Le Canardeur (1974)
Clint Eastwood, emballé par le travail de scénariste du jeune Cimino sur Magnum Force, deuxième volet de la saga de l’inspecteur Harry, lui propose de réaliser Le Canardeur, une comédie policière autour de quatre hors-la-loi dans une Amérique désenchantée. Le ton tragi-comique du Canardeur, dont aucun des protagonistes – à part celui incarné par Eastwood ! – ne sort vivant, montre déjà la vision pessimiste d’un auteur qui préférera toujours se ranger du côté des exclus. Jeff Bridges, émouvant dans la peau d’une petite frappe insouciante, est nommé à l’Oscar du meilleur second rôle. Le film impose Cimino à Hollywood.
Voyage au bout de l’enfer (1978)
Michael Cimino voit déjà grand et plutôt que d’enchaîner avec un film plus modeste surfant sur le succès du Canardeur, il convainc les studios Universal de produire une fresque sur la guerre du Vietnam, à travers le destin brisé de trois amis. Prévu pour huit millions de dollars, ce Voyage verra son budget doubler en cours de route. Le film ne sera pas tourné aux Philippines comme Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, le pays offrant des facilités logistiques indéniables, mais en Thaïlande, dont les paysages sont plus proches de ceux du Vietnam voisin. Le casting composé de Meryl Streep, Robert De Niro, Christopher Walken ou encore John Cazale, en état de grâce, donne à ce film authenticité et profondeur. C’est évidemment les séquences dites de « la roulette russe » qui feront du film un classique et le verront couronné de cinq Oscars. Au Festival de Berlin néanmoins, certains jugeront Voyage au bout de l’enfer « réactionnaire en présentant les Vietcongs comme des barbares sanguinaires ». Dans les bonus de l’édition vidéo (StudioCanal), le cinéaste explique : « L’épisode de la roulette russe a réellement existé bien que certains aient affirmé le contraire. Sur le plan dramatique, cette séquence me permettait de suggérer l’attente, qui est l’élément principal d’un vrai combat. »
La Porte du paradis (1980)
Ce western suit, à partir de 1870, la quête désespérée d’un jeune nanti idéaliste, fraîchement diplômé de Harvard, désireux de bâtir un monde juste dans un pays – l’Amérique – en devenir. Un rêve contrarié par la cupidité humaine, le racisme et les luttes de pouvoir. Le cinéaste démontre ici que l’Amérique, qui s’érige volontiers en modèle de démocratie, est née dans la boue. Le casting comprend le chanteur acteur Kris Kristofferson, Christopher Walken ou encore Isabelle Huppert que Cimino venait de découvrir dans Violette Nozière de Claude Chabrol (1978). Mal perçu, aux États-Unis comme dans le reste du monde (y compris au Festival de Cannes), La Porte du paradis connaît un échec retentissant et reste à ce jour le plus grand naufrage de l’histoire du cinéma. Pour limiter la casse, Les Artistes Associés, le studio qui a produit le film, l’ampute d’une heure pour une exploitation plus commerciale. Michael Cimino qui se serait comporté en mégalomane sur le tournage, exigeant notamment un tournage dans un lieu inaccessible au fin fond du Montana qu’il a fallu spécialement aménager, va payer très cher cette déconvenue. Le cinéaste qui aura vu le budget de son film exploser va traîner à Hollywood une réputation d’auteur dispendieux. « Malgré toutes ces critiques, expliquait Michael Cimino dans la revue Starfix, mon film continue d’être montré. Il doit donc bien y avoir une raison. » La Porte du Paradis a depuis été remonté et restauré.
L’Année du dragon (1985)
Le producteur Dino De Laurentiis, mogul italien installé Hollywood, remet en selle Michael Cimino avec ce thriller urbain coécrit par Oliver Stone. L’intrigue se déroule entièrement dans le quartier new-yorkais de Chinatown, et plonge un policier aux mœurs douteuses dans le monde de la mafia chinoise. Le protagoniste est incarné par la nouvelle star montante d’Hollywood Mickey Rourke, révélé par Francis Ford Coppola dans Rusty James (1983) et déjà à l’affiche de La Porte du paradis, dans un petit rôle. Malgré une polémique liée au racisme supposé du film, L’Année du dragon est un succès public. « Ce qui m’intéressait, c’était de raconter la vie d’un vétéran du Vietnam, un soldat émérite, qui devient un bon flic, mais qui garde envers la guerre un sentiment de défaite. Et soudain, il se retrouve plongé dans Chinatown, entouré de visages chinois. Qu’est-ce que cela va provoquer en lui ? », s’interroge le cinéaste dans le dossier de presse qui accompagne la sortie du film en France, le 13 novembre 1985.
Sunchaser (1996)
Après Le Sicilien (1987), une épopée mafieuse avec Christopher Lambert d’après Mario Puzo (l’auteur du Parrain) et La Maison des otages (1990), remake d’un film de William Wyler avec Mickey Rourke et Anthony Hopkins, Michael Cimino est redevenu un cinéaste de l’ombre qui peine à convaincre des financiers de le suivre. Il va donc produire lui-même ce road-movie dans des grands espaces américains saturés de soleil. On suit la quête désespérée d’un jeune métis indien atteint d’un cancer. Retenu dans une prison d’État, il parvient à prendre en otage un médecin, cancérologue de Los Angeles et à l’emmener sur les traces de ses ancêtres indiens où il pourra enfin être guéri. Le docteur est incarné par Woody Harrelson. Le film présenté au Festival de Cannes laisse la critique dubitative. Sunchaser fait un flop au box-office. Ce sera donc le dernier long-métrage de son auteur. Michael Cimino qui tournera un segment du programme Chacun son cinéma pour fêter les 60 ans du Festival de Cannes en 2007, meurt le 2 juillet 2016 à l’âge de 77 ans.
Michael Cimino, un mirage américain
De Jean-Baptiste Thoret
Avec : John Savage, Quentin Tarantino, James Toback
Musique : Jean-Baptiste Thoret
Chef opérateur : Laurent Brunet
Produit et distribué par Lost Films