Votre court métrage Le Fantôme se retrouve sur le site de la 3e scène de l’Opéra national de Paris à côté de ceux de Bertrand Bonello et Arnaud des Pallières. Comment le projet a-t-il vu le jour ?
Jhon Rachid : Rien n’arrive pas hasard. Six mois après Jour de Pluie notre court métrage avec Antoine Barillot, les Films Pelléas nous ont contactés pour un appel à projets. J’étais un peu frileux, comme chaque fois que je ne suis pas à l’initiative des choses. J’ai été conquis par le rendez-vous et j’ai proposé deux idées d’adaptation : Carmen et Le Fantôme de l’Opéra. Ce dernier nous a semblé plus facile d’accès. On a eu la chance de collaborer avec Karim Boukercha, scénariste de Le Monde est à toi. Le travail d’écriture a duré 1 an et le tournage, aidé notamment par le CNC, a été l’occasion de passer 8 nuits incroyables au cœur de l’Opéra Garnier. Avec une véritable équipe de cinéma et des comédiens formidables !
L’humour y est décalé, référencé, comme dans Jour de pluie qui évoque la répression de manifestants algériens le 17 octobre 1961...
Je ne sais pas écrire sans humour. J’ai grandi en foyer où l’accès à la culture était très compliqué : c’était à moi d’aller la chercher. C’est précisément ce qui arrive à mon personnage dans Le Fantôme : l’opéra, la musique et la danse classique font irruption dans sa vie... C’est aussi une question de pudeur : si je deviens trop sérieux, des sujets comme celui de Jour de pluie auront moins d’impact. Les gens vont croire que je leur donne un cours de morale ou que je fais mon Tchao Pantin avant l’heure ! Mes références vont de X-Files à Robocop en passant par La Télé des Inconnus. J’ai grandi rivé à mes BD, à la télé et à la VHS à laquelle j’avais droit tous les samedis.
Vous êtes l’un des rares sur YouTube à traiter de thèmes personnels comme les crises d’angoisse. Pourquoi vous dévoiler ainsi ?
Me raconter, toujours avec humour, c’était un pari que j’ai relevé avec le cœur. Les crises d’angoisse font partie de ma vie. Beaucoup en souffrent et j’aimais la perspective de pouvoir en sourire tous ensemble. La vidéo a eu un succès fou et m’a valu beaucoup de remerciements. Ça m’a touché. Au même titre que J’ai grandi en foyer qui a été vue plus de 1,7 million de fois... Il y a une différence entre être perso et impudique. Certains étalent leurs petits problèmes sur YouTube : c’est de la télé-réalité ! Je ne parle de ma vie que lorsque cela peut aider les autres.
Adapter J’ai grandi en foyer en BD (Comme on peut aux éditions Michel Lafon) participe-t-il de cette démarche ?
C’était l’occasion de prolonger la vidéo, de rendre hommage à mes éducateurs et de donner à tous les enfants des foyers un support culturel qui parle d’eux. J’y ai vécu de 7 à 17 ans et c’est grâce à un éducateur, algérien comme moi, que j’ai appris à me cultiver : je le regardais jouer aux échecs, je l’écoutais raconter L’Odyssée... Je me suis mis à lire avec un appétit de plus en plus grand.
Quand l’envie de devenir comédien est-elle née ?
Depuis tout petit, je fais le con. Pour échapper à la réalité. J’ai continué à faire de la vidéo et à jouer pour amuser les copains. Ma première expérience d’acteur, c’était avec Le 3e jour, téléfilm de Bernard Stora. J’étais épanoui, émerveillé... J’ai fait quelques apparitions au cinéma et à la télé, mais rien de palpitant. Comme tous les acteurs maghrébins de France, je passe les mêmes castings pour le même genre de rôle et ça me fatigue. Heureusement, j’ai la chance de travailler à côté.
Pourquoi ne pas faire comme Kheiron qui écrit les films dans lesquels il se donne un rôle ?
C’est ce que je fais actuellement ! Ce sera l’adaptation de Comme on peut. Je ne veux pas commettre l’erreur que d’autres ont faite avec un premier film dit « de YouTubeur ». Je n’y tiendrai pas le rôle principal, sans doute celui de l’éducateur. L’histoire doit passer avant tout, avant moi.
Vos 1,4 million d’abonnés vont-ils se retrouver orphelins ?
Non. Tout le monde pense que YouTube n’est qu’une étape à passer, mais c’est une erreur. Ces 1,4 million d’internautes ne vont pas se transformer en 1,4 million de spectateurs : s’ils vous suivent sur la toile, c’est aussi parce que c’est gratuit ! Sur YouTube, j’ai toujours du boulot et je suis libre en tant que vidéaste. Je continuerai à raconter des histoires qui m’impliquent. Je suis convaincu que l’on crée ce que l’on est.