Né à Paris en 1923 et disparu le 24 avril 2004 à Lausanne, José Giovanni – de son vrai nom Joseph Damiani - a vécu mille vies en une seule. La première partie de son existence sera celle d’un voyou qui, arrêté pour extorsion de fonds et complicité d’assassinat, se retrouve condamné à mort à l’issue de son procès en 1948. Cette peine ne sera finalement pas exécutée. Grâce à la mobilisation de son père, Giovanni sera gracié puis libéré, au bout de onze ans d’incarcération. C’est là qu’il entame sa deuxième vie. Encouragé par son avocat, il décide de se mettre à écrire. Dans son premier roman, Le Trou, en 57, il raconte sa tentative d’évasion de la Prison de la Santé dix ans plus tôt. Il publiera plus de 24 livres jusqu’au milieu des années 2000. Beaucoup d’entre eux seront adaptés sur grand écran par des cinéastes prestigieux (Jacques Becker, Jean-Pierre Melville, Robert Enrico…). Ce flirt avec le cinéma le poussera à écrire dès 1962 des scénarios originaux. Puis, en 1966, il franchira une autre étape en passant lui-même à la réalisation avec La Loi du survivant. Il signera en tout 15 films, dont l’ultime, Mon père, il m’a sauvé la vie, en 2001 avec Bruno Cremer.
Le Trou de Jacques Becker (1960)
L’histoire : Un homme accusé de tentative de meurtre sur sa femme et incarcéré à la prison de la Santé va, avec ses quatre compagnons de cellule, tenter de s’évader en creusant un tunnel.
La petite histoire : Au départ, il y a un livre largement autobiographique et publié trois ans plus tôt. José Giovanni y racontait sa propre tentative d’évasion de la Santé. Et il s’attelle lui- même à son adaptation en compagnie de Jacques Becker et de Jean Aurel, le futur scénariste de L’Amour en fuite, La Femme d’à côté et Vivement dimanche ! pour Truffaut. S’il s’agit d’une première pour Giovanni, ce sera l’ultime réalisation de Jacques Becker qui s’éteint alors qu’il vient tout juste d’en terminer le montage. Truffaut et Melville crieront au génie, conquis par la mise en scène épurée, claustrophobe et oppressante du cinéaste, au service d’un récit si réaliste que beaucoup reprocheront à Jacques Becker d’avoir rendu les criminels trop sympathiques et pris ouvertement partie pour eux. Jean Becker (L’Eté meurtrier), le fils de Jacques, était l’assistant de son père sur le plateau. C’est à lui qu’on doit à l’écran la présence et le véritable début de la carrière d’acteur de Michel Constantin. Ce dernier était capitaine de l’équipe de volley dans laquelle il jouait !
Classe tous risques de Claude Sautet (1960)
L’histoire : Gangster condamné à mort par contumace et recherché par la police, Abel Davos s'est réfugié en Italie avec sa femme et ses deux enfants, tout en continuant ses exactions. Mais, sur le point d’être retrouvé, il doit rentrer clandestinement en France.
La petite histoire : Dans Classe tous risques, publié en 58, José Giovanni façonne son Abel Davos à partir d’Abel Danos, personnage sulfureux qu’il a connu en prison, tueur à gages et bras armé de la Gestapo Française pendant les heures sombres de l’Occupation. Mais à aucun moment, il n’y fait écho dans son livre. Lino Ventura tombe dessus et veut jouer Danos. Aux commandes du film, Claude Sautet est au début de sa prestigieuse carrière. Quatre ans auparavant, il a mis en scène un film qu’il a renié totalement : Bonjour sourire avec Henri Salvador, Annie Cordy et Louis de Funès. A ses yeux, Classe tous risques sera donc son véritable premier film qu’il ambitionne d’abord de développer dans une atmosphère néo-réaliste au cœur des rues de Milan. Mais les producteurs hésitent : ils ont acheté les droits du livre pour les péripéties nombreuses qui peuplent le voyage du fuyard, auxquelles tient aussi Ventura. Sautet s’adapte mais réussit à détacher son film du folklore parfois inhérent au genre. Il signe un film noir à la violence sèche sur la déchéance d’un homme traqué qui sait sa fin inéluctable. Ce n’est que des années plus tard que Sautet apprendra de quel sinistre personnage Davos était inspiré. Il confiera alors dans un livre d’entretiens avec Michel Boujut que s’il avait été au courant à l’époque, il aurait probablement refusé de réaliser Classe tous risques.
Les Aventuriers de Robert Enrico (1967)
L’histoire : Un pilote surdoué et un mécano inventif, deux amis férus d’aventure, partent avec une jeune artiste déprimée à la recherche d’un trésor englouti au large des côtes congolaises.
La petite histoire : Les deux héros des Aventuriers (campés par Lino Ventura et Alain Delon) s’appellent Manu et Roland, prénoms de deux des protagonistes du Trou. Logique après tout, car ce film est adapté d’un autre roman de José Giovanni. Plus précisément de la première partie des Aventuriers, publié en 1960. Pour sa deuxième collaboration avec Robert Enrico après Les Grandes gueules, Giovanni co-signe l’adaptation avec le cinéaste et Pierre Pelegri. On y retrouve trois des éléments essentiels de son œuvre littéraire comme cinématographique : les hommes forts, l’amitié virile et les femmes énergiques. Plus de 3 millions de spectateurs se déplaceront pour découvrir Les Aventuriers – dont les costumes sont signés Paco Rabanne et la musique, François de Roubaix – qui, dans son ultime tiers, offre un coup de projecteur sur le Fort Boyard, au large de l’île d’Aix. Quelques mois plus tard, José Giovanni porte lui- même à l’écran la deuxième partie des Aventuriers dans La Loi du survivant. Sans Ventura ni Delon.
Le Clan des Siciliens d’Henri Verneuil (1969)
L’histoire : Le chef du clan des Siciliens, organise l'évasion d’un truand pour l'aider à réaliser un audacieux hold-up.
La petite histoire : Ici, tout part du coup de foudre du producteur Jacques-Eric Strauss pour le livre d’Auguste Le Breton, paru en 1967. Il en achète les droits et pendant deux ans tente sans succès de convaincre la Gaumont de s’associer avec lui pour le porter à l’écran. Mais quand il intègre Fox Europa, il va en profiter pour évoquer son projet avec le grand patron de la 20th Century Fox, Darryl F. Zanuck. Ce dernier lui donne son feu vert. A deux conditions : que sa fiancée du moment y apparaisse à l’écran dans un petit rôle et que le budget du film n’explose pas. Strauss peut alors lancer l’adaptation qu’il confie au duo José Giovanni-Pierre Pelegri, déjà à l’œuvre sur Les Aventuriers. Puis il propose les deux rôles majeurs de voyous à Jean Gabin et Alain Delon – alors sous contrat à la Fox – qui acceptent immédiatement. Il contacte ensuite Lino Ventura pour un rôle de commissaire, absent du roman de Le Breton, que Giovanni et Pelegri vont donc créer de toutes pièces au fil des nombreuses versions du scénario. Et Strauss choisit enfin Henri Verneuil pour le réaliser, impressionné par sa maîtrise des scènes d’action de Week- end à Zuydcoote. Accompagné par la B.O. d’Ennio Morricone, l’alliance du spectaculaire de Verneuil et l’art des dialogues ciselés de Giovanni fait des merveilles.