« Winter Palace » : dans les coulisses d’une production franco-suisse

« Winter Palace » : dans les coulisses d’une production franco-suisse

13 février 2025
Séries et TV
« Winter Palace »
« Winter Palace » réalisée par Pierre Monnard RTS/Laurent Bleuze

La première série suisse produite par Netflix est une coproduction française, développée avec la société Oble Studios. Son cofondateur, le producteur Hugo Brisbois, nous explique quelle a été la place d’Oble sur cette série en costumes, qui raconte la naissance de l’hôtellerie de luxe en Suisse en 1899.


Comment est né le concept de Winter Palace ?

Hugo Brisbois : L’idée s’inspire, en prenant quelques largesses, de l’histoire d’un des premiers hôteliers ayant ouvert un établissement en hiver dans les Alpes. Il s’appelait Johannes Badrutt et il avait ouvert le Kulm à Saint-Moritz, dans le canton des Grisons, en Suisse. À l’époque, tous les hôtels de la région ouvraient uniquement en été, comme sanatoriums. On venait y faire des cures, etc. La série Winter Palace raconte ainsi la première saison de vacances d’hiver, comme on l’entend aujourd’hui.

À quoi cela ressemblait à l’époque ?

C’était encore très rudimentaire. Il s’agissait des débuts du ski en bois. Il n’y avait pas encore de remontées mécaniques, donc il fallait remonter les pistes à pied. La série raconte aussi tout ce folklore qui a commencé à naître à ce moment-là, avec une clientèle fortunée largement composée de lords anglo-saxons, qui venaient investir en Suisse. Le pays s’est ainsi rapidement positionné sur le luxe, avec une clientèle assez aisée. Toute l’histoire de l’hôtellerie suisse s’est aussi construite sur ce tourisme d’hiver.

Nous avons essayé d’insuffler un petit côté “French Touch” à la série.

Il a fallu six années pour développer la série. Comment l’expliquez-vous ?

Winter Palace est une coproduction internationale. La série a d’abord été développée par la société de production suisse Point Prod, en partenariat avec la chaîne publique RTS (Radio Télévision Suisse). Mais c’est une série qui ne pouvait pas être uniquement financée au niveau local. Le budget était trop élevé par rapport aux standards des fictions du pays. Donc il a fallu trouver du financement à l’international et c’est là que nous, chez Oble, nous sommes arrivés. Nous sommes ensuite allés chercher Netflix, qui a transformé la série en production internationale, en intégrant de nombreux talents français notamment, comme Valérie Adda (Les Combattantes) qui s’est occupée des costumes, ou le compositeur Thylacine. Les effets spéciaux visuels ont aussi été faits en France. Et puis le premier rôle féminin est tenu par Manon Clavel (La Vérité). Nous avons vraiment essayé d’insuffler un petit côté « French Touch » à la série.

Oble Studios a-t-il permis de faire ce trait d’union entre Netflix et la production suisse ?

Exactement. Nous sommes arrivés pour aider à cofinancer et en faire une série plus événementielle, plus internationale que si elle avait été 100 % suisse. C’était notre expertise sur ce projet même si le travail effectué dans un bassin de population aussi petit que la Suisse francophone était déjà impressionnant. En revanche, leur industrie est moins structurée que la nôtre. Et puis pour Netflix, il y avait ce besoin d’avoir une série qui résonne à l’international. Parce que pour la plateforme, il y a un double enjeu : il faut que la série rayonne localement, mais aussi à l’étranger. Quand Netflix réalise un investissement comme sur Winter Palace, ils cherchent une bonne audience en Suisse qui soit capable de rebondir dans le reste du monde et en l’occurrence dans certains territoires clés voisins, comme la France, l’Allemagne ou l’Italie.

Quelle est la part de vérité historique dans la série ?

Nous avons fait appel à Evelyne Lüthi-Graf, ancienne directrice des Archives hôtelières suisses, pour recréer l’époque. Nous avons eu beaucoup de débats avec elle, pour essayer d’être le plus fidèle possible à l’Histoire. Et en même temps, nous sommes un peu obligés aussi de faire quelques écarts. Ça reste une série de fiction. Nous ne réalisons pas un documentaire donc il y a quelques anachronismes. 

Comment décririez-vous l’univers de Winter Palace et son atmosphère ?

La série est un drame d’époque en costumes. Mais elle est quand même très moderne dans les dialogues. Les personnages parlent de manière contemporaine. La référence que j’aime citer très humblement, c’est The White Lotus, puisqu’il y a cette dichotomie entre des clients très fortunés avec leurs intrigues et le personnel de l’hôtel, plus modeste, qui vit d’autres problématiques. Leurs arches narratives viennent se percuter autour de nos deux personnages principaux, André et Rose, les gestionnaires, qui doivent encadrer leurs équipes et s’assurer du bien-être de leurs clients.

Sur le col du Simplon, il y a là, à 2 000 m d’altitude, un vieil hospice, immense, que nous avons utilisé comme base pour notre hôtel.

Comment s’est déroulé le tournage en altitude ?

Les extérieurs ont essentiellement été tournés dans le Haut-Valais à 2 000 m d’altitude. Nous avons trouvé le bâtiment de Winter Palace sur le col du Simplon, qui permet de passer vers l’Italie. Il y a là un vieil hospice au sommet, immense, que nous avons utilisé comme base pour notre hôtel, en y insérant des VFX. Évidemment, cela comporte beaucoup de défis de filmer ainsi en altitude. D’autant que les conditions climatiques étaient mauvaises début 2024. Il a beaucoup neigé en janvier, puis il n’a plus neigé du tout. Donc ce n’était pas facile pour les raccords. Nous avons constaté l’impact du réchauffement climatique sur notre série ! Mais nous avons eu de la chance, puisque nous n’avons pas eu d’annulation de journées de tournage.

Comment gère-t-on le froid et la météo ?

Ce n’est pas simple, parce qu’il y a beaucoup d’attente sur un plateau. Nous avions dissimulé quelques chaufferettes sous les costumes des acteurs. Ensuite, pour faire venir le matériel, nous avions une base logistique au creux de la vallée, à Berg. Et les équipes montaient tous les matins au col et redescendaient tous les soirs. La route vers le col du Simplon est un axe de circulation important, bien déneigé, et c’est aussi pour cette raison que nous avons choisi de tourner là-bas.

Où avez-vous filmé les intérieurs ?

Nous avons filmé un petit peu en studio, mais la plupart des intérieurs ont été tournés du côté de Montreux, dans une école hôtelière où nous avons pu recréer des décors. Ils étaient ravis de nous accueillir parce que la série représente la culture hôtelière suisse.
 

Winter Palace (8x45’)

Affiche de « Winter Palace  »
Winter Palace Netflix

Avec Cyril Metzger, Manon Clavel, Clive Standen…
Écrite par Stéphane Mitchell et Lindsay Shapero
Réalisée par Pierre Monnard, Christine Wiederkehr
Produite par Jean-Marc Fröhle, Vincent Gonet, David Rihs, Hugo Brisbois, Lydia Kali et Katia Sol
Sociétés : Netflix, Point Prod (Suisse) et Oble Studios (France)
Disponible sur Netflix à partir du 13 février 2025

Soutiens sélectifs du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (Aide à la préparation – sélectif, Aide à la production – sélectif)