Il y a un peu plus de quatre ans, ce n’était qu’un manège à chevaux laissé à l’abandon, à 300 mètres du centre-ville de Verdun. Un lieu chargé d’histoire qu’Éric Lengrand a eu la folle idée de réinvestir en le transformant en cinéma. « On avait déjà un cinéma en centre-ville depuis quatre ans, mais il fallait à tout prix qu’on s’agrandisse, car je n’arrivais plus à faire une programmation convenable », se souvient le directeur du Caroussel, aujourd’hui âgé de 62 ans. « Il existait à Verdun une dizaine de manèges à chevaux qui avaient été construits dans les années 1850. En 2015, il n’en restait que deux : celui-ci, et un autre qui avait été transformé en gymnase. » Il décide d’aller voir la mairie, qui accepte de le laisser s’approprier le lieu. Éric Lengrand montre alors le manège à chevaux à son architecte, Gilbert Long, spécialisé dans la restructuration des cinémas indépendants dans les villes moyennes. « Quand il est arrivé dans le bâtiment, le 1er mai 2013, il a été soufflé. Il a tout de suite été persuadé qu’on pouvait y faire quelque chose de superbe. »
Restait à trouver le financement, qui est venu de fonds personnels, d’aides de la région et du département ainsi que des banques. Au départ, le projet devait coûter 4,2 millions d’euros, mais quelques mauvaises surprises (notamment une charpente en mauvais état, qu’il a fallu refaire à l’identique pour garder le cachet de l’endroit) ont fait grimper la note à 5,4 millions. « Ça a été très compliqué à ce moment-là, mais les banques ont tout de même accepté de nous suivre », raconte-t-il. Le 15 octobre 2015, le Caroussel ouvre officiellement ses portes, avec 8 salles et 1 151 fauteuils en tout. « Nous avons fermé notre précédent cinéma, car 8 écrans sur Verdun, c’est largement suffisant et on arrive à faire une programmation plus que correcte. Si on avait gardé l’autre cinéma de centre-ville, on aurait peut-être fait un peu plus d’art et essai. Mais au niveau du coût d’exploitation, ce n’était pas viable. »
Il définit le Caroussel comme « multiplexe indépendant » avec une programmation très diversifiée, qui lui permet de toucher tous les publics. Une obligation : « La première grosse ville près de Verdun, c’est Metz, à 70 km. Donc on va drainer jusqu’à 30-40 km aux alentours. Il faut donner des films à voir au jeune public, à ceux qui aiment l’art et essai, les films d’action, les films d’horreur, les comédies… »
Et Éric Lengrand s’est armé d’une technologie à la pointe, avec une salle Dolby Atmos présente dès l’ouverture. Une vraie nouveauté dans le secteur de Verdun. « Même à Metz, il n’y en avait pas, précise-t-il. Ça nous a coûté au minimum 50 000 euros de plus que si on avait choisi du 7.1., mais ça valait le coup. Pour moi, ce son est bien plus important que la 3D, on est complètement immergé. L’Atmos bien réglé, c’est magnifique. » Le Caroussel fait attention à tous les détails (son et image) et met l’accent sur le confort des spectateurs. « Chez nous, il y a de la place pour les jambes », sourit-il.
Prix de la salle innovante
En 2016, il recevait le grand prix de la salle innovante décerné par le CNC pour les cinémas « qui sont en recherche constante de nouveautés pour attirer leur public ». « C’était la première fois qu’un prix d’architecture était remis au moment du congrès de Deauville. Il y avait cinquante candidatures, mais je me suis dit qu’on avait des chances, vu le projet ».
Effectivement, le Caroussel est un lieu spectaculaire dont beaucoup de Verdunois continuent de chanter les louanges. « Quatre ans après, on nous fait toujours des compliments et on nous remercie d’avoir restructuré ce bâtiment. Et des touristes qui viennent visiter les sites historiques s’arrêtent également pour voir le manège à chevaux restructuré en cinéma. C’est une attraction », raconte cet homme au parcours atypique.
Venu très tard au cinéma, il a d’abord été conducteur de train, gérant de discothèque, bûcheron, et n’a vraiment découvert le 7e Art que tard, au moment de racheter une brasserie dans une petite ville de 5 000 habitants. « Il y avait une salle de cinéma attenante et pour pouvoir exploiter la licence IV de la brasserie, il fallait également exploiter le cinéma. Je n’y connaissais rien, je n’étais que simple spectateur, mais j’y ai vite pris goût. Je dis souvent que c’est le premier métier que je fais avec passion. À une époque je voyais au minimum 350 films par an ». Aujourd’hui, il est partagé entre la direction du Caroussel et une brasserie située à quelques dizaines de mètres. « Depuis que je l’ai rachetée, je vais moins au cinéma, mais je vois au minimum trois ou quatre films par semaine », affirme-t-il.