L’histoire : celle de François Merlin, un écrivain qui décide de se plonger sans retenue dans la vie de son personnage, l’agent secret Bob Saint Clar envoyé en mission au Mexique pour « l’avenir du monde libre ». Merlin s’identifie tant à son héros que leurs deux mondes finissent par se juxtaposer, emportant le spectateur du quotidien parisien jusqu’aux plus belles plages du Mexique..
Ainsi débute le film : une prometteuse affaire d’espionnage, interrompue vingt minutes plus tard par l’irruption d’une femme de ménage venue passer l’aspirateur en pleine fusillade. Nous voici, on le comprend, dans l’appartement de Merlin l’écrivain : une fiction dans la fiction, à mesure que aléas et incidents dans la vie de l’écrivain se répercutent sur le déroulement des péripéties de Saint-Clar. Deux alter-égos incarnés par Belmondo, qui retrouve de Broca une dizaine d’années après Cartouche (1962) et L’Homme de Rio (1964).
Aventure et exotisme
L’extravagance et l’esthétique burlesque du film naissent de l’imagination de son protagoniste lui-même. Merlin imagine des intérieurs drapés de couleurs chatoyantes, tandis que certaines scènes laissent entrevoir les corps bronzés des acteurs à demi-nu, couverts par des peaux de bête. Une touche 70’s dont le charme un peu désuet opère toujours autant à l’écran.
Au centre de ce décor exotique, le personnage de Bob Saint-Clar illustre l’archétype de l’espion raffiné, trop sûr de lui, costume bleu et cravate jaune soleil. A l’écran, Jacqueline Bisset campe elle aussi un double rôle : à la fois Tatiana et de Christine, la femme fatale et la jeune étudiante. Un duo complice qui révélera plus tard avoir pris beaucoup de plaisir à tourner, ensemble, cette comédie humoristique sur les bords de l’océan Pacifique.
La mise en scène caricaturale de l’agent secret, antithèse de l’écrivain antihéros et fantasque qui l’imagine, installe avec brio la dimension parodique du film. D’autant plus que, jaloux de cette version idéalisée de lui-même, Merlin n’hésite pas à contrarier la mission de son personnage et à le ridiculiser dans son roman. Filmés avec malice, les affres du processus d’écriture se révèlent comme une double aventure, celle de l’écrivain et de son double littéraire, tournant en dérision le quotidien tout en y projetant quelques précieux rayons de soleil.
Parodie réussie pour Philippe de Broca, qui déclarait pourtant « ne jamais avoir été fan de James Bond » ! Avec Le Magnifique, savant mélange de bravoure et d’un comique de situation déjà présent dans L’Homme de Rio, De Broca fait naître le James Bond à la française, figure depuis réincarnée dans les nombreux OSS 117.
Un tournage rocambolesque
Au tout début, Philippe de Broca n’adhère pourtant pas au scénario proposé par Francis Veber. Il se l’appropriera donc, le modifiera allégrement, au grand dam du scénariste qui demandera que son nom n’apparaisse pas dans le générique du film.
Le tournage, à Paris comme au Mexique, se révèle semé d’embuches. Il débute en mars 1973 à Acapulco, avant de s’arrêter brusquement, puis de reprendre à zéro dans la ville de Puerto Vallarta. Dans les premiers jours, Jean-Paul Belmondo se blesse la cheville en tournant la scène dans laquelle il saute en marche de sa Ford décapotable. Le tournage doit être interrompu pendant deux semaines - retard qui sera finalement rattrapé… Le film est bouclé en juin 1973, au début de la saison des pluies, laquelle rend le tournage des scènes en extérieur presque impossible.
A sa sortie en salles, Le Magnifique est un succès. Porté par l’énergique et attachant Belmondo, le film réalise l’un des meilleurs nombres d’entrées à l’époque. Les spectateurs échappent, le temps d’une heure et trente-cinq minutes, à la réalité du quotidien franco-français, pour s’évader dans le monde fantasmé de François Merlin, et rire, avec lui, des aventures de son personnage un peu foutraque.