Jeune et Golri est un « buddy movie » entre une fillette de 6 ans et sa belle-mère de 25 ans. C’est comme ça que vous l’avez filmé ?
Oui, c’était évident ! On avait trois lignes d’intrigues claires. D’abord cette question : est-ce qu’on peut, aujourd’hui, en étant féministe, aimer hors des sentiers battus ? Ensuite, cette envie de raconter une histoire d’émancipation. Une histoire d’apprentissage et d’apprivoisement dans les deux sens. Qui va apprendre de qui entre l’enfant et l’adulte ? Et enfin, on a voulu interroger la création : d’où on s’inspire ? D’où vient la matière pour raconter des histoires ? Quels risques on prend à s’inspirer de ceux qu’on aime ? Un questionnement abyssal...
Il y a quelque chose de vous dans le personnage de Prune écrit et joué par Agnès Hurstel ?
Peut-être... Ce personnage était certainement plus cynique au départ. Je suis intervenue assez tôt dans l’écriture, longtemps avant le tournage, en tant que consultante. On a travaillé, Agnès et moi, en échangeant autour des textes. J’ai le sentiment qu’on a réfléchi ensemble à ce personnage qui a des aspérités, qui a une fonction dramaturgique moderne, sans pour autant mettre le spectateur à distance. Il fallait trouver quelque chose de générationnel.
Comment s’est passée votre rencontre avec Agnès Hurstel justement ?
J’avais déjà réalisé un épisode de la série Loulou qu’elle avait écrit. Et puis elle a vu mes films de la Fémis, qui mettaient en scène des enfants, de façon pop et décalée. C’est pour ça qu’elle a soufflé mon nom au producteur. On a ensuite travaillé sur les arches, la dramaturgie. Léa Domenach [la coautrice, NDLR] et Agnès ont embrassé mes retours avec une sérénité fantastique.
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Vous avez dirigé seule les 8 épisodes de Jeune et Golri. C’est un travail colossal non ?
C’était une sacrée charge. Mais c’était parfait, parce que j’ai toujours eu une forme de paralysie face à l’idée d’un long métrage, ça me bloquait. Alors je me suis dit que si j’étais capable de faire ce projet, un 260 minutes, ce serait facile de faire un 90 minutes après. (Rires.) Mais c’est vrai que ce sont des tournages intenses, où l’on filme huit à dix minutes utiles par jour ! Mais en même temps, c’est en forgeant...
Comment avez-vous abordé le tournage des scènes de stand-up ?
De manière minimale. Parce que lorsqu’on est véritablement devant une scène de stand-up, notre œil s’ajuste, mais on est plutôt en plan large. On ne voulait pas dénaturer ça. On a donc fait attention à ne pas trahir ce côté très simple et très dépouillé de l’univers du stand-up. De toute façon, on n’allait pas faire des cabrioles avec la caméra dans cette cave qui puait les égouts et où il y avait des cafards partout. Et en plein Covid ! Il fallait garder cette arène vivante, jusqu’à 2 heures du matin, avec des gens qui avaient déjà vu quatre fois les sketches, encore et encore... Pour tout dire, on était à l’agonie au bout d’une semaine là-dedans. (Rires.)
D’où vous est venue cette envie de passer derrière la caméra ?
C’était là dès le départ. Même depuis mes débuts, quand j’étais encore au lycée. Ce qui m’attire, c’est l’écriture. La construction de la narration. Après, je suis admirative des acteurs qui préfèrent se consacrer entièrement à leur métier. Parce qu’il faut avoir la chance de tomber sur des récits qui nous concernent, qui nous semblent nécessaires à raconter. Ne pas les créer soi-même, c’est prendre des risques, notamment celui d’être assujetti aux désirs des autres. Donc pour moi, c’est un équilibre nécessaire.
Quand on est déjà actrice, c’est un plus ?
J’ai un immense respect pour ce que font les comédiens sur mon plateau ! Alors je les dirige avec précaution, de la façon dont j’aimerais être moi-même dirigée. Parfois, j’ai besoin d’aller vite et je manque un peu de délicatesse... Mais je crois que je n’ai pas encore traumatisé trop de gens. (Rires.) C’est pour ça qu’on me confie encore des enfants, comme sur Jeune et Golri. La série a été projetée en compétition officielle au festival Séries Mania. Ce fut angoissant de la montrer en public, dans une salle de cinéma ? J’avais surtout le stress de la présenter en fait, de parler en public... plus que de la montrer ! Parce que ça, c’est l’aboutissement d’un travail donc c’est plutôt une forme de jubilation. On est jugé à l’applaudimètre. (Rires.) Et puis c’est une projection live, c’est un peu singulier. Ce n’est pas comme ça que les gens vont découvrir la série, à travers leur écran de télévision...
Jeune et Golri (Sur OCS)
Créé par Agnès Hurstel avec Léa Domenach et Victor Saint Macary
Avec : Agnès Hurstel, Jonathan Lambert, Marie Papillon...
Musique : Pierre Leroux
Produit par The Film TV et 6Bony
La série Jeune et Golri a été soutenue par l'aide sélective à la production de fiction