Compétition officielle : sa création
Lors de l’Exposition Universelle de 1937, qui a lieu à Paris, germe l’idée d’un grand Festival international compétitif pour concurrencer la Mostra de Venise, vitrine du régime fasciste de Mussolini. Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Jean Zay donne son aval à une manifestation indépendante, encouragée par les Américains et les Anglais qui boycottent Venise. Plusieurs villes sont candidates à l’organisation et c’est Cannes qui emporte le morceau, notamment en raison de ses infrastructures hôtelières et de la promesse de la construction d’un Palais des Festivals. Prévue pour septembre 1939, la première édition est annulée précipitamment suite à l’invasion de la Pologne par les troupes allemandes.
Le Festival de Cannes est officiellement lancé après la guerre, le 20 septembre 1946 et s’achève le 5 octobre. Le Jury, pléthorique, est composé d’un représentant de chaque délégation étrangère. Presque tous les films sont récompensés. Seul La Bataille du Rail de René Clément est particulièrement distingué par le Prix du Jury International - trophée qui ne sera plus remis par la suite. L’année suivante, rebelote : plusieurs films reçoivent l’accessit suprême, en fonction du genre auquel ils appartiennent. Ce n’est qu’à partir de 1949 que s’installe l’idée d’un Grand Prix unique et prestigieux dont Le troisième homme de Carol Reed est le premier vainqueur.
La compétition officielle : comment ça marche
Sous l’impulsion de Robert Favre Le Bret, élu délégué général du Festival de Cannes en 1952, la Palme d’Or est créée en 1955. Son nom a été établi en référence aux palmiers de la Croisette et aux blasons des armes ancestrales de la ville. Le trophée retenu est l’œuvre de la joaillière Lucienne Lazon et sera remis à Delbert Mann pour Marty par le président du jury, Marcel Pagnol. Le jury est alors composé de onze personnes -contre neuf aujourd’hui. La manifestation, désormais extrêmement populaire et reflet du grand cinéma d’auteur international, s’appuie sur un fonctionnement qui n’a quasiment pas bougé. Un double comité de sélection (un français, un étranger) fait le tri parmi les milliers de films soumis chaque année dont une vingtaine seulement sont retenus pour la Compétition Officielle.
Les enjeux sont tels pour les producteurs et distributeurs qu’une sélection en Compétition fait l’objet de tractations en coulisses plus ou moins tendues. Certains cinéastes acceptent ainsi de remonter ou de couper leurs films à la demande du délégué général (hier Robert Favre Le Bret puis Gilles Jacob, aujourd’hui Thierry Frémaux), personnage le plus important du comité d’organisation cannois. Tout film sélectionné en Compétition ne doit pas avoir participé à un autre Festival international ou avoir été diffusé sur internet.
Il a le droit, en revanche, de sortir avant dans son pays d’origine -c’est le cas cette année de Douleur et gloire de Pedro Almodovar, sorti le 22 mars en Espagne. Une fois sélectionnés, les films peuvent prétendre à plusieurs prix : la Palme d’Or, le Grand Prix, le Prix du Jury, le Prix de la mise en scène, le Prix du Scénario et les deux Prix d’interprétation. Parmi ces sept prix, un seul peut récompenser deux films ex-aequo -sauf la Palme d’Or ; enfin, seuls le Prix du scénario et du Jury peuvent se cumuler avec un prix d’interprétation, sur dérogation du président du Festival.
La compétition officielle, en 2019
21 films en compétition, dont deux ajoutés au dernier moment, et non des moindres : Once Upon a Time... in Hollywood de Quentin Tarantino et Mektoub, my love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche… La Compétition 2019 a fière allure avec la présence de Jim Jarmusch (The Dead don’t die), Pedro Almodovar (Douleur et gloire), les frères Dardenne (Le jeune Ahmed), Ken Loach (Sorry we missed you), Terrence Malick (Une vie cachée) ou encore Xavier Dolan (Matthias et Maxime). Côté français, outre Kechiche, le vétéran Arnaud Desplechin (Roubaix, une lumière) côtoie le nouveau venu Ladj Ly (Les Misérables) et deux femmes, Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) et Justine Triet (Sibyl). Les deux réalisatrices incarnent, aux côtés de la Franco-sénégalaise Mati Diop (Atlantique) et de l’Autrichienne Jessica Hausner (Little Joe), la volonté du Festival d’ouvrir ses portes aux femmes, trop longtemps sous-représentées -rappelons que Jane Campion est, à ce jour, la seule réalisatrice à avoir remporté la Palme d’Or avec La Leçon de piano.
Comme l’a dit Thierry Frémaux lors de la conférence de presse annonçant la Compétition Officielle, cette édition sera très “politique”. On suivra notamment Le traître de Marco Bellocchio (portrait d’un repenti de la Mafia), Le jeune Ahmed (sur un jeune radicalisé), Atlantique (qui traite de la crise migratoire), It must be heaven d’Elia Suleiman (sur l’exil et l’identité), Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles (récit d’anticipation autour d’un Brésil livré aux puissances de l’argent) et Les Misérables.