Évoquons d’abord la création de Startup For Kids...
Tout est parti d’une observation. Certains parents et enseignants étaient de plus en plus désemparés face à la révolution technologique. Qu’il s’agisse de l’importance croissante des réseaux sociaux ou des nouveaux outils d’apprentissage, il fallait donc pouvoir guider les plus jeunes et leur apprendre à se servir de cette technologie qui, par définition, évolue sans cesse et modifie considérablement la façon de travailler.
Elle est de plus en plus complexe et de plus en plus imbriquée dans nos vies. Or, en France, l’école ne semble pas être le lieu pour appréhender ces questions. Il y a une sacralisation du savoir, mais pas de sa pratique. C’est pour cela qu’il fallait créer un espace.
Dès le départ, notre mission était à la fois simple et vaste : préparer les jeunes au monde de demain et faire d’eux les acteurs du changement. Startup For Kids est né il y a cinq ans. Nous avons d’abord mis en place des événements autour de la création de projets innovants qui ont été développés dans des ateliers spécifiques. Il fallait que les participants puissent comprendre l’univers technologique qui se dresse devant eux. Les générations précédentes ont conscience que le monde que nous leur proposons n’est pas forcément très reluisant et qu’il va leur falloir réparer des choses.
Quel âge ont les jeunes qui prennent part à votre programme ?
Nous avons débuté avec les plus petits, de 6 à 12 ans, partant du principe qu’il n’est jamais trop tôt pour insuffler des envies et transmettre des messages. Au fil des années cependant, nous nous sommes concentrés sur les 12-18 ans, avec des activités qui les projettent déjà vers l’avenir, vers une orientation spécifique. Nous travaillons directement avec des entreprises qui s’associent et s’impliquent directement dans cet apprentissage. Pour ces intervenants, il est beaucoup plus concret de s’adresser à des jeunes qui ont déjà en tête une idée du monde du travail et des possibilités qu’il offre.
Comment fonctionne cet apprentissage ?
Nous incitons les participants à développer leur créativité en montant des projets. Les différents intervenants les aident à mettre en œuvre leurs idées. La technologie, qu’on le veuille ou non, est là. Il faut la connaître, savoir l’appréhender. Si vous voulez que votre projet trouve une résonance et un écho, il faut savoir l’utiliser. Quel que soit le métier que ces jeunes voudront faire plus tard, ils auront tous besoin d’utiliser les nouveaux outils. Le message, c’est aussi de leur dire : « Ne soyez pas passifs, soyez maîtres de votre destinée ! »
Quel est votre parcours avant la création de Startup For Kids ?
Je viens des métiers de la « tech » où j’ai fait notamment du marketing et monté des partenariats. Il y a huit ans, j’ai élaboré un premier projet autour de l’éducation de la science. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’ampleur des enjeux liés au numérique, et du désarroi des enseignants et des parents. J’ai aussitôt mis en place des ateliers. C’est la pratique qui permet d’apprendre. Nous continuons de prôner la coconstruction, basée sur l’échange et la réciprocité. Les chefs de projets ont différents profils mais ont un point commun : le désir de transmettre par l’éducation. Nous intégrons à nos programmes différents intervenants qui viennent du monde de l’éducation, de l’entreprise... Chacun évoque son métier, anime des ateliers. C’est très collaboratif.
Venons-en à Change Mak’Her, qui est un programme spécifique au sein de Startup For Kids...
En Europe et plus spécifiquement en France, le monde de la technologie manque de ressources. Une étude de l’OCDE a montré que les écoles d’ingénieurs françaises ne sont pas suffisamment prisées par les élèves. C’est vrai pour les deux sexes, mais ça l’est encore plus pour les filles. Voilà pourquoi nous avons décidé de leur dédier un programme. Change Mak’Her, comme tous nos programmes, est financé par des entreprises partenaires, en l’occurrence ici BNP Paribas, Showroomprive.com, Finastra ou encore Engie. Outre leur apport financier, ces entreprises interviennent directement dans les évènements à partir d’un planning défini sur l’année. Change Mak’Her est encore à l’état expérimental, c’est sa première année d’existence. Le programme a débuté en octobre dernier pendant les vacances de la Toussaint avec un bootcamp d’une semaine et va se prolonger jusqu’à juin prochain, à raison d’une session les mercredis après-midi tous les quinze jours.
En quoi cette idée d’un programme d’apprentissage au féminin est-elle pertinente ?
Sans tenir un discours féministe, la réalité est que les femmes sont minoritaires dans les postes à responsabilité, sont moins bien payées... Si dans les discours il y a une forte volonté de changement dans le milieu de l’entreprise, en pratique on reste prisonnier d’une vision d’un management fort, dur, avec des employés qui doivent donner toujours plus. La notion d’entraide par exemple est très peu valorisée. Je suis persuadée que si des femmes prennent des responsabilités au sein des entreprises, elles peuvent apporter des changements positifs, insuffler une autre façon de diriger.
Et cet apprentissage ne pouvait se faire qu’entre filles ?
Précisons toutefois que Change Mak’Her est le seul programme non mixte au sein de Startup For Kids. Il répond à un constat que nous avons pu faire au sein des autres ateliers. Dans certains cas, les filles sont plus à l’aise entre elles, parlent plus ouvertement. En groupe, les garçons ont tendance à prendre plus facilement la parole, à avoir une voix qui porte plus. Il convient donc de permettre aux filles de savoir prendre la parole, avec la création de ce cocon. Ce qu’elles vont acquérir en son sein, elles le feront rejaillir à l’extérieur.
Comment se déroule concrètement ce programme ?
25 filles entre 12 et 18 ans, composent l’effectif de cette première session. Plusieurs groupes se sont formés. Chacun d’entre eux a développé un projet autour d’un thème précis. Cette année, il s’agissait de réfléchir sur l’égalité femmes-hommes. À quelques semaines de la fin de cette première année, toutes les équipes ont déjà un prototype de leur projet et travaillent sur des plans de communication. Les projets en question sont principalement des sites internet, des applications. Ils seront défendus et présentés lors d’un évènement en juin si les mesures sanitaires le permettent.
Comment les différents projets sont-ils nés ?
Grâce à des réunions encadrées par des professionnels. Lors de brainstormings très structurés, il fallait que la créativité de chacune des participantes puisse s’exprimer. Le thème de l’égalité femmes-hommes n’était pas perçu de la même manière selon que l’on parle du monde de l’entreprise, de la rue, de la famille... Nous avons fait intervenir différentes personnes pour évoquer ces spécificités... Les filles ont pu réagir à partir des témoignages.
Quel était le profil des candidates ?
Nous n’avons pas réalisé de sélection pour cette première session. Un CV et une lettre de motivation suffisaient pour faire partie de l’aventure. L’idée pour la suite est d’avoir le plus de mixité possible. C’est pourquoi nous travaillons avec le Secours populaire, des associations de quartier, afin de communiquer le plus largement possible. L’année prochaine, nous allons élargir le nombre de candidates à 100. Nous avons déjà reçu une cinquantaine de candidatures alors que nous n’avons pas encore réellement communiqué. C’est très encourageant. Le thème sera, lui aussi, plus large et ouvert. Il s’agira de réfléchir à la pollution, au réchauffement climatique, aux différents objectifs de développement durable mais aussi au handicap.