Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte : « Notre Comte de Monte-Cristo est un drame personnel et amoureux »

Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte : « Notre Comte de Monte-Cristo est un drame personnel et amoureux »

21 juin 2024
Cinéma
« Le Comte de Monte-Cristo »
« Le Comte de Monte-Cristo » réalisé par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte Pathé

Les scénaristes et réalisateurs racontent leur processus d’écriture et les influences qui les ont guidés pour adapter le roman-fleuve d’Alexandre Dumas.


Comment  est née l’envie d’adapter Le Comte de Monte-Cristo ?

Matthieu Delaporte : On peut vraiment dire qu’il s’agit de notre roman de chevet. D’ailleurs, Alexandre a passé du temps sur l’adaptation en feuilleton qu’en a fait son père, Denys de La Pattelière, en 1980 avec Jacques Weber dans le rôle-titre.

Alexandre de La Patellière : Je crois que dans tous nos projets sans exception, à un moment ou à un autre, Le Comte de Monte-Cristo a surgi dans nos conversations au moment de l’écriture tant il recèle une immense multitude de genres. C’était LA référence absolue. Mais, honnêtement, le porter nous-mêmes à l’écran ne nous avait jamais traversé l’esprit.

MD : Au contraire des Trois Mousquetaires, par exemple, qu’on avait même pensé monter au théâtre, en partant d’une pièce argentine avant que Dimitri Rassam et Martin Bourboulon nous proposent de l’adapter pour le cinéma.

ADLP : Tout au long des huit mois de tournage, où on modifiait le texte tous les jours ou presque, on a vécu une véritable aventure. On était vraiment aux premières loges. Dans la foulée, Pathé et Dimitri Rassam nous ont demandé ce qu’on avait envie de faire ensuite. Et là, on a tous les deux répondu d’une même voix et sans réfléchir : Monte-Cristo. Comme si on formulait soudain un rêve devenu une évidence. Et d’emblée, ils nous ont dit banco !

Comment commence le travail d’écriture ?

ADLP : On échange évidemment avec Dimitri. Mais avant même d’écrire une ligne, on appelle Pierre Niney qu’on ne connaissait pas.

MD : Edmond Dantès, c’est comme Cyrano de Bergerac. On avait besoin de savoir quel acteur allait l’incarner avant de nous lancer dans l’écriture.

ADLP : Il nous fallait un comédien spontanément à l’aise sur tous les terrains où Dantès évolue. Qu’il soit aussi crédible quand il s’évade du Château d’If que quand il fomente sa vengeance. À 20 ans comme à 40 ans. Pierre était pour nous une évidence.

MD : Il nous a dit oui tout de suite car c’est un rôle dont il rêvait depuis longtemps. Pour la première fois, nous avons donc écrit un personnage avec un acteur en tête.

ADLP : Notre premier geste d’écriture consistera à trouver un point de vue sur cette histoire, qui les multiplie en permanence, et le moyen de faire tenir le tout dans un film de trois heures.

MD : On va prendre le parti de vivre toute cette aventure du point de vue de Dantès. Une histoire à la première personne donc, mais à travers un personnage qui en devient plusieurs et se perd dans ses identités multiples et dans son désir de justice qui va muter en un esprit de vengeance. Notre Comte de Monte-Cristo sera un drame personnel et amoureux, construit du point de vue d’un homme qui se bat pour un amour perdu. Un sentiment dont il va prendre conscience peu à peu, au fil du temps.

ADLP : C’est aussi pour ça qu’on a eu cette idée de montrer l’arrière-cour de la préparation de sa transformation et de jouer sur cette idée de schizophrénie où deux personnages à l’intérieur du même homme luttent pour savoir lequel va prendre le pas sur l’autre.

ADLP : Durant cette étape, on ramène aussi ce scénario à ceux qu’on a déjà pu écrire. On constate que des scènes entrent en résonance avec nos précédents films. Il y a, par exemple, du Prénom dans la séquence du dîner organisé par Monte-Cristo dans son manoir d’Auteuil : cette espèce de famille recomposée liée par un secret inavoué avec une tension qui monte… Le jeu des masques de Dantès évoque, lui, le héros d’Un illustre inconnu qu’a réalisé Matthieu et qu’on a coécrit : cet homme joué par Mathieu Kassovitz qui a toujours rêvé d’être quelqu’un d’autre, à ses risques et périls.

 

Cela change quelque chose dans votre travail de scénaristes d’écrire pour vous ?

ADLP : Quand on écrit Les Trois Mousquetaires pour Martin (Bourboulon), avec qui on a déjà travaillé sur les deux Papa ou maman, on le fait avec en tête ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas. On anticipe. On écrit cette adaptation pour lui. On l’aurait forcément fait différemment pour quelqu’un d’autre. Et là, dans la même logique, on a écrit Monte-Cristo pour nous.

MD : Avec une espèce de schizophrénie qui fait qu’on échange en permanence nos casquettes de scénaristes et de réalisateurs. On a nos engueulades avec nous-mêmes en quelque sorte ! (Rires.) Par contre, ce qui ne change pas par rapport aux Trois Mousquetaires, c’est le fait de ne pas attendre d’avoir achevé le scénario pour parler du film avec l’équipe qui va nous entourer. Pour le premier rendez-vous, on a réuni tous les chefs de poste et, pendant trois heures, nous leur avons raconté le film. Un exercice passionnant car on peut voir dans le regard des gens les endroits où ils décrochent, ceux où ils sont captivés...

ADLP : Ça nous a libérés. Ça nous a donné en quelque sorte l’autorisation de nous faire plaisir en partant du principe qu’il y a eu des tas d’adaptations du Comte de Monte-Cristo en film et en séries avant nous, et qu’il y en aura forcément après. On n’avait donc pas à rester totalement fidèles au livre car celui-ci existe toujours et tout le monde peut s’y plonger à tout moment.

Quelles références visuelles aviez-vous en tête au moment de l’écriture ?

ADLP : Il y a eu d’emblée l’envie de renouer avec une certaine flamboyance visuelle. Le Technicolor des années 60 et 70…

MD : Ces dernières années, beaucoup de films à gros budget ont fait, eux, le choix du monochrome, plus simple pour y adjoindre des effets spéciaux. Nous, à l’inverse, notre première indication à notre directeur de la photo Nicolas Bolduc a été de parler couleurs. On voulait des rouges, des bleus, des jaunes éclatants.

ADLP : C’est pour cela qu’on tenait à tourner l’été…

MD : On était plus Le Guépard que Batman pour résumer !

ADLP : Mais on pourrait aussi citer Lawrence d’Arabie, Les Chaussons rouges, La Mort aux trousses, Plein Soleil, Dracula... On a aussi beaucoup échangé sur Brian De Palma tant en termes de jeu que de mouvements de caméra. On raconte l’histoire d’un homme qui, d’une certaine manière, bascule dans la folie. On ne devait pas s’enfermer dans quelque chose de chic et d’élégant mais fracasser tout en permanence en assumant un récit construit comme un opéra baroque.

MD : En faisant cela, au fond, on est revenus aux sources du livre foisonnant de Dumas qui s’est inspiré d’une histoire réelle. On est retourné au fait divers et à cet homme qui s’est réellement grimé, maquillé, et transformé pour se venger.

ADLP : On ne sait pas si Dumas aurait aimé notre Monte-Cristo, mais on est convaincus qu’il aurait, lui, adoré faire du cinéma !
 

LE COMTE DE MONTE-CRISTO

Affiche de « Comte de Monte-Cristo »
Le Comte de Monte-Cristo Pathé

Réalisation et scénario : Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte
Photographie : Nicolas Bolduc
Montage : Célia Lafitedupont
Musique : Jérôme Rebotier
Production : Chapter 2, Fargo Films, Pathé
Distribution et Ventes internationales : Pathé
Sortie le 28 juin 2024


Soutien du CNC : Aide automatique VFX