La tête contre les murs (1958)
C’est Jean-Pierre Mocky qui devait réaliser le film, mais son jeune âge (29 ans) effraie alors les producteurs. Sur les conseils de François Truffaut, Mocky propose le nom de Georges Franju, 46 ans, connu pour ses courts métrages documentaires. Comme l’écrit Jean-Pierre Mocky dans la préface de Georges Franju, le dictionnaire d’une vie de Frantz Vaillant (Marest Editeur) : « Franju ne vivait pas comme nous, Rouffio, Godard, Chabrol ou Truffaut. Il avait un sentiment d’infériorité en raison de son âge. Commencer sa carrière à l’âge où d’autres la terminent… » La tête contre les murs, inspiré d’un roman d’Hervé Bazin, raconte le calvaire d’un jeune homme, interné dans un asile, qui tente inlassablement de retrouver sa liberté. Autour de Pierre Brasseur et Paul Meurisse, on trouve les jeunes Anouk Aimée, Charles Aznavour et bien-sûr Jean-Pierre Mocky. « Un film qui n’est pas interdit de considérer comme le frère aîné de Vol au-dessous d’un nid de coucou » écrit Frantz Vaillant.
Les yeux sans visage (1960)
Le chef-d’œuvre de Georges Franju et une référence en matière d’épouvante. Les yeux sans visage, inspiré d’un roman de Boileau-Narcejac, raconte l’histoire d’un chirurgien qui entend refaire le visage de sa fille défigurée dans un accident de voiture. Pour cela, il fait enlever des jeunes femmes et prélève des morceaux de leur peau. C’est Pierre Brasseur qui à la suite de La tête contre les murs propose le scénario à Franju. L’héroïne est jouée par la gracile Edith Scob. L’énorme succès du film dépasse son cinéaste qui redoute de se retrouver enfermé dans un genre : « Je ne suis pas un spécialiste de la féérie et du fantastique, étant plutôt attiré par la rigueur, la précision, le réalisme. Je pense que ce qui rend si terrifiant Les yeux sans visage est justement cette précision presque scientifique et au moins documentaire. » L’une des particularités du film est justement son absence d’effet spéciaux.
Pleins feux sur l’assassin (1961)
Le duo Boileau-Narcejac est de nouveau derrière le scénario de ce Pleins feux sur l’assassin. Après le succès des Yeux sans visage, Franju leur laisse le champ entièrement libre. Ce thriller débute sur la disparition d’un comte (Pierre Brasseur qui tourne pour la troisième fois avec Franju) dans un recoin de son château. Dès lors, ses héritiers, dont l’un est interprété par le tout jeune Jean-Louis Trintignant, vont tout faire pour retrouver son corps et ainsi empocher le pactole. Film mal aimé par son réalisateur et le public de l’époque, il reste « une charge féroce contre l’hypocrisie d’une bourgeoisie aux apparences triomphantes » écrit Frantz Vaillant.
Thérèse Desqueyroux (1962)
Thérèse Desqueyroux Filmel/DR/T.C.D.
Cette fois Georges Franju adapte un roman de François Mauriac, l’histoire d’une jeune femme accusée d’avoir voulu empoisonner son riche époux issu d’une grande famille landaise. Pour incarner sa Thérèse, le cinéaste choisit Emmanuelle Riva découverte dans le Hiroshima mon amour de son ami Alain Resnais. A la question, « pourquoi avoir adapté ce roman ? », Franju répond : « Je me suis passionné pour le personnage de Thérèse, pour le caractère de cette jeune fille pudique et ardente, secrète, complexée, désemparée et libre, que la grâce ne touchera pas. » Dans son dictionnaire consacré au cinéaste, Frantz Vaillant explique que Franju a reçu « de très confortables propositions de la part des producteurs » pour tourner des suites de Thérèse Desqueyroux où le personnage connaît un châtiment, mais le cinéaste refuse en bloc : « Je n’admets pas la déchéance, chez personne, et encore moins chez un personnage aussi beau que celui-là. »
Judex (1963)
C’est le film préféré de Georges Franju. Le petit-fils du cinéaste Louis Feuillade lui propose ce scénario librement inspiré du Judex de son glorieux aïeul. Le cinéaste rêve depuis des années d’adapter Fantômas du même Feuillade mais face aux difficultés pour venir à bout de ce coûteux projet, il voit dans ce Judex une façon de se consoler. Le cinéaste qualifie son film de « féérie mélodramatique ». L’intrigue tourne autour de l’inquiétante disparition d’un banquier véreux menacé par un justicier invisible. Le film est marqué par une scène de bal dont le lyrisme séduit la critique de l’époque. Franju réalisera par la suite trois autres longs métrages : Thomas l’imposteur (1965) d’après Jean Cocteau où il retrouve Emmanuelle Riva, La faute de l’abbé Mouret (1970) d’après Emile Zola et Nuits rouges (1974). Il meurt en 1987 à l’âge de 75 ans.