain constat du monde qui me servira comme base pour concevoir des fictions inventives et « bigger than life ». Les films et les séries ne me semblent jamais aussi beaux que lorsqu’ils nous font entrevoir la possibilité concrète d’une existence meilleure. »
Patric Chiha
Marrainé par Fleur Albert
« Mes films, jusqu’à maintenant, se situaient toujours un peu en dehors du temps. Je souhaite me confronter aujourd’hui pour la première fois plus directement au « réel », réaliser un film sur notre époque, sur l’ici et maintenant, et requestionner ainsi ma pratique. Je souhaite réaliser un documentaire sur un groupe de jeunes hommes russes qui ont fui a? Istanbul. Et peut-être inventer avec eux une nouvelle manière de se raconter et de raconter le monde présent. »
Pierre Creton et Vincent Barré
Marrainés par Fleur Albert
« La forme prévue de notre projet est celle d’une suite de sept films courts correspondant aux étapes d’un cheminement en différents sites du Pays de Caux, accompagnés du botaniste Mark Brown. Il s’achève dans son jardin paléobotanique où il s’emploie à recréer une forêt primaire d’avant l’apparition des fleurs. Ces films exploreront sous la forme d’observations botaniques les modalités du paysage aujourd’hui : plis, replis, réseau. Une suite de films en forme de carte, à la fois panorama et positionnement que nous voulons rigoureux sur le plan scientifique quand ils restituent la parole de Mark Brown, mais libres quand il s’agit de paysages. À la recherche de plantes indigènes, nous le suivrons dans des lieux délaissés de l’activité humaine qu’il parcourt incessamment (friches industrielles, interstices dans le mitage urbain, terres de la déprise agricole). Grand corps digne d’une figure de Beckett, Il se penche, s’attarde, prélève et note, en murmurant des commentaires sur les spécificités de la plante, son environnement, son biotope et les menaces qui pèsent sur lui. Tantôt tendre, ou introspectif, tantôt amer ou en colère, animé de profondes convictions écologiques et politiques, il livre ses connaissances des plantes et des milieux.
Nous avons jusqu’à maintenant réalisé nos films ensemble avec les moyens du numérique, usant de la facilité de filmer sans compter. Nous souhaitons dans le cadre de Parcours d’auteurs l’associer aux moyens sensibles de la pellicule, revenant à l’origine du cinéma, comme Mark Brown cherche à revenir à l’origine du règne végétal. Ce qui changera également notre pratique, est l’arrivée du jeune chef opérateur Antoine Pirotte formé aux pratiques argentiques. C’est donc une expérience nouvelle qui s’engage à quatre personnes aux vécus très différents, dans un projet au long cours. »
Seydou Cissé
Parrainé par Raphaël Grisey
« En 2021 je réalisais Taamaden (Enfant de la marche), un long-métrage documentaire qui traite l’immigration sous l’angle de la spiritualité à travers mes protagonistes migrants maliens et d’autres origines vivant en Espagne. Au fil de mes allers-retours entre l’Afrique et l’Occident, pendant ce projet d’autres personnages étaient omniprésents, présents en filigrane : leurs femmes.
Restées dans les pays d’origine, elles attendent leurs maris pendant plusieurs années. Plongées dans une attente interminable, ces femmes espèrent le retour incertain du cher aimé. La solitude devient leur compagnon au quotidien. Un sujet sensible dont mes protagonistes évitaient de parler. La mise en fiction s’est dès lors imposée, pour raconter l’un des récits tabous africains qui ne se filme pas a? hauteur de personnes réelles car elles se mettraient en danger, ou ne parleraient tout simplement pas. Aujourd’hui, je souhaite révéler la partie invisible de l’iceberg de l’immigration à travers un projet de fiction intitulé Dakawili (confident intime). Ce nouveau film explore la façon dont ces femmes vivent l’absence à travers les pensées, les prières, les mouvements et les gestes du quotidien, autant de rituels qui finissent par créer un sentiment de présence. Il accompagne un mouvement dans mon parcours : depuis mon premier film Faraw ka Taama (Voyage des pierres), un des axes de mes créations s’articule à un travail de recherche sur les traditions et les spiritualités africaines en lien avec les nouvelles technologies.
En Afrique, principalement au Mali, comment ces femmes sont-elles perçues, jugées et traitées par la société, selon leurs façons de vivre ? Quels sont les rapports entre les épouses des migrants et les autres femmes dans les groupes de tontine, ces associations de femmes autour d’une caisse commune alimentée par des cotisations mensuelles ou? chaque membre encaisse a? tour de rôle ?
La bourse parcours d’auteur, me permettra de travailler en amont avec une co-autrice. Elle me permettra d’avancer non seulement dans le développement de mon tout premier long-métrage fiction, mais aussi de voyager quelques mois au Mali, dans la région de Kayes, une zone de l’immigration par abondance. Ce travail de repérage me permettra d’être près de ces femmes, de comprendre comment fonctionnent les groupes de tontines et de m’imprégner davantage de leur réalité. Surtout les plus secrètes et taboues, celles que l’on n’entend jamais, qu’on n’ose pas aborder, qu’il me semble nécessaire de raconter. »
Gabrielle Culand
Marrainée par Fanny Sidney
« Mes premiers films documentaires se sont particulièrement intéressés à la communauté des travelers, dans laquelle je me suis immergée pendant plusieurs années. Cette jeunesse nomade qui évolue loin des grands centres urbains a rompu avec l’angélisme des routards des années soixante, mais en garde l’attrait pour l’aventure, le besoin impétueux de se frotter au monde et aux gens, de se rattacher au vivant. Elle cherche à s’extirper du consumérisme, remettant en question les idées de progrès et de réussite, avec le désir de faire l’expérience d’une vie plus sauvage. L’approche documentaire de cette communauté ne m’a pas suffi, car je n’arrivais pas sous cette forme à retranscrire précisément ma perception de ce mode de vie. J’ai d’abord rencontré une limite éthique, car je ne pouvais porter à l’écran certaines situations hors la loi sans mettre en danger les personnes que je filmais. D’autre part, la dimension imaginaire de cette communauté demande à mon avis une écriture qui s’affranchit des barrières du Réel. Grâce à la bourse Parcours d’Auteur, je souhaite donc poursuivre le virage que j’ai déjà amorcé vers la fiction en réalisant deux courts-métrages, et déplier l’univers des travelers sous forme d’une trilogie qui me permettra d’explorer trois grandes thématiques de fond : la fête, le travail itinérant et la vie en communauté. »
Delphine Gleize
Marrainée par Fanny Sidney
« J’aime l’idée de l’expérience physique du nouveau projet, et chaque aventure a été radicalement différente de la précédente. J’estime avoir pris des risques, avoir avancé sous la pluie sans voir qu’il pleuvait, mais le temps passe et j’ai envie d’embrasser au sens propre tous mes tâtonnements précédents en me plongeant à corps perdu dans ce projet, Keraunos, qui tient une place à part dans mon travail. Il ne vient pas à la suite, il questionne ce que j’ai déjà fait et s’inscrit dans une forme nouvelle pour moi, la série. C’est un travail que j’envisage pour l’instant en solitaire, qui doit être nourri de recherches scientifiques, de rencontres déjà provoquées, de pistes à creuser loin de chez moi. Il est aussi exigeant que libre et il est évident que cette aide de Parcours d’auteur se révèle salutaire et décisive dans ma capacité et mon plaisir à envisager ce tournant. Je pensais que les orages étaient la seule peur qui rongeait les nuits des adultes et des enfants tout autant. Que c’était le trait d’union entre les terreurs des tous petits et des presque morts. Je découvre à cet instant, en n’étant ni foudroyée, ni fulgurée, ce qu’est la paralysie par fascination. Je veux désormais m’approcher au plus près de l’orage. Je veux creuser le sillon de la foudre. Qu’ont en commun tous ceux qui s’en relèvent ? De quels mondes inconnus de nous sont-ils les créateurs ?
La foudre donc. Qui fulgure plus qu’elle ne foudroie. Qui ne tue pas tant que ça. Pire encore. Elle laisse un corps meurtri, une âme à genoux, un être contraint à se réinventer. La foudre tue à peine une dizaine de personnes par an et laisse presque deux cents fulgurés. Les fulgurés sont des hommes des femmes des enfants qui sont parcourus, en une fraction de seconde, par près de 100 millions de volts. Ils sont parcourus comme un texte l’est par un lecteur vorace qui les laisse à quatre pattes. Un lecteur impatient et impérieux qui, plus qu’il ne les déchiffre, plonge au fond de leurs entrailles, de leur cerveau, leur révélant une part d’eux-mêmes insoupçonnable. Une étreinte indétectable la plupart du temps. Leur laissant une empreinte qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer.
Plonger dans l’histoire des fulgurés, c’est voyager dans une contrée inconnue… »
Elisabeth Jonniaux
Parrainage collectif
« L'histoire de Khaled nous emmène à la croisée du Procès de Kafka et de l'Etranger de Camus. Je me souviens du vertige existentiel que ces livres m'ont procuré quand je les ai lus pour la première fois. J'ai ressenti ce même sentiment face à l'absurde destin de cet homme, citoyen sans histoire d'une petite ville de Bavière qui, par un accident de l'Histoire, est devenu "l'Étranger", étranger à l'Allemagne, au monde et à lui-même. Aujourd’hui, avec ce projet je veux aller au-delà du seul geste documentaire, approcher le destin de Khaled non seulement comme une trajectoire individuelle tragique, mais comme une allégorie. Pour raconter cette onde de choc, cette métamorphose, ce long glissement vers le l'absurde et la perte de soi, je veux réaliser un objet cinématographique hybride, un essai-fiction émanant du réel.
J'ai entrepris l'écriture d'un deuxième projet : un scénario, provisoirement appelé "Continent noir", inspiré par l'histoire réelle de trois femmes de ménage de la gare du nord. Dans mes documentaires, j’ai beaucoup raconté des luttes menées par des hommes. Cette fois je veux mettre en scène des femmes. J’ai surtout envie de transformer en héroïnes de fiction des femmes immigrées, assignées à des vies souterraines, à des emplois dévalorisés et sous-payés.
L'aide au parcours d'auteur me permettra d'effectuer les recherches et expérimentations nécessaires à la poursuite de ces deux projets. »
Boris Labbé
Parrainé par Charles Ayats
« Après une dizaine d'années de réalisation de courts métrages d'animation expérimentaux, installations vidéo, vidéo-concerts, scénographies et expositions, je continue mon exploration du médium audiovisuel en m'engageant sur le long terme sur deux projets de réalité virtuelle. Le premier projet, Mono no aware, est une œuvre autour de références de l’histoire de l’art japonais, reprenant mon style graphique et cinématographique (boucles, métamorphoses et jeux d'échelle) dans une expérience virtuelle déambulatoire. Le second, Chimères, est une œuvre qui vise le grand public, autour de la relation complexe homme-machine-animal, à l'heure de la sixième extinction de masse... Le projet se situe dans une zone d'interstice, à la frontière entre œuvre VR expérimentale et jeu vidéo, nécessitant une expertise poussée dans le domaine de l’intelligence artificielle. L'aide au parcours d'auteur me permettra de dédier un temps d'écriture à cette seconde œuvre et à son développement (prototypage). Je compte solliciter des experts et de futurs collaborateurs (scientifiques, ingénieurs, artistes) qui pourraient m'aider à trouver le point d'équilibre entre la forme et le fond, en utilisant les technologies d'aujourd'hui, autour d'un sujet si délicat. »
Gaël Lépingle
Parrainage collectif
« Mes deux films précédents (un huis-clos et un retour dans les villages de ma jeunesse) m’ont donné envie de travailler davantage encore sur la question de la « maison » : dans sa doublure ambivalente d’ancrage vers le monde et d’enfermement sur l’intime.
Le premier projet est documentaire, il s’articule autour de la correspondance que j’échange depuis 30 ans avec une amie institutrice à la campagne. Au fil des ans et des visites, j’ai tourné chez elle différentes séquences, qui documentent la vie qui passe (la solitude puis un compagnon, puis un enfant, puis l’enfant qui grandit et s’en va), jusqu’à ce qu’elle prenne la relève et m’envoie elle-même des lettres-vidéo. Il y est beaucoup question des choix de vie, de la peur de passer à côté, de se tromper.
Le deuxième projet est une fiction et concerne une autre sorte de maison, la « maison des habitants » ou maison de quartier. Je veux y observer ce rapport entre intérieur et extérieur, entre ce qui se fabrique dans les relations humaines (les équipes et les habitants) et ce qui vient de l’extérieur et y retourne, parfois de façon violente. C’est une sorte de théâtre avec entrées et sorties de scènes, mais avec un ancrage géographique souvent particulier (périphéries, zones reléguées). J’aime l’ambiance qui y règne, la vaillance d’un esprit « MJC socio-cul » qui paraît désuet alors qu’il s’agit d’un des derniers lieux où du politique peut encore s’inventer concrètement. Et ce terme de « maison » qui fait penser à un refuge, un abri contre les tempêtes, fut-il provisoire. »
Ben Russel
Parrainage collectif
« Après plus de vingt années de mouvement quasi-constant au nom du cinéma, le généreux soutien du Parcours d'Auteur me permettra de disposer du temps et de l'espace nécessaires à une « pratique d’atelier » dans la ville où je vis : Marseille. Il permettra l'accumulation quotidienne d'images 16mm, de sons et de textes qui prendront finalement la forme d'un long métrage expérimental réalisé sur le modèle avant-gardiste du film-journal. Comme une suite à mon dernier court-métrage Against Time, ma subjectivité sera au centre de cette nouvelle œuvre : elle sera le pivot du regard, des sons, des voix, des histoires qui s'assembleront. Après toutes ces années de résistance intentionnelle à devenir un sujet (et surtout pas "le sujet") de mon travail, je dois admettre que j'aborde ce projet avec quelques incertitudes et doutes – mais je suis certain que le fait d'aller volontairement vers la vulnérabilité me mènera vers des questions primordiales et essentielles pour la suite de mon travail d'artiste et de réalisateur. »
Anaïs Volpé
Parrainé par Antoine Barraud
« J’aurais adoré pouvoir dire que je suis arrivée dans le cinéma grâce à un camescope que l’on m’aurait mis entre les mains enfant, me permettant de créer des versions suédées de la Guerre des Etoiles.
Ça aurait été plus classe. Et puis j’admire ceux pour qui le cinéma est une forme innée et qui ont baigné dans les milieux culturels depuis leur enfance, avec tous les codes qui vont avec.
De mon côté, je ne me suis jamais sentie légitime de faire des films mais j’ai commencé à apprendre sur le terrain une fois adulte, en auto-produisant mes premiers projets.
Après quinze ans de travail fait d’urgence et de système-D, la bourse de Parcours d’Auteur m’aidera à essayer d’autres méthodes de travail, sans me sentir dans une urgence de produire par contraintes financières.
Cette bourse me permettra de prendre le temps, pour la première fois, afin d’approfondir mes recherches avant d’écrire mon scénario.
Dans chacun de mes projets, ce qui m’intéresse, ce sont les questions humaines autour de la culpabilité et de la réparation. Comment les gens (se) reconstruisent, même sur un terrain miné.
La bourse m’aidera à travailler sur mon prochain projet en prenant le temps qu’il faut. Projet composé à la fois d’un travail documentaire (audio et/ou vidéo) ainsi que d’un long-métrage de fiction, qui portera sur le rapport à la maternité et ses difficultés. »
Ça?la Zencirci
Marrainée par Fleur Albert
« Je veux faire un film de Kung-fu.
"Mais… Tu es turque, pas chinoise !", me dit-t-on. Eh oui, ce genre-là a des prérogatives strictes, presque d’ordre dogmatique. Il faut que ça soit fait par un asiatique. Et surtout, par un homme. C’est la moindre des choses.
Pourtant, sur le tournage de mon film précédent, Sibel, ma collaboration avec des cascadeurs a ravivé un sentiment puissant en moi, hérité de mon enfance, cette époque où les projections de film d’Arts Martiaux en Turquie avaient provoqué mon désir de Cinéma.
Et ce désir s’incarne aujourd’hui dans mon envie intime de faire mon film d’Auteur Martial.
Je suis à un stade où je ressens le besoin viscéral de ne pas reproduire les schémas narratifs de mes films précédents. J’ai l’ambition d’écrire un grand film. Celui, épique, qui ouvre le sujet, les codes, qui déploie plusieurs personnages tout en les rendant universels, qui rallie le genre et l'intrigue, qui donne la vision d'une femme forte et un regard sur la Turquie aujourd'hui.
Pour moi, c'est une gageure majeure, qui me bouscule dans les questions d'écriture, pour laquelle j’ai le besoin d'être aidée, mais dont l’enjeu m’est essentiel. Il me faut sortir de ma zone de confort, celle où je sais faire des films avec peu, basés sur un seul personnage. J’ai l’intime conviction que ce film, qui sera sans doute mon plus personnel, doit porter mon ambition très haut. Car en me bousculant moi-même, je serai plus en mesure de bousculer la fabrique du cinéma. »