Le CNC et TVFI viennent de publier les chiffres de l’exportation des programmes audiovisuels français 2017. Ceux-ci montrent une nouvelle fois la très bonne santé de la fiction hexagonale à l’international.
Quel regard portez-vous sur ces bons résultats ?
Dans l’ensemble, on constate une évolution très forte : nos programmes s’exportent de mieux en mieux. Si l’animation reste leader, la fiction enregistre effectivement la plus grosse progression. Depuis plusieurs années, elle a très clairement le vent en poupe.
Comment expliquer cette évolution ?
Alors que la fiction française est longtemps restée très locale, trouvant difficilement sa place à l’étranger à cause de ses thématiques trop franco-françaises et « familiales » ou de formats peu prisés ailleurs que chez nous (le téléfilm unitaire, qui était très apprécié par les chaînes françaises mais difficile à vendre hors de nos frontières).
La qualité de la production a augmenté, facilitant ainsi les ventes à l’international ?
Oui. L’export est très lié à l’évolution de la qualité en fonction des standards internationaux. Et la production s’est aussi développée en volume grâce à un autre phénomène : les séries américaines ont de moins en moins trouvé leur place sur les antennes. Il y a eu moins de séries procédurales fortes comme Les Experts ou The Mentalist, donc davantage d’espace pour les séries françaises, qui aujourd’hui enregistrent d’ailleurs de meilleures audiences que les séries US (en 2017, 88 fictions françaises apparaissent dans le top 100 contre seulement 37 en 2013). Les chaînes sont devenues plus demandeuses de fiction hexagonale qu’auparavant. En conséquence, le volume de production global a augmenté.
En dehors de ses qualités artistiques, qu’est-ce qui aujourd’hui est important pour qu’une série s’exporte bien ?
En premier lieu, le volume de production. Il y a encore 5 ans, nous devions attendre plusieurs années pour avoir 30 ou 40 épisodes d’une série. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus rapide – on le voit par exemple avec des séries du catalogue Lagardère Studios Distribution comme Caïn ou Tandem. Sur le marché international, cela a une valeur inestimable car les acheteurs étrangers veulent investir directement sur plusieurs saisons, pas seulement sur une poignée d’épisodes.
Et sur le plan du contenu et de la construction des séries ?
Il est important que le premier épisode soit bien rythmé : il faut que le téléspectateur soit tout de suite plongé dans l’action, pas qu’on lui expose lentement la situation et les relations entre les personnages – les choses évoluent mais les séries hexagonales ont encore souvent ce défaut d’être trop bavardes. Nos yeux de téléspectateurs se sont habitués aux séries américaines, dans lesquelles le rythme est très élevé, sans pauses. Il est également nécessaire que le spectateur puisse s’attacher aux personnages – une série trop « froide » peut être un frein.
Les Meurtres à… de France 3 sont un programme qui s’exporte bien ?
Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître ! Cela a mis du temps mais pris petit à petit de l’ampleur. Et le fait qu’il y ait aujourd’hui un volume assez conséquent d’épisodes dans cette collection facilite les ventes. Ce succès à l’export illustre aussi le fait que le marché évolue rapidement : je ne l’aurais pas imaginé il y a trois ans, mais les diffuseurs recherchent des fictions policières plus légères, comme celles-ci.
Article sur le même sujet
Multiplication des canaux, changement des habitudes de consommation, apparition de nouvelles plates-formes… Le monde des programmes audiovisuels a été profondément transformé depuis quelques années.
Quel a été l’impact de cette mutation sur le métier de distributeur ?
On est passés d’un marché très simple, dans lequel il fallait négocier les droits des programmes pour une diffusion sur une télévision payante, une gratuite, puis la vidéo, à un environnement désormais beaucoup plus complexe. Aujourd’hui, il y a donc aussi la VàD gratuite, payante, par abonnement, de la télévision linéaire gratuite… Par conséquent, la partie « contractualisation » de notre métier occupe maintenant une place primordiale : il faut comprendre les marchés, être extrêmement attentifs aux détails juridiques des contrats et aux droits que l’on cède, optimiser. Nous intervenons également beaucoup plus en amont et nous nous positionnons sur des projets parfois dès le stade de l’écriture, en devenant des partenaires financiers pour les producteurs.
La série, au niveau mondial, est en pleine ébullition…
Il y a un très grand nombre de séries, effectivement, donc la concurrence est rude. Il faut que le programme que l’on vend soit visible et ce n’est pas simple ! Pour atteindre notre potentiel acheteur, le marketing (autour de la série, via de la publicité…) est devenu clé, avec des équipes dédiées. La distribution de programmes audiovisuel aujourd’hui, ce n’est donc pas que de la vente, mais aussi des équipes marketing et juridiques. Et, bien évidemment, des vendeurs qui arpentent le monde pour présenter le programme, le valoriser, le promouvoir et, in fine, le vendre au plus grand nombre.