Aujourd’hui, le metteur en scène Régis Wargnier, qui le dirigea sur le long métrage Une femme française, et l’actrice Evelyne Bouix, qui travailla avec lui sur plusieurs films.
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Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Jean-Claude Brialy ?
J’ai fait sa connaissance sur le tournage de La Banquière, réalisé par Francis Girod. J’étais alors assistant metteur en scène et étais épaté de voir cet acteur qui avait joué chez Truffaut, Chabrol, Cayatte, et pour lequel j’avais beaucoup d’affection. Je pense que Francis Girod l’avait engagé pour son talent, mais aussi parce que c’était quelqu’un qui avait une énorme amitié pour les acteurs et les actrices. Il appréciait tellement ce métier qu’il aimait furieusement les gens qui le faisaient. Or Romy Schneider traversait une période très difficile, et tous deux étaient extrêmement proches. Jean-Claude l’a beaucoup soutenue.
Vous l’avez également dirigé, dans Une femme française (1994). Quel souvenir gardez-vous de lui en tant que comédien ?
C’était un acteur très impliqué. Ce n’est pas surprenant, mais compte tenu de l’ampleur de sa carrière, on aurait pu l’imaginer plus détaché. Mais il a gardé jusqu’au bout l’envie de bien faire et le trac qui va avec. Je le définirais également par la précision de son jeu, ainsi que par sa fantaisie : il savait apporter un sourire, un regard, un œil qui brille même dans une scène traditionnelle… Une légèreté qui n’excluait pas le sens profond de la scène.
Conservez-vous en mémoire une anecdote de tournage particulière ?
Oui, le moment où nous avons filmé le dernier plan d’Une femme française. Nous tournions dans le désert syrien, dans les ruines d’un site magnifique, Apamée. Je réalisais un mouvement de caméra tournant autour de lui. La lumière descendait. Il était magnifique. A la fois très élégant et très touché, car cela devait lui rappeler son enfance algérienne et sa famille. Il a ce jour-là donné quelque chose qui faisait réellement partie de lui. J’ai laissé tourner la caméra, car il était majestueux dans ce décor.
Comment le définiriez-vous, en tant qu’homme ?
Il était très généreux, mais ne s’en vantait pas. Il aimait beaucoup les gens et faisait attention à eux, les soutenait. J’ai été témoin de la haute protection qu’il exerçait autour de Romy Schneider, qui était très angoissée sur le tournage de La Banquière. Jean-Claude venait même certains jours où il ne travaillait pas pour être près d’elle. C’était également quelqu’un qui avait beaucoup de courage, qui a sur tourner le dos à sa famille pour vivre pleinement sa vie et sa carrière comme il l’entendait.
Vous souvenez-vous des circonstances de votre rencontre avec Jean-Claude Brialy ?
Oui ! C’était sur le tournage de Bobo Jacco, de Walter Bal, dans lequel jouait également Annie Girardot. Le tournage avait lieu en Belgique. Je ne l’avais jamais rencontré de ma vie… Lorsque je l’ai vu, je me suis immédiatement dit : « Mais qu’est-ce qu’il est beau ce monsieur ! » Je l’ai trouvé magnifique. Donc, d’une certaine manière, c’était d’abord une rencontre « physique », et j’étais éblouie, mais trop timide et impressionnée pour lui adresser directement la parole. C’est, ensuite, sa gentillesse et son humour qui m’ont marquée.
Quelle relation de travail avez-vous eue avec lui ?
Après ce film, il est devenu mon « parrain de théâtre », chose qui était alors courante. C’était quelque chose d’honorifique. Nous nous sommes ensuite retrouvés dans des manifestations de théâtre et de cinéma, des premières… J’ai également eu la chance de jouer avec lui dans Edith et Marcel, de Claude Lelouch.
Quel souvenir gardez-vous de lui, en tant que comédien ?
C’était un acteur délicieux, formidable. Il n’a pas joué assez de rôles dramatiques. Et comme partenaire de jeu, c’est lui qui m’a appris à être capable de « déconner » en dehors des prises mais à être prête dès que l’on disait « Moteur ! ». Il fonctionnait comme cela. Il m’a un peu désangoissée, alors que j’étais très scolaire.
Et en tant qu’homme et ami ?
C’était un homme touchant, et aussi un esthète. Il aimait le beau : les bons vins, les beaux bijoux, les beaux objets – il en accumulait énormément. Sur le plan humain, c’était quelqu’un qui aimait les gens, était très chaleureux, mais n’avait pas la langue dans la poche. Et quand il ne voulait pas quelque chose, il ne voulait pas ! Un jour, son compagnon Bruno Finck avait organisé un anniversaire surprise avec ses amis. C’était chez lui, à Monthyon. Il a dit « Qu’est-ce que vous foutez là ? Je ne veux pas d’anniversaire ! », pas du tout gentiment, et est parti ! Nous ne savions pas quoi faire ! Mais il est ensuite revenu, de bonne humeur, et le déjeuner était divin. C’était un homme d’un autre siècle, avec un humour infini… Je l’aimais énormément.