Comment est née l’idée d’une nouvelle adaptation des Trois Mousquetaires ?
J’ai passé toute l’année 2019 à me demander ce qui pourrait susciter un événement sur grand écran. J’avais envie de renouer avec ce type de projet d’envergure que j’ai pu côtoyer gamin quand Claude Berri les développait. De s’autoriser à rêver à cette taille-là. J’ai été très vite rejoint par Ardavan Safaee et Jérôme Seydoux chez Pathé dans cette idée d’événements cinéma pour la salle. Cette réflexion commence donc bien avant le Covid-19 et elle nous a portés durant le confinement. J’ai très vite le sentiment que pour aller vers l’idée de fresque, je dois me plonger dans le patrimoine. Spontanément, Cyrano de Bergerac me vient en tête. Mais je ne me vois pas toucher à une œuvre qui a déjà été portée à l’écran dans une version définitive grâce à Jean-Paul Rappeneau. J’ai alors dressé une liste des franchises ou des œuvres que j’avais envie de produire. En tout une demi-douzaine de titres, dont Les Rois maudits de Maurice Druon notamment.Et puis Les Trois Mousquetaires s’est imposé comme une réponse de notre mythologie française à la mythologie américaine, celle des superhéros.
Quel était votre rapport au livre de Dumas ?
Comme quasiment tout le monde, je l’avais lu au collège dans une version abrégée. Mais j’étais porté par l’idée que ces mousquetaires existent indépendamment de l’œuvre de Dumas. Une vision de l’héroïsme à la française présente aussi dans l’imaginaire des gamins qui n’ont jamais lu le roman. Sans dénigrer les adaptations précédentes au cinéma, on en retient surtout la dimension comique qui versait parfois dans la parodie involontaire. Moi, j’avais envie de revenir à l’essence de l’œuvre de Dumas, qui avait certes développé de la fiction, mais en m’appuyant sur l’Histoire avec un grand H et des personnages historiques existants.
Vous avez décidé très tôt de travailler avec les scénaristes Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte ainsi que le réalisateur Martin Bourboulon, trio avec lequel vous aviez déjà collaboré sur Papa ou maman…
Oui, ils étaient présents dès le départ. On se connaît intimement les uns et les autres depuis plus de dix ans. J’avais le sentiment qu’ils portaient ça en eux. Avant même qu’il se lance dans Eiffel, je savais que Martin avait en lui ce potentiel-là. Leur force tient dans leur capacité de travail et dans le fait qu’ils vont chercher la sincérité dans l’histoire. Il existe une mécanique Dumas comme il y a une mécanique dans la comédie. Je savais qu’on travaillerait dans un esprit de camaraderie essentiel dans ce type de projet au long cours. Je leur en ai parlé ainsi qu’à Pathé dans le même élan. Je me suis appuyé sur mon expérience de production du Petit Prince : s’emparer du patrimoine avec une ambition de modernité sans en trahir l’esprit. Avec Pathé, on est très vite arrivés à la conclusion que la seule façon de respecter l’œuvre de Dumas était de faire deux films qu’on allait tourner dans la foulée. Notre credo était simple : on le fait bien ou on ne le fait pas !
Comment a débuté le travail ?
On se base d’abord sur nos envies, sans s’imposer de contraintes préalables. Les questions budgétaires ne devaient venir que dans un deuxième temps. Avec Martin, Alexandre et Mathieu, on voulait d’abord rêver et aller le plus loin possible. Notre enthousiasme a porté tout le reste. Il n’y a aucun moment de carton-pâte dans la lecture de Dumas. Et le film devait se reconnecter avec ces enjeux-là. S’impose donc très rapidement l’idée d’un tournage en décors réels en assumant les contraintes qui vont avec, ainsi qu’un engagement des acteurs dans ce côté réaliste, en particulier dans les combats. L’idée est qu’à aucun moment un détail ne puisse sortir le spectateur de ce réalisme.
C’est la raison pour laquelle le tournage va se dérouler en France ?
Oui : on ne peut pas célébrer le panache français et poser nos caméras hors de France ! On a donc fait le tour de notre pays pour trouver les lieux de tournage. Et dans chaque lieu investi, on s’est donné le temps et les moyens de le faire au mieux. Les Trois Mousquetaires s’est fait dans un système de production bien particulier car on ne peut pas avoir une idée précise du coût d’un tel projet avant d’avoir travaillé pendant au moins sept ou huit mois à son développement. Cette logique de fabrication se rapproche de celle que j’ai pu connaître avec Le Petit Prince en animation, que je citais plus tôt. On doit lancer la production et investir pour savoir avec précision quel film on va faire. Il faut donc travailler avec un degré de confiance absolu vis-à-vis de tous ses partenaires, qu’ils soient financiers ou artistiques, car on ne part que sur une promesse. En l’occurrence ici, quand on se lance dans la recherche de décors, seul le scénario du premier film était terminé et le deuxième encore en écriture. Au final, le budget atteint 72 millions d’euros pour les deux films et sur les 140 jours de tournage, 135 se sont déroulés en décors réels. Un ratio rarissime.
Quelle implication a eu ce désir de réalisme dans le travail des comédiens ?
On a exigé de chacun un entraînement et une disponibilité qui leur sont rarement demandés. Une condition indispensable pour ces rôles. Car quand tu es préparé à ce point-là, tu peux faire beaucoup mieux au tournage : tu ne subis rien. Je pense tout particulièrement au traitement de l’action. C’est parce que tous les comédiens ont fait des mois d’entraînement à cheval mais aussi aux combats à l’épée et aux cascades qu’une fois sur le plateau, Martin a pu décider de changer au dernier moment sa mise en scène sur tel ou tel duel. Sans ce socle de travail, ces décisions-là auraient été impossibles à prendre.
Quelle place occupent les VFX dans ce dispositif ?
Une place essentielle mais particulière. Ils ne sont pas là pour pallier des manques sur le plateau ou simplement masquer des éléments dans un plan. On ne les utilise pas comme des secours mais dans le but de nous aider à passer à un cap. C’est la raison pour laquelle le consultant VFX était présent au quotidien sur le plateau. On devait y croire à l’œil nu, de façon brute pendant les scènes et pas juste agir en post-production.
Aviez-vous des films en tête en vous lançant dans cette aventure ?
Pour moi, Les Trois Mousquetaires est un peu l’enfant naturel de Cyrano de Bergerac et Indiana Jones. Pour la dimension action, aventure et panache. On ne se situe évidemment pas dans une réalité historique totale. Mais on raconte aussi le grand œuvre de Richelieu et Mazarin qui ont transformé et modernisé la France en la centralisant. Au moment où débute notre récit, le royaume de France reste quand même notre Far-West. Avec des comtés assez indépendants du pouvoir central et qui se rebellent. Avec des liens familiaux qui dictent beaucoup de choses. C’est au fond une vision très shakespearienne de l’histoire. L’envie de la raconter a compté autant dans cette aventure que notre envie de cinéma.
LES TROIS MOUSQUETAIRES – D’ARTAGNAN
Scénario : Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte d’après Alexandre Dumas
Photographie : Nicolas Bolduc
Montage : Célia Lafitedupont
Musique : Guillaume Roussel
Production : Chapter 2, Pathé Films, M6 Films, Constantin Film, ZDF, DeAPlaneta et Umedia
Distribution : Pathé
Ventes internationales : Pathé
Sortie en salles le 5 avril 2023