En termes de technique d’écriture, existe-t-il une méthode Astier ?
Alexandre Astier : Je pense qu’en tant qu’auteur, on écrit un trajet que l’on fait soi-même. Si un auteur écrit ce dont il est certain, ça ne m’intéresse pas. En revanche, constater que l’auteur avait des fantasmes sur quelque chose, que l’on retrouve dans l’acte I, mais qu’il est allé plus loin lors de l’écriture et que finalement, il a trouvé dans l’acte III autre chose que ce qu’il est allé chercher, ça me plaît. Encore une fois, je suis convaincu qu’être pauvre en imagination, c’est le début du travail. Vous mettez quatre personnes autour d’une table avec de la pâte à modeler, aucune ne dira : « Hey les gars, je suis bloqué ! ». Chacun va produire quelque chose. S’il y avait une méthode, ce serait de dire : « Vous avez de super idées ? Eh bien commençons par nous en débarrasser ! » Parce que vous allez enquiquiner le spectateur à vouloir lui imposer vos idées, vous allez enquiquiner les acteurs à leur faire dire des répliques pour leur expliquer vos intentions.
« Un scénariste doit savoir pour qui il écrit »
Quand on fait un film, on fait parler des gens. Et comment les fait-on parler ? En plaçant l’acteur en premier, avant même l’écriture du scénario, et non pas en dernier. Ce qui reviendrait à dire : « J’ai une magnifique idée, j’écris une structure, puis les scènes, je fais un séquencier, je dialogue et à la fin je fais un casting pour trouver les acteurs qui correspondent à ce que j’ai écrit ». Ça n’a aucun sens ! Prenez Molière : il savait pour qui il écrivait et, à mon sens, c’est un modèle absolu de comédie… et pas que de comédie d’ailleurs. Un scénariste doit savoir pour qui il écrit, puis vient la langue, ce que l’on a envie d’entendre. Ensuite, les personnages exposent la situation dans laquelle ils évoluent, puis ils nous racontent une histoire. Et c’est seulement après qu’on va chercher nos petits outils de structure pour créer une partition agréable à lire et à suivre pour des gens qui vont s’asseoir dans une salle de cinéma. Evidemment, l’étape du montage est également indispensable à rendre le résultat cohérent et musical en termes de rythmique.
« L’acteur avant tout »
Un exemple avec Kaamelott - Premier volet. Avant même d’avoir un début de scénario, j’ai demandé à Guillaume Gallienne s’il voulait bien travailler avec moi. D’ailleurs, il a été très gentil, il a accepté sans que j’aie eu besoin de lui préciser sur quoi on allait travailler. C’est un comédien qui sait prendre des risques ! Je lui demande alors s’il n’a pas de contraintes particulières, alimentaires ou autre. Il me répond non, qu’il peut tout faire, mais il me précise quand même qu’il a le mal de mer. Bon, j’ai immédiatement imaginé son personnage évoluant sur un bateau ! Et tout s’est bien passé, car quand on joue, il se passe un tas de trucs étranges qui font que l’on dépasse ses peurs. Un bègue ne bégaie plus, quelqu’un qui souffre de tics semblent ne plus en avoir… Bref, sachant que Guillaume Gallienne est de la partie, je commence la réflexion sur son personnage : qui c’est ? Que dit-il ? Comment il fait ? Il monte sur ce bateau, et son personnage se dessine alors. Il faut que le comédien m’inspire. Encore une fois, l’acteur avant tout !
« Commencer à inventer sur le plateau »
De manière générale, si technique d’écriture il y a, pour moi, ce serait de ne pas me dire ce que l’on va faire. Ma grande souffrance de réalisateur, c’est lorsqu’on part en repérage et qu’on me demande où je veux poser ma caméra. On n’est même pas à la bonne saison, il n’y a pas un comédien sur place…. Comment le savoir ! Ce que je veux, c’est de commencer à inventer au moment où j’arrive sur le plateau avec tout le bazar ! C’est là qu’il y aura les comédiens et comédiennes, c’est là qu’on s’amuse. D’ailleurs, un film a des grandes chances d’être bon dès lors qu’il est fait par des gens qui s’amusent. Ce n’est pas si compliqué que ça, car malgré les contraintes, avec la motivation, on s’en sort toujours. Certes, le cinéma est une grosse machine, c’est cher, c’est beaucoup de pression. Mais il ne faut pas se laisser dépasser par tout ça.
KAAMELOTT - PREMIER VOLET
Date de sortie en salles : 21 juillet 2021
Durée : 2h00
Réalisateur : Alexandre Astier
Scénariste : Alexandre Astier
Producteur : Regular Production
Distributeur : SND
Avec : Alexandre Astier, Lionnel Astier, Alain Chabat, Géraldine Nakache, Christian Clavier, Clovis Cornillac, Guillaume Galienne, Antoine de Caunes, Franck Pitiot, Jean-Christophe Hembert, Joëlle Sévilla, Jacques Chambon, Thomas Cousseau, Serge Papagalli, Alain Chapuis, François Morel, Caroline Ferrus, Gilles Graveleau, Nicolas Gabion, Audrey Fleurot, François Rollin, Jean-Robert Lombard, Alexis Henon, Alban Lenoir, Damien Roux, Jehnny Beth, Bruno Fontaine, Stéphane Margot, Marie-Christine Orry, Mark Eacersall, Pascal Vincent, Tony Saba, Anthony Martin, Jean-Charles Simon, Brice Fournier, Dominique Bastien, Anne Girouard
Nationalité : France
Aide obtenue auprès du CNC : Aides à la création visuelle ou sonore (CVS)
