Céto est un spectacle de théâtre immersif destiné aux enfants de 18 mois à 4 ans. Pourquoi avoir choisi de vous adresser à un tel public ?
Quelles formes narratives avez-vous choisies pour Céto ?
Il y a une structure en U. Les spectateurs s’installent au milieu, sur un sol avec différentes matières à toucher qui représentent des fonds sous-marins : il y a des tapis avec des longueurs différentes, des créatures au crochet qui s’apparentent à des coraux, un son aquatique… Il y a un tulle noir entre la comédienne et le public sur lequel sont projetées des petites particules mouvantes qui pourraient être du plancton. Un éclairage donne l’impression d’une matière en mouvement pour cette traversée des fonds sous-marins dans laquelle on montre comment on peut être contaminé par l’espace qui nous entoure.
Pourquoi est-ce intéressant de proposer une forme immersive et une écriture numérique à des enfants si jeunes ?
C’est une proposition singulière dans le secteur de la petite enfance - nous ne le savions pas avant de le faire. Nous avons juste utilisé nos outils habituels d’immersion comme la spatialisation et le travail de l’image. Et tout a été appliqué à cette cible. Sans trop le conscientiser, nous avons fait au final une proposition assez radicale. Il n’y a aucune narration textuelle : notre but n’est pas d’accompagner l’enfant de façon classique mais de le plonger dans de l’image et du son pour voir ce qu’il peut se raconter lui-même à partir de ça.
Comment écrit-on un spectacle immersif et numérique pour un très jeune public ?
Nous avons appliqué nos méthodes de travail habituelles. Nous écrivons collectivement en faisant de nombreux essais visuels et sonores en plateau. Nous instaurons des temps dramaturgiques. Nous créons des tableaux, des images et des sons que nous agençons ensuite ensemble pour produire une histoire commune. En amont de l’écriture, les trois conceptrices de Céto ont fait de nombreux ateliers dans des crèches pour essayer des choses notamment sur le rapport à la lumière des enfants. Dans notre travail, l’obscurité est importante pour plonger les spectateurs dans un univers et pour placer son écoute visuelle et sonore à l’endroit que l’on souhaite. Ici, il y avait un vrai challenge sur le fait de placer ou non les enfants dans l’obscurité. C’est en testant avec eux que nous avons compris qu’il fallait une baisse progressive de la lumière pour avoir un tableau final dans le noir. La lumière est plus fragmentée dans nos projets habituels. Pour Céto, nous avons façonné nos outils pour que l’expérience soit la plus sensorielle possible.
L’âge des spectateurs est-il une contrainte, en particulier pour la partie numérique ?
Pour nous, la vidéoprojection sur le tulle ne devait pas apparaître comme de la vidéo pour que les enfants n’aient pas l’impression de voir ce qu’ils peuvent regarder chez eux sur un écran – nous ne voulions d’ailleurs pas placer un enfant de 18 mois devant un écran. Il fallait faire quelque chose de très organique, que ce soit de la matière visuelle et pas une vidéo. Nous pensions au départ projeter des choses sur le sol, mais c’était impossible ne serait-ce qu’à cause de la lentille du vidéoprojecteur : en levant la tête, les enfants allaient l’avoir dans les yeux. Il fallait donc réfléchir avec leur regard à eux. Céto commence dès le hall d’accueil. Nous parlons d’ailleurs d’immersion car nous les prenons en charge dès leur entrée dans le théâtre. Un rituel est mis en place avec Elsa : ils se déchaussent, on leur explique les règles du jeu, ce qu’ils peuvent toucher ou pas… Ce briefing les aide à entrer dans l’histoire, tout comme l’introduction de 5 minutes dans le spectacle. Il y a une autre temporalité avec les tout-petits.
Les enjeux immersifs sont-ils les mêmes pour les adultes que pour les plus jeunes ?
Pour moi, oui. Dans les deux cas, nous essayons de créer un espace d’écoute. Nous travaillons pour arriver à faire partir le public dans son imaginaire. C’est pour ça que nous faisons de l’immersion : notre but n’est pas que le spectateur participe au spectacle mais qu’il voyage et puisse percevoir l’œuvre à travers ses sensations. Les tout-petits sont le public parfait parce qu’ils sont ouverts à tout, ils sont très curieux, ont un imaginaire extraordinaire et débridé.
Avec Céto, vous étiez lauréat de La Couveuse #2 – une « plateforme d’accompagnement des nouvelles écritures scéniques pour la petite enfance » initiée par Le Théâtre Paris-Villette, le Théâtre Nouvelle Génération – CDN de Lyon et le Théâtre Molière de Sète – Scène nationale Archipel de Thau. Qu’est-ce que ça vous a apporté ?
En premier lieu des financements, ce qui n’est pas négligeable. Monter un spectacle pour le très jeune public est très compliqué même s’il est facilement diffusable ensuite. La Couveuse nous a ainsi amené trois coproducteurs, les théâtres Paris-Villette, CDN de Lyon et Molière de Sète, qui sont aussi des lieux de diffusion ce qui a donné de la visibilité au projet. Cette plateforme permet aussi d’être accompagné en résidence dans ces trois lieux, chacun à un moment du processus de création.
Céto a été soutenu par le Dispositif pour la Création Artistique Multimédia et Numérique.