Anna Karina est morte à 79 ans. Elle était actrice, chanteuse, auteure, réalisatrice, mais par-dessus tout, icône de la Nouvelle Vague. Au début des années 1960, Jean-Luc Godard cherche une actrice fétiche pour faire comme ses maîtres. Orson Welles a Rita Hayworth, Josef von Sternberg, Marlene Dietrich, Jean Renoir, Catherine Hessling, Godard aura Anna Karina. « Nous avons fait sept films et demi ensemble… », avait l’habitude de dire la comédienne, précisant dans la foulée : « Sept long métrages et un sketch. » Parmi eux, Le Petit Soldat (1963), Une femme est une femme (1961) pour lequel elle obtient l’Ours d’argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin, Vivre sa vie (1962), Bande à part (1964) ou encore l’iconique Pierrot le fou (1965).
Anna Karina était le visage féminin d’une Nouvelle Vague majoritairement masculine. Le très possessif Godard la fait donc tourner et veut la dissuader d’aller voir ailleurs. Elle y va quand même : Michel Deville (Ce soir ou jamais), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7), Roger Vadim (La Ronde), Chris Marker (Le Joli Mai) et bien sûr Jacques Rivette pour Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot qui soulève un scandale national en 1965 et 1966 et plonge la jeune actrice - 25 ans - au centre d’un débat dont elle avouera plus tard n’avoir pas bien mesuré la portée.
Du Danemark à la France
Anna Karina était d’origine danoise, comme le grand Carl T. Dreyer qu’elle présente d’ailleurs à Godard devant les caméras de télévision au début des années 1960. La muse joue alors les traits d’union. Les deux cinéastes sont empruntés, la demoiselle rayonne. Elle renvoyait l’image de l’insouciance joyeuse. Un visage mutin et une voix magnifique. « Sous le soleil exactement, pas à côté, pas n’importe où …. » lui écrit Serge Gainsbourg pour le téléfilm Anna en 1967. La chanson devient un tube traversant les époques.
Née Hanne Karin Bayer, la jeune fille a quitté son Danemark natal en 1958 pour Paris où elle gagne sa vie comme mannequin. Elle laisse derrière elle une vie privée chaotique et change de nom. Elle devient ainsi Anna Karina grâce à la célèbre créatrice de mode Coco Chanel. C’est à ce moment-là que l’auteur d’A bout de souffle repère celle qui n’est alors qu’une jeune fille. Pour Anna Karina, il y a eu bien sûr un avant et un après Godard. Le couple s’est séparé en 1967 pour ne plus se croiser. Il faudra attendre le 25 décembre 1987 pour que Thierry Ardisson, dans son émission Bains de minuit sur la Cinq, organise des retrouvailles surprises. Godard débarque à l’improviste et se place à côté d’une Karina émue et ébranlée qui préfère quitter le plateau.
Derrière la caméra
Anna Karina passera à la réalisation dans les années 1970. Elle a notamment signé Vivre ensemble – titre qui fait écho au Vivre sa vie de Godard. Il y est question d’amour libre et de bohème entre Paris et New York. Anna Karina a toute sa vie continué de jouer (cinéma, télévision, théâtre…) et de chanter. En 2000, elle enregistre ainsi avec Philippe Katerine l’album, Une Histoire d’amour, signant un retour remarqué au premier plan. Côté cinéma, elle a croisé les routes de Rainer Werner Fassbinder (Roulette chinoise), Benoît Jacquot (L’assassin musicien), Alexandre Arcady (Dernier été à Tanger) ou encore Jonathan Demme (La Vérité sur Charlie). Son dernier rôle sur grand écran, elle se l’est offert elle-même avec son film Victoria (2008) où elle incarnait une femme muette et amnésique. A l’écran, tout passait ici par l’intensité du regard.