Le Paris des Années folles recréé pour « La Garçonne »

Le Paris des Années folles recréé pour « La Garçonne »

31 août 2020
Séries et TV
Tags :
La Garçonne
La Garçonne Christophe BRACHET - Mother Production - FTV

Paris, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Louise Kerlac (Laura Smet) est témoin d’un meurtre commis par des agents de l’Etat. Pour échapper au pire, elle doit disparaître. Elle prend alors l'identité de son frère jumeau, traumatisé par ses années dans les tranchées, et intègre à sa place la police criminelle. Telle est l’histoire de La Garçonne, série créée par Dominique Lancelot qui se déroule dans le Paris des Années folles. Mais comment a été recréée cette époque synonyme de libération et modernité ? Eléments de réponse avec la chef décoratrice Catherine Jarrier.


Une époque moderne

« Notre parti-pris était de montrer que cette période était créative, joyeuse et même très moderne. Il y avait une sorte de liberté et nous avons eu envie de traiter la série avec la même liberté que celle de l’époque. Nous n’avons donc pas fait une reconstitution historique totalement fidèle. La signature esthétique est plutôt libre, ludique et subjective. Nous ne sommes pas toujours justes d’un point de vue historique, mais l’image est dans l’idée de la modernité d’après-guerre, de cette fête du plaisir. Cette époque sert vraiment le propos de la série qui traite de sujets assez modernes comme cette gémellité ou la prédisposition, la « programmation » des femmes et des hommes dans leur travail. »  

Le décor, un indice sur l’atmosphère

« Nous avons quelques décors plus sombres, malgré l’époque joyeuse, comme l’atelier d’Antoine Kerlac (incarné par Tom Hygreck - ndlr). Cet atelier représente ses tourments. Il symbolise aussi la misère dans laquelle pouvait vivre certains artistes. Antoine n’a pas grand-chose pour se nourrir. L’atelier est assez misérable, il est fait de bric et de broc. Il est très sombre, tout comme le décor du commissariat qui reflète l’opacité des enquêtes et leur dangerosité. Il y a vraiment une mise en abyme entre la façon de traiter différentes facettes, comme le faisait le cubisme. Pour certains décors, nous avons choisi des traitements graphiques de clair-obscur. Chaque univers a, en principe, son traitement particulier pour montrer les différentes facettes. Pour les lieux de fête, comme le club de jazz, l’ambiance est plus colorée et festive. L’hôtel particulier des Vandel est plus conventionnel. C’est la bourgeoisie, même s’il y a une certaine fantaisie chez elle. Ces partis-pris ont été faits en commun accord avec le réalisateur et le chef opérateur. »

Un important travail historique

« Il y a eu, en amont, un gros travail de documentation. Nous partions toujours de la réalité même si nous nous en détachions ensuite car nous n’étions pas dans une reconstitution. Nous n’en avions pas les moyens : les budgets pour la télévision ne permettent pas de tout reconstituer, de refaire tous les extérieurs comme on pourrait le faire dans un grand film de cinéma. Il faut donc se nourrir de ces contraintes et s’adapter pour appuyer ce qu’on souhaite montrer. Ici, c’était la modernité. Le mobilier a été chiné, loué ou acheté. Pour créer l’atelier d’artiste, j’ai passé beaucoup de temps à l’exposition sur le cubisme du Centre Pompidou. Les peintres Modigliani, Pascin ou Foujita ont également servi de sources d’inspiration. Quant aux décors de cabaret et des fêtes de Jenny Meyer, nous en avons cherché l’inspiration dans les images des cabarets de l’époque. Mais nous voulions avant tout retranscrire à la fois la folie des plaisirs et l’exagération de la liberté, avec ce mélange entre les animaux, les personnes nues, les danses, les jongleurs, les costumes. Pour retranscrire la fête à l’écran, j’ai par exemple rajouté ces énormes animaux empaillés qu’on trouvait déjà au 19e siècle. La fantaisie a été apportée par les couleurs, les objets, les lampes, etc… »

Une friche en guise de studio

« Nous n’avons pas tourné en studio, ce qui est une contrainte car il faut s’adapter à un lieu existant plutôt qu’en créer un de ses mains. Mais de la contrainte vient la richesse, ça oblige à se dépasser. Nous avons investi une friche dans laquelle nous avons pu créer des ouvertures, refermer des espaces, repeindre pour créer le décor du commissariat qui est central dans la série. Nous avons construit, de la même manière, celui de l’atelier d’Antoine qui a été imaginé dans un dédale de couloirs. Le bordel de la série est un lieu assez imposant en lui-même. Mais nous n’avons pas reconstitué toutes les pièces. Il y avait une sorte de corridor et grâce à un jeu de tissus et de voilages, nous avons créé des alcôves et donné de la sensualité. Ces alcôves permettaient d’apparaître ou disparaitre derrière les voilages. Nous avons gardé l’essence même de ce que nous voulions dire : la volupté et le plaisir. Un peu comme si nous ne faisions que deux coups de crayon au lieu d’un tableau entier. L’extérieur de la Rotonde a été réalisé en collaboration avec l’équipe des effets spéciaux qui l’a recréé à partir d’objets naturels et existants. L’équipe décor leur a donc fourni des éléments, c’est un vrai travail d’équipe. Enfin, nous avons aussi tourné dans un bistrot du 1er arrondissement de Paris qui est encore dans « son jus ». C’est l’exemple même d’une intervention minimum de la part des décorateurs – voire d’une non-intervention. Nous avons mis des accessoires – affiches, verres, ce qu’il y a sur le comptoir, la caisse enregistreuse, les bouteilles, tous les détails de vie et ce qui est consommable – et avons rajouté des rideaux à l’entrée. Mais d’un point de vue structurel, c’était un décor « clé en main ».

Les deux premiers épisodes de La Garçonne, qui en compte six, sont diffusés ce lundi soir à partir de 21h05 sur France 2. La série est produite par Mother Production et Gedesel avec la participation de France Télévisions.