L'écrivaine Annie Ernaux, autrice d'une œuvre majoritairement autobiographique (Les Années, La Femme gelée...) et étroitement liée à la sociologie, a remporté le Prix Nobel de littérature ce jeudi 6 octobre. Une récompense attribuée par l'Académie suédoise pour « le courage et la précision clinique avec laquelle elle dévoile les racines, les divisions et les retenues collectives de la mémoire personnelle. » Longtemps boudée par le cinéma, son exploration des thématiques de la famille, de l'amour et de la sexualité a récemment démontré sa compatibilité avec le septième art. En 2008, Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic signent la première adaptation d'un de ses livres à l'écran avec L'Autre. Ce long métrage tiré du roman L'Occupation (2002) a permis à l’actrice Dominique Blanc d'obtenir la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la 65e Mostra de Venise. Elle y joue le rôle d’Anne-Marie, une femme tiraillée entre son désir de liberté et la jalousie qui la ronge lorsque son ancien amant ouvre ses draps à une autre. Après cette première adaptation, il aura fallu plus de dix ans pour que les mots d'Annie Ernaux gagnent à nouveau les salles obscures.
Tout d'abord avec Passion simple (2020) de Danielle Arbid, un film charnel sur l'entrelacement des corps et l'obnubilation de l'esprit par le désir, adapté du roman éponyme d'Annie Ernaux. Laetitia Dosch y campe le rôle d'une mère célibataire, progressivement consumée par la relation passionnelle qu'elle entretient avec un homme d'affaires marié et insaisissable. Les écrits d'Annie Ernaux intéressent ensuite la cinéaste Audrey Diwan qui adapte son livre L'Evénement, sorti en 2000. Ce récit une nouvelle fois autobiographique conte le chemin de croix d'Anne, jeune étudiante en lettres interprétée par Anamaria Vartolomei, pour pouvoir avorter au début des années 1960. Grâce à ce long métrage éprouvant, chronique de la résilience d'une jeune femme face à la société patriarcale, Audrey Diwan remporte le Lion d'or et le prix FIPRESCI à la Mostra de Venise 2021.
Si Annie Ernaux n'a pas interféré dans les écritures de ces scénarios, elle s'est pour autant rapprochée du cinéma en 2021 avec une apparition dans le documentaire J'ai aimé vivre là de Régis Sauder. Bercé par les textes de l'écrivaine, ce film capture l'atmosphère unique de Cergy-Pontoise, ville cosmopolite où elle réside depuis les années 1970, tout en tissant un lien entre l’histoire intime et l'analyse sociologique des lieux. Son histoire personnelle, Annie Ernaux l'a aussi racontée plus récemment dans Les Années Super 8, un documentaire réalisé en collaboration avec son fils David Ernaux-Briot. Grâce à des archives filmées entre 1972 et 1981, le duo mère-fils décortique les aspirations d'une famille et d'une certaine classe sociale dans l'après Mai 68, entre les sirènes du consumérisme et la volonté d'une élévation intellectuelle. En plus de mettre en lumière le délitement d'un couple, bobine après bobine, ce document précieux immortalise une nouvelle tranche de la vie d’Annie Ernaux, qui s'ajoute à son œuvre déjà monumentale.
