Les prémices d’une éducation artistique et culturelle
Avec les évènements de Mai 68, le système éducatif français est fortement ébranlé : on y dénonce un enseignement à deux vitesses, l’accès au savoir étant réservé aux classes sociales les plus aisées, et des méthodes autoritaires et trop académiques. Des révoltes contestataires résulte la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968, dite loi Edgar Faure, qui favorise l’autonomie des établissements, la participation des étudiants, du personnel administratif et des enseignants à leur gestion et la pluridisciplinarité.
Les facultés disparaissent et les universités deviennent des établissements d’un type nouveau, des établissements publics à caractères scientifiques et culturels (EPSC). Se dessinent alors les prémices d’une éducation artistique et culturelle en milieu universitaire, favorisant de nouvelles disciplines comme le cinéma, qui devient au fil du temps une matière à part entière dans le paysage éducatif.
Mai 1968 permet de prendre conscience de l’importance de la dimension artistique dans l’enseignement. Celle-ci se réduisait jusque-là à 2h hebdomadaires obligatoires de musique et de dessin pour les élèves de maternelle.
Un colloque en faveur d’une « école nouvelle », organisé par l’Association d’étude pour l’expansion de la recherche scientifique, se tient à Amiens dès le mois de mars 1968. Éducateurs, intellectuels et militants s’y réunissent pour définir les contours d’une nouvelle pédagogie : la formation culturelle, l’éducation artistique et l’ouverture au monde moderne seraient intégrées à la formation générale dès l’école primaire et se prolongeraient hors de l’école, dans des activités culturelles. C’est également ce que proposent les États Généraux du Cinéma de mai, qui prévoient l’intégration de l’enseignement de l’audiovisuel dans le cadre général de l’enseignement rénové.
Un nouveau paysage éducatif et culturel
Certaines pistes de réflexion se concrétisent et permettent de faire émerger un nouveau paysage éducatif et culturel. Ainsi, le Fonds d’intervention culturelle (FIC), est créé en 1971. Pièce maîtresse de la politique du développement culturel, il permet de formaliser la collaboration entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Culture, l’Etat et les collectivités locales. Parmi les programmes soutenus, « L’enfant téléspectateur actif » (1979-1981) dont l’objectif est d’encourager une utilisation critique de la télévision.
De même, en 1977, le ministère de l’Education nationale met en place la Mission d’action culturelle en milieu scolaire. Elle assure la liaison du ministère avec les partenaires concernés par l’éducation artistique (ministère de la Culture, académies, institutions culturelles, établissements scolaires, associations…). Chacun porte la même ambition : donner un rôle actif aux élèves et toucher les régions défavorisés sur le plan des équipements culturels.
C’est en 1981 que Jack Lang, nouveau ministre de la Culture auprès de François Mitterrand, met en place une commission dirigée par Jean-Denis Bredin, chargée de faire le point sur tous les aspects de la situation du cinéma en France. Parmi les différents sujets abordés, la mise en place d’une pédagogie de l’image, palliant le fait « que le système d’enseignement français n’apprenne pas à lire les images comme il le fait pour le livre ». Au même moment, Alain Savary, ministre de l’Education nationale, crée une Mission relative aux enseignements artistiques afin d’envisager une politique en direction des collèges et des lycées, construite avec des partenaires extérieurs à l’Education nationale.
La réflexion recoupe alors celle de la seconde mission Bredin, chargée par Jack Lang en décembre 1982, de réfléchir aux enjeux de la formation. Rôle respectif des partenaires, pratiques et expériences, accès aux films, diffusion d’œuvres dans le secteur scolaire, le film comme objet d’analyse… sont à l’étude.
Le 25 avril 1983, les deux ministres signent un protocole d’accord destiné à favoriser le partenariat entre l’Education nationale et la Culture grâce à « une ouverture plus grande des établissements scolaires sur leur environnement culturel et des programmes scolaires et éducatifs sur la dimension artistique ».
Dans le domaine du cinéma, une option cinéma-audiovisuel facultative en classe de seconde est en phase d’expérimentation dans les lycées volontaires de 1984 à 1986, année où Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, annonce l’institutionnalisation des options Cinéma et Audiovisuel. Celles-ci deviennent des sections intégrées à la filière A3 littéraire et artistique, et la création d’un baccalauréat dont la première session se déroule à la fin de l’année scolaire 1988-1989.
Le cinéma au collège
Le cinéma s’intègre ainsi à l’enseignement et permet aux élèves d’être sensibilisés à l’art. Enseignement théorique et pratique du cinéma, formation des partenaires culturels, réalisation d’outils pédagogiques spécifiques, rencontres et réflexions facilitent l’élaboration des différents dispositifs imaginés par les acteurs de l’éducation à l’image.
Ainsi, le projet cinéma destiné aux collégiens se précise. Porté par le CNC, le dispositif « Collège au cinéma » est lancé en 1989 et propose à 10 000 élèves de découvrir « des œuvres cinématographiques dans les conditions normales de projection dans les salles » à raison d’un film par trimestre.
Depuis, le CNC a imaginé deux autres programmes, « École au cinéma » (1994) et « Lycéens et apprentis au cinéma » en (1998), servant cette même ambition de transmettre au plus grand nombre une culture cinématographique solide, d’initier à la pratique du cinéma et de faire connaître la richesse et la variété de l’art cinématographique.