L’univers d’Emmanuel Carrère au cinéma

L’univers d’Emmanuel Carrère au cinéma

12 octobre 2018
Emmanuel Carrère
Emmanuel Carrère ActuaLitté, Flickr

Le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (9 au 15 octobre 2018) donne carte blanche à Emmanuel Carrère le 14 octobre. A cette occasion, retour sur le travail pour le cinéma de l’écrivain, scénariste, réalisateur et ancien critique de films, des adaptations de ses livres à ses propres réalisations.


La Classe de neige de Claude Miller – 1998

Après des centaines de critiques, interviews ou analyses cinématographiques pour Positif et Télérama, Emmanuel Carrère met sa plume au service de la littérature. Après un essai sur Werner Herzog, il se tourne vers la fiction. La Classe de neige, paru en 1995, est son cinquième roman. Cette œuvre suit Nicolas, un petit garçon en classe de neige. Son père, qui l’a emmené, repart malencontreusement avec sa valise. Et ce n’est que le premier incident d’un séjour marqué par la disparition d’un petit garçon. Prix Femina à sa sortie en 1995, ce roman marque également la première incursion d’Emmanuel Carrère au cinéma. L’écrivain collabore avec Claude Miller pour adapter en film ce drame. Coscénarisé par Emmanuel Carrère et par le réalisateur, La Classe de neige sort en septembre 1998 au cinéma, quelques mois après avoir raflé le Prix du jury au Festival de Cannes.

L’Adversaire de Nicole Garcia – 2002

Cinq ans après La Classe de neige, roman publié en 1995, paraît L’Adversaire (2000). Dans ce livre, Emmanuel Carrère raconte l’histoire vraie de Jean-Claude Romand, condamné en juillet 1996 à la perpétuité pour avoir assassiné sa famille (sa femme, ses parents et ses enfants) avant de tenter de se suicider. Evoquant ce quintuple meurtre réalisé par ce prétendu médecin qui mentait sur sa vie depuis des années, L’Adversaire est devenu un film sous la direction de Nicole Garcia. La réalisatrice a travaillé sur le scénario avec Jacques Fieschi et Frédéric Bélier-Garcia pour en tirer un drame porté par Daniel Auteuil. Ce dernier, qui incarne Jean-Claude Romand (Jean-Marc Faure, dans le film), a d’ailleurs été nommé en 2003 pour le César du meilleur acteur. François Cluzet et Emmanuelle Devos étaient également en lice dans les catégories « meilleur second rôle masculin » et « meilleur second rôle féminin ». Présenté en 2002 au Festival de Cannes, L’Adversaire met en lumière la folie de cet homme dont la vie a pris un virage sanglant. « Les lignes de force de mon film proviennent de ce livre où Emmanuel Carrère s'arrache au fait divers pour faire de Romand un personnage tragique. Un damné, les mains liées dans le dos », confiait Nicole Garcia en 2016 à Télérama.

Retour à Kotelnitch d’Emmanuel Carrère – 2003

Ce documentaire marque un tournant dans la carrière d’Emmanuel Carrère. L’écrivain, journaliste, critique de cinéma et scénariste passe cette fois-ci à la réalisation. Présenté en 2003 à la Mostra de Venise dans la sélection « Nouveaux Territoires », Retour à Kotelnitch est le premier long métrage d’Emmanuel Carrère. Un film qui a pris naissance lors d’un reportage réalisé par Emmanuel Carrère pour Envoyé spécial. Intrigué par une dépêche évoquant l’histoire d’un prisonnier hongrois de la Seconde Guerre mondiale, vivant dans un hôpital psychiatrique russe, qui a enfin pu rentrer dans son pays, il  se rend à Kotelnitch pour y réaliser un reportage télévisé pour Envoyé Spécial et un article pour Télérama. Après cette première plongée dans le pays, il décide de retourner dans la ville russe en juin 2002 pour y retrouver certains habitants croisés lors de son premier voyage. Il revoit ainsi une jeune femme, fiancée à un officier de l’ex-KGB. Après quelques mois passés à Kotelnitch, il repart en France avec des centaines d’heures d’images. Mais ses projets de montage de film sont bousculés lorsqu’il apprend qu’elle et son fils ont été assassinés. Un drame qui le conduit de nouveau à Kotelnitch. Son documentaire retrace ces voyages, dépeignant au passage le quotidien des Russes résidant loin de la capitale, Moscou. Un film qui est également une plongée introspective dans sa propre histoire familiale, lui qui est le fils de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, spécialiste de la Russie.

La Moustache d’Emmanuel Carrère – 2005

Après le documentaire, Emmanuel Carrère revient à la fiction. En 2005, il adapte au cinéma son propre roman La Moustache (sorti en 1986). Dans ce premier long métrage de fiction, le réalisateur, qui a cosigné le scénario avec Jérôme Beaujour, rassemble Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric et Hippolyte Girardot. Le film a reçu le Label Europa Cinémas lors du Festival de Cannes 2005 (il était présenté à La Quinzaine des réalisateurs). Dans La Moustache, Emmanuel Carrère raconte l’histoire de Marc, qui décide un beau jour de se raser la moustache. Mais ce changement n’est remarqué par personne, comme s’il avait toujours été imberbe… En transposant à l’écran son roman, Emmanuel Carrère a choisi de proposer une nouvelle fin à cette histoire. En filmant la lente descente aux enfers de cet homme, il met également en lumière les dérives d’un couple fusionnel qui finit par s’éloigner inexorablement.

Toutes nos envies de Philippe Lioret – 2011

En 2009, Emmanuel Carrère publie D’autres vies que la mienne, un livre dans lequel il raconte la vie de personnes qui lui sont proches ou qu’il a croisées. Portraits de personnes ayant fait face à des drames, D’autres vies que la mienne a été librement adapté à l’écran par Philippe Lioret. Le réalisateur a puisé dans ce livre pour faire naître en 2011 Toutes nos envies, dans lequel il suit Claire, une jeune juge d’instance et Stéphane, un juge chevronné. Les deux vont se battre pour aider des surendettés, alors que la jeune femme, atteinte d’une tumeur, mène un autre combat plus personnel. Face à Marie Gillain, nommée en 2012 au César de la meilleure actrice grâce à ce rôle, on retrouve Vincent Lindon qui joue pour la deuxième fois dans une adaptation d’un livre d’Emmanuel Carrère.

Deux nouveaux films rejoindront prochainement la galaxie « Emmanuel Carrère au cinéma ». Son roman Limonov, prix Renaudot en 2011, va être transposé à l’écran par Pawel Pawlikowski (Ida). De son côté, l’écrivain, scénariste et réalisateur dirigera prochainement Juliette Binoche dans l’adaptation du livre Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas.

Emmanuel Carrère a carte blanche

« Réel et fiction : science-fiction ». Ce thème est celui de la master class d’Emmanuel Carrère au Festival International du Film Indépendant de Bordeaux qui se tient du 9 au 15 octobre. L’écrivain, journaliste, scénariste et réalisateur présentera notamment au public le film Les Fils de l’homme d’Alfonso Cuaron ainsi que son documentaire Retour à Kotelnitch. Une carte blanche, organisée le 14 octobre à 16h30, qui permettra également à l’ancien critique d’évoquer la frontière ténue entre réel et fiction.