[César 2018] Jessica Palud : la prison côté court

[César 2018] Jessica Palud : la prison côté court

28 février 2018
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Petite, Jessica Palud arpentait déjà les plateaux de tournage. C’était au début des années 90 : pendant les vacances scolaires, la jeune fille y rejoignait son père, le réalisateur Hervé Palud (Les Frères Pétard, La Gamine, Un Indien dans la ville). Excitée par l’ambiance et l’agitation de ce travail collectif, elle imaginait déjà sa voie dans le 7eme Art.

Ce ne sont pourtant pas ses parents qui lui ont mis le pied à l’étrier. « Nous avons grandi dans cet univers, mais ma sœur et moi n’avons pas été élevées pour faire du cinéma, plutôt de longues études », se souvient en souriant la réalisatrice de 36 ans.

Ecoutant ses envies plutôt que les conseils parentaux, elle choisira pourtant d’arrêter celles-ci très vite. Un bac L en poche, la jeune femme s’attelle à son nouvel objectif : décrocher le permis de conduire pour pouvoir travailler sur les tournages, en régie.
 

De la régie à la réalisation

A 19 ans, elle obtient son premier contrat, sur Innocents - The Dreamers, de Bernardo Bertolucci. Elle apporte les plateaux repas, les cafés, bloque les routes pour les besoins du film... L’expérience est concluante. Le régisseur général la rappelle pour un autre film. Puis un autre. Petit à petit, Jessica Palud grimpe les échelons, devient troisième, puis seconde assistante réalisateur, sur Je vais bien, ne t’en fais pas, de Philippe Lioret (2006).

La rencontre avec le réalisateur s’avère déterminante. Il la rappelle sur son long métrage suivant, Welcome (2009), et la promeut, au début du tournage, première assistante. L’occasion pour Jessica Palud d’ajouter de nouvelles lignes de savoir-faire sur son CV : chapeauter l’équipe technique, l’organisation, les repérages, le plan de travail... Avec toujours en tête un même objectif, acquérir progressivement de l’expérience pour devenir réalisatrice.

« J’ai commencé par la régie et l’assistanat pour me faire la main, mais c’est in fine quelque chose qui m’a plu, souligne Jessica Palud, qui aura en quelques années alterné films intimistes et grosses productions (Marie-Antoinette, Astérix aux Jeux olympiques). La décision d’arrêter pour me consacrer entièrement à la réalisation a été dure à prendre. C’était aussi un risque : je commençais à « bien tourner », et travaillais sur une moyenne de trois films par an ».

Nous sommes alors en 2013. Jessica Palud arrête donc l’assistanat. Elle développe une idée de long métrage et la présente à Philippe Lioret, avec lequel une relation d’amitié et de complicité s’est nouée. Il décide de le produire et coécrire – intitulé Revenir, le film est en cours de casting.  Cette même année, Jessica Palud écrit, réalise et autoproduit Les yeux fermés, œuvre « artisanale et inaboutie ». Puis un premier court métrage, Poupée (2016), coécrit avec Clémence Madeleine-Perdrillat.
 

Portrait familial

A la même période, germe dans l’esprit de la scénariste/réalisatrice l’idée d’un nouveau court métrage, Marlon. Dans celui-ci, le personnage éponyme, une adolescente de 14 ans, rend pour la première fois visite à sa mère incarcérée. Une base narrative qui ne doit rien au hasard. « Mon grand-père a fait de la prison. Cela m’a touchée, et je tenais à faire un film sur le monde carcéral, qui m’a toujours un peu fascinée malgré moi. »

Problème : les œuvres sur le sujet sont déjà légion, et Jessica Palud ne veut pas réaliser de court autobiographique.
« J’ai voulu raconter l’histoire de la famille d’une personne incarcérée. A mes yeux, il est tout aussi important et dur de voir comment un tel événement a touché les proches et comment cela les a abîmés entre eux. C’est un choix qui a été plutôt instinctif ».

Coécrit avec Clémence Madeleine-Perdrillat, le scénario de Marlon a demandé dix jours de travail. Côté casting, après avoir auditionné une cinquantaine de jeunes filles, c’est finalement par hasard, devant le McDonald’s de Reims, que la réalisatrice a déniché la « perle » qui interprète Marlon (Flavie Delangle, dont l’interprétation a été récompensée dans plusieurs festivals).

Le travail, parfois laborieux, avec la jeune actrice, a confirmé à Jessica Palud que la direction d’acteurs est la part du métier de réalisatrice qui l’enthousiasme le plus. « Nous n’avons pas travaillé avec le scénario. Je lui ai raconté l’histoire : je voulais l’emmener avec le personnage, pas qu’elle apprenne par cœur. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, en premier lieu pour nous apprivoiser. Il fallait quelqu’un qui ait une certaine pudeur, que l’on sente qu’elle se construit. Je ne cherchais pas une actrice ayant déjà des techniques de jeu mais ce naturel ».

Les scènes de prison de Marlon ont été tournées entre les murs de la maison d’arrêt de Reims.

« Le style du film est brut, sec, mais contient également une part de douceur et de poésie. Je ne voulais pas d’un court métrage platement réaliste », confie Jessica Palud.

Une tonalité que l’on devrait également retrouver dans Revenir, qui contera l’histoire d’une famille, sur fond de suicide dans le monde agricole. Avant, qui sait, de voir la petite Marlon devenir le personnage principal d’un long métrage.
 

 
 

Cinq films qui ont marqué Jessica Palud

  • E.T., de Steven Spielberg. « C’est un film que j’ai vu jeune et que je n’ai, depuis, cessé de visionner ! Il y a tout, dans ET : le fantastique, l’émotion, l’humour… et le juste équilibre entre tous ces éléments. Et son idée de départ est folle ! C’est mon souvenir cinéma le plus fort ! »
  • La nuit nous appartient, de James Gray.
  • Oslo, 31 août, de Joachim Trier.
  • Tous les films de Maurice Pialat.
  • Dancer in the Dark, de Lars von Trier.

 

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> Visionner la bande annonce de Marlon

 

Flavie Delangle interprète Marlon (Punchline Cinéma)