Sherlock Jr, de Buster Keaton (1924)
Au milieu des années 20, Buster Keaton, au sommet de son art, signe ce chef d’œuvre intemporel dans lequel il joue un projectionniste blasé qui pénètre en rêve à l’intérieur d’un film où il vit des aventures trépidantes. La séquence qui le voit passer de l’autre côté de l’écran est l’un des grands moments de l’histoire du cinéma dont Woody Allen saura se souvenir (notamment dans La Rose pourpre du Caire)...
Chantons sous la pluie, de Stanley Donen (1953)
Et si la salle de cinéma était un juge de paix. Et si les spectateurs étaient en fait les vrais témoins de l’histoire – et de l’Histoire. Tantôt conquis (pour le dernier film muet du duo de stars interprété par Gene Kelly et Jean Hagen), tantôt railleurs (pour leur premier film parlant totalement désynchronisé et trahissant un montage en catastrophe), tantôt stupéfaits (quand le rideau se lève sur Debbie Reynolds en train de doubler en direct le personnage d’Hagen). L’âge d’or d’Hollywood comme si on y était.
Le Mépris, de Jean-Luc Godard (1963)
Godard célèbre la grandeur des artistes face à la mesquinerie des producteurs, obsédés par la rentabilité. Il offre à Fritz Lang un rôle sur mesure de cinéaste exilé à Rome qui projette les rushes de son nouveau film très arty à un producteur américain -Jack Palance- ulcéré. Une projection-test ironique à travers laquelle JLG se positionne clairement contre l’industrialisation du cinéma.
L’argent de poche, de François Truffaut (1976)
François Truffaut est peut-être celui des réalisateurs, avec Godard et Tarantino, qui voue au cinéma une passion intense, exclusive qui déborde finalement sur l’écran. Antoine Doinel en parle tout le temps, La Nuit américaine (1973) raconte le tournage d’un mélodrame... Dans L’argent de poche, Truffaut filme les premiers émois adolescents qui se déroulent, forcément, dans une salle de cinéma. Un garçon et une fille s’embrassent, deux autres n’osent pas. Les cœurs s’embrasent, le film passe.
Simone Barbès ou la vertu, de Marie-Claude Treilhou (1980)
En suivant, le temps d’une nuit, les errances d’une ouvreuse d’un cinéma porno à travers Paris, Marie-Claude Treilhou raconte la fin de l’âge d’or de ces salles et plus largement des nuits festives parisiennes, alors que les années SIDA vont tout saccager sur leur passage. Et démystifie aussi de manière aussi brute que poétique l’univers nimbé de soufre des cinémas pornos.
La Boum, de Claude Pinoteau (1980)
Plusieurs couples de préados s’embrassent dans une salle de cinéma. Un garçon, lassé que sa voisine pioche dans son paquet de chips, fait un trou en dessous par lequel il fait passer son... sexe. « Salaud ! », crie la fille en fourrant sa main pour la énième fois dans le paquet. Une scène tellement culte qu’elle sera reprise à l’identique dans Diner (1982) de Barry Levinson.
La Rose pourpre du Caire, de Woody Allen (1985)
Comme dans Sherlock Junior, le cinéma devient la réalité et la réalité devient du cinéma... Une vieille fille seule et cinéphile voit son héros sortir de l’écran et l’emmener avec elle dans des aventures extraordinaires, entre quotidien sublimé et fiction terre-à-terre. La magie est totale, le spectacle enivrant.
Cinéma Paradiso, de Giuseppe Tornatore (1988)
Un cinéaste se souvient de son enfance, quand il hantait le cinéma paroissial de son village de Sicile. Prix du jury à Cannes en 1989, Oscar du meilleur film étranger, jamais un film n’a autant sacralisé la salle de cinéma, son expérience à la fois collective et intime. Surtout dans ces scènes magiques où le jeune héros regarde des films par-dessus l’épaule du pittoresque projectionniste. C’est là qu’il apprend la vie et découvre les sentiments au rythme de 24 images par seconde...
Last Action Hero, de John McTiernan (1993)
Grâce à un ticket magique, un garçon se voit “invité” dans les films d’action de son idole -jouée par un Arnold Schwarzenegger en pleine autodérision. La version hard-rock du jazzy La Rose pourpre du Caire, avec ses embardées spectaculaires et son rythme frénétique. Dans le climax du film, la salle de cinéma devient le point de rencontre entre réalité et fiction. Il faut choisir. Le plus sage est de continuer à rêver...
La Cité de la Peur, d’Alain Berbérian (1994)
Un serial-killer sévit dans les coulisses du Festival de Cannes, assassinant les uns après les autres des projectionnistes pour les empêcher de lancer un film d’horreur... La cabine de projection de Cinema Paradiso était le lieu de l’initiation, celle de La Cité de la Peur sera celui du crime ! Devenue culte, cette comédie écrite par Alain Chabat, Dominique Farrugia et Chantal Lauby était un pari fou dans le cinéma français des années 1990. Second degré total.
Inglourious Basterds, de Quentin Tarantino (2009)
Quentin Tarantino a remis au goût du jour l’uchronie avec ce film d’action historique digne de Dumas dans lequel les Alliés tuent Hitler et les principaux dignitaires nazis en même temps. Ce coup d’éclat se déroule dans une salle de cinéma projetant un (faux) film de propagande allemand. Vertige assuré. Chez Tarantino quand le cinéma brûle, c’est pour la bonne cause !
La La Land, de Damien Chazelle (2017)
Mia (Emma Stone) n’a jamais vu La Fureur de vivre que lui propose de voir Sebastian (Ryan Gosling). Rendez-vous est donné au Rialto, la salle mythique de Los Angeles où Mia arrive en retard. Charmés par ce qu’ils viennent de voir, ils se rendent ensuite au même planétarium que dans le film et y scellent leur amour naissant. Nostalgique de l’âge d’or hollywoodien, Damien Chazelle redonne à la salle et au spectacle cinématographique (en Technicolor) la première place qui doit être la sienne.