Certains acteurs racontent qu’au début de la série, vous écriviez les épisodes à tourner dans la nuit, de sorte qu’ils ne découvraient le texte que la matin, en arrivant sur le plateau. Est-ce une façon de ne pas installer les acteurs dans une sorte de routine et de garder ainsi un état de surprise et de curiosité permanente ?
Alexandre Astier : C’est vrai, je n’ai jamais fourni de scénario sur la série, contrairement au cinéma. Mais j’ai continué à écrire la nuit, la veille pour le lendemain. Il y a des acteurs que ça galvanise et d’autre que ça tétanise, ce qui n’est nullement mon but ! Je dois avouer que je préfère avoir affaire à un acteur qui ne sait pas, qui n’a pas imprimé une musique déjà toute faite sur ce que j’ai écrit, car si je décide de faire des modifications, ça va être plus dur de nettoyer avant de refaire. Je préfère qu’on s’amuse ensemble à trouver la musicalité, comment on fait les choses. J’ai très peur de ce que les acteurs peuvent imaginer de ce que j’ai voulu dire sans parvenir à leur expliquer. Généralement, l’écriture et a fortiori l’écriture de la comédie est une écriture ironique. Vous écrivez une phrase qui a l’air d’être orange mais il faut la dire en bleue. C’est ce qui donne du relief aux répliques. Ou alors, il faudrait écrire chaque réplique avec une didascalie précisant « sur le ton de… » pour faire coller les styles.
« Ne pas polluer les acteurs »
C’est plus dur de conserver cette « habitude » dans le long métrage car le script existe très en amont… mais je le maintiens vivant en réécrivant la veille. Les acteurs finissent par être rassurés car ils voient qu’on travaille ensemble, et que tout cela est très tendre. Et les comédiens ont l’air de trouver qu’on n’est pas si mal chez moi puisqu’ils reviennent ! En revanche, je ne donne jamais le script entier afin de ne pas polluer les acteurs. En tant que réalisateur, je suis le seul à m’occuper du train. Les acteurs s’occupent de leur propre wagon. Quand un type en Carmélide a un problème parce que sa sœur vient le visiter, je ne suis pas sûr que ça lui serve à grand-chose de savoir que 40 mn après, il y a un chasseur de prime dans un autre pays qui chope un mec qu’il ne connaît pas et qui n’aura de toute façon aucune incidence sur son histoire à lui. Je crois que c’est plutôt à moi, réalisateur, de m’occuper de chacun de ces wagons. Parce que le cinéma, c’est aussi fabriquer des petits moments.
« Mon boulot n’est certainement pas de satisfaire les attentes mais au contraire de surprendre »
Kaamelott est l’un des films les plus attendus du moment, notamment par une communauté de fans très investie. Comment fait-on abstraction de cette attente qui pourrait s’avérer paralysante ?
On peut faire un parallèle avec une attente que nous sommes nombreux à avoir eue avec Star Wars, une saga qui nous a offert des choses merveilleuses, puis qui s’est arrêtée de nombreuses années avant de reprendre, toujours sous la direction de George Lucas puis d’autres personnes… Eh bien le pire qui puisse m’arriver en tant que fan de Star Wars, c’est de voir à l’écran ce à quoi je m’attendais. Depuis que George Lucas ne réalise plus les films de la saga, c’est un peu ce qui arrive. C’est très bien fait, il y a du talent à tous les étages…. Mais cela reste des films de fans, très professionnels certes, mais ce n’est pas la signature du « papa », ce n’est pas l’original, avec tous les défauts que peuvent comporter ses films. Quand Lucas est aux manettes, le film ne va jamais là où vous l’attendiez. Conscient de ça, et à mon tout petit niveau, je sais que mon boulot n’est certainement pas de satisfaire les attentes mais au contraire de surprendre, d’être ailleurs. Je ne sais pas si j’ai réussi. Mais je n’ai pas été encombré par une idée de plaire à une population qui attend certaines choses. La façon la plus simple pour respecter ma « signature », c’est de fabriquer mon chemin en creusant pile à l’endroit où on ne peut pas m’attendre ! En bien, en mal, on aimera ou pas, mais au moins, j’aurais fait mon boulot.
KAAMELOTT - PREMIER VOLET
Date de sortie en salles : 21 juillet 2021
Durée : 2h00
Réalisateur : Alexandre Astier
Scénariste : Alexandre Astier
Producteur : Regular Production
Distributeur : SND
Avec : Alexandre Astier, Lionnel Astier, Alain Chabat, Géraldine Nakache, Christian Clavier, Clovis Cornillac, Guillaume Galienne, Antoine de Caunes, Franck Pitiot, Jean-Christophe Hembert, Joëlle Sévilla, Jacques Chambon, Thomas Cousseau, Serge Papagalli, Alain Chapuis, François Morel, Caroline Ferrus, Gilles Graveleau, Nicolas Gabion, Audrey Fleurot, François Rollin, Jean-Robert Lombard, Alexis Henon, Alban Lenoir, Damien Roux, Jehnny Beth, Bruno Fontaine, Stéphane Margot, Marie-Christine Orry, Mark Eacersall, Pascal Vincent, Tony Saba, Anthony Martin, Jean-Charles Simon, Brice Fournier, Dominique Bastien, Anne Girouard
Nationalité : France
Aide obtenue auprès du CNC : Aides à la création visuelle ou sonore (CVS)