Une manche et la belle (1957)
En 1957, cela fait six ans qu’Henri Verneuil fait du cinéma et il a déjà quelques succès à son actif (L’Ennemi public, Des gens sans importance) et son scénario du Mouton à cinq pattes a même été nommé à l’Oscar. Mais il n’a pas encore abordé le terrain du polar et du thriller. Son entrée en matière se fait de la plus chic des manières, en adaptant un roman d’un des maîtres du genre: The Sucker punch de James Hadley Chase. Transposée des Etats-Unis à Nice, cette histoire met en scène un modeste employé de banque arriviste (Henri Vidal) qui, sur le point d’épouser par pur intérêt une très riche veuve plus âgée que lui (Isa Miranda), tombe amoureux de sa secrétaire (Mylène Demongeot). Cette jeune femme délurée va le pousser à tuer sa future épouse en lui assurant qu’ensuite elle s’enfuira avec lui. Pour co- écrire cette adaptation, Verneuil fait appel à un jeune auteur de 33 ans : Frédéric Dard. Tourné pour une large part dans les studios de la Victorine avec des costumes signés Christian Dior, Une manche et la belle attire un peu moins de 500 000 spectateurs. Un revers pour Verneuil qui va abandonner le polar pour un bon moment.
Mélodie en sous-sol (1963)
Alors qu’il vient de réunir plus de 2 millions de spectateurs avec Un singe en hiver, Henri Verneuil renoue avec l’univers du polar sur les conseils de Michel Audiard qui lui suggère de porter à l’écran The Big Grab de John Trinian. L’idée tombe à pic : Verneuil projetait en effet de diriger Jean Gabin dans un film d’aventures situé en Afrique, mais le comédien refuse de quitter la France. Mélodie en sous-sol se révèle donc le compromis idéal puisque l’action se déroule à Cannes. Gabin y incarne un truand à la retraite qui, à peine sorti de prison, s’attaque au cambriolage d’un casino. La MGM qui produit veut lui associer Jean-Louis Trintignant dans le rôle du jeune truand sans scrupules qu’il recrute pour réussir son coup. Mais Alain Delon veut à tout prix travailler avec Verneuil et propose de renoncer à son cachet pour être uniquement rémunéré via les droits du film au Japon, en URSS et en Argentine. Le cinéaste et le studio acceptent, mais le tournage ne sera pas de tout repos. Les heurts entre Delon et Verneuil vont se multiplier au point que l’assistant de ce dernier, Claude Pinoteau, jouera régulièrement les entremetteurs. Gabin se brouille également avec Audiard, lui reprochant sa trop faible présence à l’écran. Pourtant, le résultat final mettra tout le monde d’accord. La réalisation précise de Verneuil et son sens du rythme enthousiasment critique et public. Mélodie en sous-sol réunit plus de 3,5 millions de spectateurs. Et le trio Verneuil-Gabin-Delon se reformera en 69 pour Le Clan des Siciliens.
Le Casse (1971)
Le Casse met en scène un cambrioleur de haut vol (Jean-Paul Belmondo) et ses trois complices face au policier (Omar Sharif) qui réussit à faire échouer leur casse et veut garder la collection d’émeraudes qu’ils tentaient de dérober. Il s’agit de la deuxième adaptation pour le cinéma de The Burglar de David Goodis, 14 ans après Le Cambrioleur, réalisé par l’américain Paul Wendkos avec Dan Duryea et Jayne Mansfield dans les rôles principaux. Le Casse est produit par le studio américain Columbia et Verneuil tournera d’ailleurs le film en deux versions, l’une française, l’autre américaine avec de légères différences de montage entre les deux. Tout premier long métrage construit autour des prouesses physiques de Belmondo, le film (avec ses cascades, ses scènes d’action impressionnantes dont une longue course-poursuite en voitures imaginée pour tenter de surclasser celle de Bullitt) marque un tournant dans la filmographie de l’acteur. Et le sens de l’action et du grand spectacle de Verneuil font une fois encore mouche. Le Casse (et sa BO signée Ennio Morricone) dépassera les 4,4 millions de spectateurs.
Peur sur la ville (1975)
Le tandem Verneuil-Belmondo se reforme. Mais cette fois-ci, le cinéaste donne au comédien le rôle d’un commissaire à la poursuite d’un tueur en série lâché dans les rues de la capitale. Il lui offre surtout de nouvelles scènes d’action qui vont entrer dans la légende du cinéma français, comme celle où le comédien évolue sur le métro franchissant le pont de Bir-Hakeim à plus de 60 kilomètres à l’heure. Mais plus que son abattage physique, Peur sur la ville permet à l’acteur de jouer un personnage aux confins de deux influences : la tradition du polar à la française avec Jean Gabin en modèle et une veine américaine avec les héros récents du cinéma américain, Steve McQueen et Clint Eastwood. Au scénario, on trouve Francis Veber, déjà auréolé des succès du Grand blond avec une chaussure noire et de L’Emmerdeur. Une fois de plus, accompagné par la B.O. de Morricone, le film triomphe en salles en tutoyant les 4 millions d’entrées.
I… comme Icare (1979)
Toute ressemblance avec l’assassinat de JFK dans les rues de Dallas serait tout sauf fortuite. I... comme Icare est directement inspiré par l’une des théories sur les auteurs ayant supposément commandité ce meurtre - le nom du tueur dans le film, Daslow, étant une anagramme de Lee Harvey Oswald. Si le nom du pays où se déroule l’action n’est jamais précisé, on y voit un procureur refuser la version officielle de l’enquête et chercher à percer les mystères d’une affaire dont les responsables ne souhaitent évidemment pas qu’il découvre la vérité. Verneuil a co-écrit le scénario avec Didier Decoin, tout juste récompensé du Prix Goncourt pour John L’enfer. Et son premier choix de casting s’est porté sur Yves Montand, dont l’image engagée à la ville comme à l’écran (L’Aveu, Z…) nourrit son personnage. Montand accepte cette proposition et co-produit même le film.
Mille milliards de dollars (1982)
Henri Verneuil retrouve la veine de I… comme Icare en mettant en scène un nouveau personnage confronté à une affaire qui le dépasse. En l’occurrence il s’agit d’un journaliste tourmenté après le suicide d’un industriel qu’il avait accusé de corruption et dont l’enquête le conduit sur la piste d’une tentaculaire multinationale américaine. Mille milliards de dollars est inspiré d’un roman américain signé par un ancien journaliste du Washington Post, Lawrence Meyer. Patrick Dewaere tient le rôle principal qui tranche avec la figure du loser, où la plupart de ses films précédents (Série noire, Hôtel des Amériques, Un mauvais fils…) avait fini par l’enfermer. Sans connaître les sommets des précédents Verneuil, Mille milliards de dollars finira tout de même sa carrière à plus d’1 million d’entrées. Ce sera l’un des derniers films de l’américain Mel Ferrer, ex-mari d’Audrey Hepburn et héros, notamment, des Chevaliers de la table ronde et de Guerre et paix.