Candice Renoir, une héroïne dans l’air du temps

Candice Renoir, une héroïne dans l’air du temps

08 juin 2020
Séries et TV
Candice Renoir
Candice Renoir Fabien MALOT - FTV

Diffusée depuis 2013 sur France 2, la série Candice Renoir attire en moyenne entre 4 et 4,5 millions de téléspectateurs à chaque saison. Un score encore plus important pour la saison 8 dont les 4 premiers épisodes, diffusés entre le 17 avril et le 1er mai derniers, ont été suivis par plus de 6 millions de personnes. Retour sur les raisons du succès de Candice Renoir avec Geneviève Sellier, professeure émérite en études cinématographiques à l’Université Bordeaux Montaigne, animatrice du site « Le genre et l’écran » et auteure de l’article Les séries télévisées, lieu privilégié de reconfiguration des normes de genre : l’exemple français ainsi que du livre Ignorée de tous…sauf du public ; quinze ans de fiction télévisée française 1995-2010 coécrit avec Noël Burch.


Produite par Boxeur 7 (en coproduction avec BE Films et la RTBF), Candice Renoir suit les aventures d’une commandante au sein de la BSU de Sète. L’héroïne est divorcée et mère de 4 enfants et elle a repris le travail après avoir mis sa carrière entre parenthèses pour élever sa famille et suivre son ex-mari à l’étranger. Très féminine, elle arbore robes, talons et bottes de pluie fuchsia là où les héroïnes de séries policières sont habituellement masculinisées. Un style, associé à une blondeur et une fausse candeur, qui pousse certains à ne pas la prendre au sérieux.

Une héroïne miroir de la société

« Cette série est remarquable parce qu’elle dure. Mais au départ, elle a été assez mal accueillie par la critique lui reprochant ses facilités d’écriture et sa « paresse » dans ses intrigues policières. C’est le lot de toutes les séries avec une enquête bouclée en un épisode. Certains la critiquaient également parce qu’elle valorise un type de personnage féminin que la culture médiatique et la société ne mettaient pas en valeur jusque là. Cela étant dit, depuis 30 ans, on constate le succès pérenne des séries policières menées par des héroïnes en position de pouvoir, c’est-à-dire qui dirigent une équipe. Elles ont remplacé des fictions comme Navarro ou Commissaire Moulin. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a plus de héros masculins, mais les séries avec des héroïnes connaissent un succès particulier qui s’explique notamment par le fait que le public des fictions diffusées à la télévisées française est majoritairement féminin, y compris en prime time. Et les chaînes l’ont pris en compte. »

L’évolution de la société respectée

« Julie Lescaut était divorcée et mère de famille mais n’avait pas de vie amoureuse tout comme l’héroïne d’Une femme d’honneur. Progressivement ont émergé des héroïnes avec des vies amoureuses, mais ces dernières étaient calamiteuses, comme si elles devaient payer leur pouvoir et leur efficacité professionnelle par une vie personnelle inexistante ou difficile. C’est le cas dans Profilage où la profileuse a une vie privée presque tragique. La donne change avec Candice Renoir. Elle est divorcée avec 4 enfants et a des aventures amoureuses qui ne compromettent pas son efficacité au travail alors que traditionnellement, les figures féminines sont présentées comme très affectées par leurs émotions. C’est une vraie nouveauté. La télévision prend en compte le niveau d’émancipation des téléspectatrices qui ont une vraie carrière et une vie amoureuse ordinaire sans se départir de leurs responsabilités maternelles ».

Une commandante féminine, parfois glamour

« Au fur et à mesure que la série évolue, Candice Renoir change elle aussi. Elle est parfois en jean sur le terrain, mais son droit à la coquetterie est tout à fait compatible avec son efficacité professionnelle. Julie Lescaut était assez masculine, Une femme d’honneur était en uniforme… Dans Profilage, les héroïnes sont féminines, mais cette féminité est perçue comme une vulnérabilité sur le plan affectif. Ce n’est pas le cas dans Candice Renoir : elle est féminine et c’est un atout car elle a une sensibilité et une vision des situations qui lui permettent de voir des choses que les autres ne voient pas, notamment son second masculin. Il y a une valorisation professionnelle des qualités féminines et c’est une nouveauté : malgré les moqueries et certaines remarques misogynes, Candice a raison à chaque fois. »

Une diversité

« Il y a une vraie diversité des personnages féminins dans la série : une policière féminine et parfois glamour, un garçon manqué, une célibataire endurcie… Il y a d’ailleurs de nombreuses femmes dans l’équipe scénaristique – Elsa Marpeau, Anne et Marine Rambach, Kristel Mudry, Fabienne Facco, Virginie J. Perez… Il y a une attention portée aux personnages féminins mais aussi masculins qui sont montrés sans complaisance, c’est-à-dire sans valoriser l’autorité masculine contrairement à ce qu’on peut voir ailleurs. Mais au-delà des femmes, il y a surtout une vraie attention portée à toutes les catégories dominées socialement dans la société (les personnes d’origine étrangère, les LGBT, etc.), ce qui apporte une dimension d’innovation sociale à la série. Il y a enfin une mise en lumière des nouvelles formes de famille : quasiment toutes les familles sont recomposées, un couple de femmes a un enfant grâce à la PMA… La série est particulièrement attentive aux questions sociales dans leur forme la plus contemporaine. »