Rendez-vous incontournable du septième art, le Festival de Cannes est également un moment clé pour la vie des films présentés en sélection officielle et dans les différentes sections. Plus de 40 000 professionnels, dont 4 500 journalistes du monde entier, sont en effet présents sur la Croisette. Une aubaine aussi bien pour trouver un distributeur (en France et à l’étranger) pour un film qui n’en a pas, que pour faire parler de lui dans la presse du monde entier. Attachée de presse indépendante au sein d’une société qu’elle a créée, Claire Vorger s’occupe cette année de quatre longs métrages dont Le Lac aux oies sauvages de Diao Yinan (en compétition en sélection officielle) pour lequel elle gère la presse internationale et le protocole. Pour A White, white day d’Hlynur Palmason (en lice à la Semaine de la critique), elle s’occupe de la presse française et internationale tout comme pour Red 11 de Robert Rodriguez présenté en séance spéciale à la Quinzaine des Réalisateurs. Enfin, elle assure le lien entre le distributeur et la presse française pour To Live to Sing de Johnny Ma.
L’organisation avant tout
« Je m’occupe en général du planning des interviews pour les différents médias (presse écrite, télé, radio, web…) et des photographes. Pour un film en compétition par exemple, les distributeurs de chaque pays me font parvenir la liste de leurs demandes d’interviews. A moi ensuite de faire au mieux pour organiser les créneaux selon les disponibilités de l’équipe et des journalistes. Il faut éventuellement faire des arbitrages s’il y a beaucoup de demandes », explique-t-elle en soulignant que certains médias plus influents, tels les Américains de Variety et The Hollywood Reporter, peuvent être privilégiés. « Tout le monde est suspendu à ces titres qui peuvent faire la différence, explique-t-elle. Pour les territoires non vendus, je travaille directement avec les journalistes des pays concernés qui me donnent leurs demandes ».
L’un des critères essentiels pour organiser le planning est « la vitesse de publication » : « Si le film n’est pas encore vendu, nous allons forcément privilégier les articles qui sortiront le plus vite possible durant le festival. S’ils sont bons, ça peut aider… ». Hors Festival de Cannes, l’attaché de presse doit également rassembler le matériel promotionnel autour du film (bande annonce, extraits, visuels, dossier de presse, etc…), organiser les projections de presse ou encore les visites sur le tournage.
Des clients qui diffèrent
A son compte, Claire Vorger est engagée, en règle générale, « par un distributeur français pour s’occuper de la presse ». Mais ce n’est pas toujours le cas, en particulier lors du Festival de Cannes. « Si le film n’est pas encore vendu, je peux être contactée par un vendeur ou un producteur. Les réalisations en compétition ont généralement un distributeur. Mais ceux de la Quinzaine des Réalisateurs ou d’autres sections viennent souvent sur la Croisette pour être présentés et n’ont pas de distributeur en France ou dans d’autres territoires. Je m’occupe donc parfois de ce domaine-là », explique-t-elle. Exemple cette année : elle a été engagée par Memento Films International (le vendeur) pour Le Lac aux oies sauvages, par le distributeur français (Epicentre Films) pour To Live to Sing et par le vendeur international et le producteur français pour A White, White Day. Red 11 représente de son côté un autre cas de figure : « j’ai été engagée directement par Robert Rodriguez car on se connaît depuis longtemps ».
Des tarifs variables
Si le Festival de Cannes est un vrai accélérateur pour mettre en lumière une œuvre dans le monde entier, il n’est pas sans contraintes, notamment financièrement. « J’ai beaucoup de frais (logement, transport et nourriture hors de prix ici) et de travail car tout se passe en même temps. J’emploie donc deux personnes pour m’aider, ce qui multiplie de fait mes dépenses. Je facture entre quelques milliers, et jusqu’à 10 000 euros, par prestation. Le tarif varie selon le film et la compétition à laquelle il participe : il sera plus important pour un long métrage en compétition officielle que pour une œuvre présentée à la Quinzaine des Réalisateurs car la charge de travail n’est pas la même. Mais à la fin, mon bénéfice n’est pas si important. Très honnêtement, pour que Cannes soit rentable, il faut accompagner de nombreux films, ce qui représente beaucoup de frais. Quatre longs métrages, c’est pour moi un minimum », précise Claire Vorger. Cannes est donc un « vrai investissement » pour elle : « On multiplie les contacts pour travailler sur d’autres films après. Il n’est pas rare que je m’occupe ensuite, après Cannes, de la sortie en salles d’un film. Ici, on rencontre des producteurs, des distributeurs, des réalisateurs… A Cannes, on travaille pour toute l’année à venir et les suivantes ! », souligne-t-elle en évoquant également les bienfaits en termes d’image, pour elle qui est indépendante, de s’occuper de films cannois.
Les qualités indispensables
Métier de communication, l’attaché de presse doit avant tout avoir un excellent sens relationnel et faire preuve de diplomatie, de patience et d’organisation. Il doit également avoir une grande capacité d’adaptation et de réactivité. Des qualités qui ont aidé Claire Vorger à affronter certaines situations « de panique ». « J’ai dû, un jour, partir à la recherche de la mère de Pénélope Cruz perdue dans le Palais des Festivals, car sa fille refusait d’entrer dans la salle sans elle. Ce furent les trente minutes les plus angoissantes de ma vie ! », se souvient-elle. Elle est également parfois chargée d’accompagner l’équipe d’un film dans le « protocole cannois », du coiffeur à la projection officielle, ce qui lui fait vivre des moments étonnants. Elle a ainsi été contrainte de faire sortir Kristen Stewart d’une limousine qui n’était pas prévue pour elle : « elle avait pris la place de l’équipe de mon film et tout le monde était attendu sur les marches ». Seul regret de celle qui vit souvent « des situations irréelles » : le rythme de travail qui s’accélère. « Maintenant, mon métier consiste en grande partie à gérer des plannings. Avant, on avait plus de temps et on organisait des rencontres, on créait des moments… »