Fictions inspirées de faits réels : quelles sont les règles à suivre ?

Fictions inspirées de faits réels : quelles sont les règles à suivre ?

18 décembre 2018
Séries et TV
Jacqueline Sauvage c'était lui ou moi
"Jacqueline Sauvage c'était lui ou moi" Philippe Warrin - UGC - TF1

Ces dernières années, la télévision a adapté de nombreux faits divers. Si l’audience est à chaque fois au rendez-vous, une question se pose : tout est-il permis quand on s’inspire de la réalité ?


Jacqueline Sauvage sur TF1, Xavier Dupont de Ligonnès : Dans la tête du suspect sur M6… Les faits divers sont régulièrement le point de départ de fictions pour la télévision. Si, pour se protéger, les producteurs font souvent ajouter un message au début de leur œuvre, « ce film est basé sur des faits réels, cependant il s’agit d’une adaptation libre », cela ne sert à rien en cas de litige. Car des règles à suivre, il y en a beaucoup.

La présomption d’innocence

« Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie », énonce la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 6-2). C’est la leçon apprise en 1973 par Claude Chabrol. A l’époque, le réalisateur doit différer la sortie de son film, Les Noces rouges, sur décision du ministre des Affaires Culturelles. Il doit attendre la fin du procès devant la Cour d’assises des « amants diaboliques » dont il s’était inspiré.

L’atteinte à la vie privée

La protection de la vie privée est garantie par l’article 9 du Code Civil. Dès lors que les intéressés sont identifiables dans le film par leur nom ou leur image, ils peuvent intenter une action en justice. Ils auront gain de cause s’il y a violation de la vie privée c’est-à-dire « le fait de dévoiler, faire connaître, de rendre public quelque chose qui était inconnu ou caché. »
Impossible également de refaire le procès d’une affaire déjà jugée. En 2014, Arte et la société Maha produisent Intime Conviction, un téléfilm judiciaire inspiré de l’affaire du Dr Muller, condamné deux fois pour le meurtre de sa femme avant d’être finalement acquitté. Jean-Louis Muller attaque les deux sociétés pour atteinte à la vie privée et obtient gain de cause. La Cour de cassation interdit de diffusion le téléfilm après un premier passage télévisé.

La diffamation

En droit français, la diffamation consiste à porter une allégation ou imputer un fait, qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne. En 2006, France 3 diffuse le téléfilm L’Affaire Villemin, inspiré de deux livres traitant de l’affaire Grégory. La veuve de Bernard Laroche attaque et obtient trois ans plus tard le versement de 80 000 euros de dommages.
Entre temps, Arte diffuse en 2008 ce même téléfilm, conduisant la famille à porter plainte de nouveau. En juillet 2011, la justice condamne la chaîne à verser 15 000 euros à Marie-Ange Laroche et ses enfants, ainsi que 20 000 euros au titre des frais de justice. « Les réalisateurs conduisent nécessairement le téléspectateur à penser (…) que le petit Grégory a passé ses dernières minutes de vie à bord de la voiture de Bernard Laroche » ont indiqué les magistrats dans leur jugement, rendu public par l’AFP.

La seule solution pour éviter ces ennuis judiciaires est de ne dévoiler que des éléments libres de droits (dossier de procédure passé dans le domaine public). Mieux encore, on peut s’assurer du consentement de chacun des individus en cause. Ce qui n’est pas chose aisée…