Créés par la loi du 22 février 1944, les Registres du cinéma et de l’audiovisuel (RCA) sont tenus par le CNC. Ce service procède à la publicité des actes, des conventions et des jugements relatifs à la production, à la distribution, à la représentation et à l'exploitation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Les RCA ont des milliers d’histoires passionnantes à raconter à travers les œuvres immatriculées au fil des années. De Lumière d’été de Jean Grémillon, première œuvre immatriculée le 18 avril 1944, à l’épique L’Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, immatriculée le 27 septembre 2000 (soit près de 18 ans avant sa sortie en salles, le 19 mai 2018), en passant par Playtime de Jacques Tati (immatriculée sous le titre initial Film Tati n°4 le 6 novembre 1961), qui détient le nombre d’inscriptions records (127 !), les RCA permettent de retracer toute la vie d’un film. Car pour qu’un film existe sur petit ou grand écran, il faut avant tout qu’il ait été immatriculé aux RCA.
Modernisation des RCA
Depuis peu, ces registres sont consultables par tous, gratuitement, en version dématérialisée. En effet, dans le cadre du plan de dématérialisation opéré par le CNC, les Registres du cinéma et de l’audiovisuel connaissent une nouvelle jeunesse. Une plateforme a été créée afin de simplifier l’accès aux RCA ainsi que le dépôt et le traitement des demandes. Cette plateforme, dont la première version a été déployée le 15 septembre 2021, a permis la dématérialisation de tout le processus, depuis le dépôt de la demande jusqu’à la délivrance du certificat d’enregistrement en passant par la facturation et le paiement. Les demandeurs ont désormais une meilleure visibilité de leurs dossiers et ont à leur disposition l’ensemble des registres.
Fin janvier 2024, la deuxième version de la plateforme des RCA a été ouverte. Désormais, 100% des démarches sont dématérialisées et les actes enregistrés sont consultables en ligne librement et gratuitement. Ce nouvel outil permet d’instruire les demandes, de délivrer les factures, d’attribuer les numéros d’enregistrement et de mettre en ligne les données et les actes. Un nouveau site public a ainsi été créé : rca.cnc.fr. La consultation et le téléchargement des documents sont en accès libre et gratuit et la totalité des enregistrements réalisés depuis 1944 sont disponibles. Les échanges avec le service des RCA sont également plus fluides grâce à une messagerie accessible dans l’espace réservé aux demandeurs.
Une troisième étape, lancée fin 2024, va permettre aux utilisateurs d’avoir accès à un outil de correction lors de leurs demandes et de procéder au paiement en ligne.
Les RCA : le Registre d’état civil des œuvres
Instrument essentiellement juridique, les RCA sont un outil avec lequel les professionnels du secteur font valoir leurs droits en toute transparence. Les registres offrent ainsi une garantie à tous les intervenants dans la production, la distribution ou l’exploitation d’une œuvre. Sorte de Registre d’état civil des œuvres, ils permettent de retracer l’historique des différents « actes » (c’est-à-dire des contrats) liés à une œuvre, en commençant par les contrats de cession de droits des auteurs, puis les contrats de coproduction.
L’histoire « juridique et financière » d’un film commence généralement par son immatriculation aux RCA, qui intervient bien souvent, pour les œuvres françaises, très en amont du tournage, au moment où leur producteur débute sa recherche de financement. Les Registres comptent de très nombreux titres immatriculés dont l’œuvre, restée à l’étape de projet, n’a jamais vu le jour. Citons l’exemple de l’œuvre numéro 50 000, immatriculée le 13 octobre 1978. Il s’agit d’un projet de long métrage cinématographique français de fiction, intitulé - sans grande inspiration - Visa numéro 50 000, produit par Les Productions Bela d’après un scénario de François Ribaud de Gineste. Une seule inscription a été effectuée au titre de l’œuvre : celle du contrat par lequel le scénariste cède ses droits d’auteur au producteur. Il est probable que l’œuvre n’ait hélas jamais vu le jour (sinon, d’autres contrats auraient vraisemblablement été inscrits après).
Comment immatricule-t-on une œuvre ?
L’immatriculation d’une œuvre cinématographique destinée à une exploitation en France est obligatoire, qu’il s’agisse d’un court ou d’un long métrage. Celle d’une œuvre audiovisuelle, permise depuis le 1er janvier 1986, est facultative, bien qu’il soit plus simple de trouver des partenaires financiers pour une œuvre lorsqu’elle est immatriculée aux RCA. Le producteur – ou son représentant - dépose aux RCA une demande d’immatriculation de l’œuvre. Pour cela, il indique le titre de l’œuvre et doit impérativement prouver qu’il a acquis les droits de produire cette œuvre, en déposant en même temps les contrats de cession de droits des différents auteurs de l’œuvre (scénaristes, adaptateurs, dialoguistes, réalisateurs…). En cas d’adaptation d’une œuvre littéraire, il doit également faire la preuve de l’acquisition des droits d’adaptation, en fournissant le contrat signé avec l’auteur de celle-ci et/ou avec la maison d’édition.
Sous réserve de ces conditions, un numéro d’immatriculation unique et chronologique est attribué à l’œuvre, selon une série ininterrompue depuis le premier numéro attribué en 1944 à Lumière d’été de Jean Grémillon. Ce numéro, définitif, permet d’identifier sans ambiguïté chaque œuvre et de regrouper tous les actes (les contrats et les jugements) qui s’y rapportent. Le cas échéant, ce numéro deviendra celui du visa d’exploitation.
Les Amants du Pont-Neuf : un cas d’école
Fait rare, il peut arriver qu’une même œuvre soit immatriculée deux fois. La première immatriculation, délivrée à la demande du producteur initial, peut correspondre à un projet qui, pour différentes raisons, ne se fait pas. L’auteur, qui a cédé ses droits au producteur, finit par les récupérer au bout d’un certain temps – comme cela est généralement prévu au contrat - et peut donc les céder à un nouveau producteur. Celui-ci demande une nouvelle immatriculation, le nouveau projet étant différent du fait du changement de producteur.
Prenons Les Amants du Pont-Neuf, de Léos Carax, un cas d’école. L’histoire commence en 1987 : le producteur d’alors dépose la demande d’immatriculation aux RCA. Le projet, immatriculé le 10 novembre sous le n° 66931, compte 61 inscriptions d’actes, qui font état des nombreux rebondissements de « l’affaire ». Les changements répétés de producteurs suite aux faillites des sociétés, le tournage chaotique - l’acteur principal, Denis Lavant, s’étant blessé juste avant le début du tournage lors d’une répétition, la date du tournage doit être décalée -, la délocalisation du tournage dans les environs de Montpellier, où il faut reconstituer le quartier parisien du Pont-Neuf à l’époque, le budget multiplié par quatre, le dépassement des délais impartis (le tournage s’étale sur trois ans), les frictions avec les compagnies d’assurance suite aux intempéries qui détruisent une partie du décor… Autant d’éléments qui auraient pu réduire le projet à néant sans l’arrivée de Christian Fechner (producteur de L’Aile ou la Cuisse de Claude Zidi ou plus tard de La Fille sur le pont de Patrice Leconte).
Celui-ci souhaite donner un nouveau départ au film. Il désintéresse les créanciers de la première mouture (c’est-à-dire qu’il les indemnise des préjudices subis) et dépose alors une nouvelle demande d’immatriculation aux RCA en justifiant du contrat de cession des droits d’auteur. Les RCA immatriculent ce « nouveau » projet sous le n° n°74623 le 2 août 1990. Voilà pourquoi il y a deux Amants du Pont-Neuf immatriculés aux RCA. Le film, unique quant à lui, finit par sortir en salles le 16 octobre 1991.
Les inscriptions d’actes, ou le cas Terry Gilliam
Une fois l’œuvre immatriculée, tous les actes se rapportant à l’œuvre en question doivent être déposés aux RCA. Outre les actes de cession de droits d’auteur en faveur du producteur, sont inscrits les contrats d’exploitation et de distribution (chaîne TV, éditeur vidéo, plateforme web, distribution salles, vente à l’étranger…), les contrats précisant un partage des recettes de l’œuvre (comme les contrats de coproduction ou les contrats octroyant à un comédien un pourcentage sur les recettes), les actes de sûreté, c’est-à-dire les actes qui garantissent une créance, par la mise en gage d’une œuvre ou de ses recettes futures au profit de l’investisseur, que ce soit un établissement bancaire ou un autre financeur.
Toutes ces inscriptions permettent de retracer le financement et la carrière d’un film, de savoir qui détient des droits, pour quelle somme d’argent ces droits ont été acquis, qui sont les auteurs ou leurs ayants-droits, et toute information précisée dans les contrats inscrits.
Mais l’inscription d’un acte aux RCA ne garantit pas la validité de l’acte en question. La mission des personnes chargées des enregistrements aux RCA est d’effectuer l’immatriculation des œuvres et l’inscription des actes, en s’assurant que leur formalisme est respecté (que les documents fournis soient complets, cohérents, signés). L’inscription d’un acte n’efface ainsi pas les vices dont il pourrait être entaché. En cas de litige, l’affaire doit être portée devant un juge, seul habilité à déterminer le bon droit de telle ou telle partie. Le jugement rendu sera alors inscrit aux RCA comme un nouvel acte. Par ailleurs, dès lors qu’un acte est inscrit, il ne peut être désinscrit.
L’exemple de L’Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam est des plus intéressants : il révèle que 38 actes ont été inscrits aux RCA depuis son immatriculation n° 100629 le 27 septembre 2000 sous le titre The Man who killed Don Quixote. Ces actes retracent notamment les différentes tentatives de montage financier envisagées pour produire l’œuvre : 9 actes ont été inscrits en 2000, puis une vingtaine entre 2016 et 2017. Les RCA comptent également, parmi les actes inscrits, les différentes décisions rendues à l’occasion des litiges concernant la propriété des droits sur ce film : 5 décisions de justice ont ainsi été inscrites aux RCA en 2018 !
Les objectifs des RCA
Premier des trois objectifs remplis par les RCA : la publicité des actes intervenus lors de la production, de la distribution et de l’exploitation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles destinées à une exploitation en France. Cela signifie que dès qu’un acte est inscrit, il est public et son contenu est consultable par tous.
Autre objectif, l’opposabilité aux tiers : le dépôt d’un acte aux RCA permet que l’acte soit opposable aux tiers, ce qui implique qu’à partir du moment où l’acte est enregistré, nul ne peut en ignorer l’existence et le contenu, notamment les personnes qui ne l'ont pas signé. A contrario, un contrat non inscrit aux RCA n’est opposable qu’entre les personnes qui l'ont signé.
Enfin, le rang de créance, déterminé par l’ordre des inscriptions : les droits décrits dans l’acte inscrit en premier lieu prévalent sur ceux décrits dans les actes inscrits ultérieurement, quelles que soient les dates de signature de ces actes. Les RCA déterminent ainsi un ordre de priorité aux créanciers de toute œuvre immatriculée.
Deux RCA : le RPCA et le Registre des options
Historiquement parlant, le Registre public du cinéma (RPC) est le premier registre à avoir été créé, en 1944. Il est étendu à l’audiovisuel et devient le RPCA en 1986. Le Registre des options est quant à lui créé en 2006, pour répondre à un besoin de financement anticipé pour les producteurs. Il leur permet d’immatriculer un projet avant l’acquisition ferme des droits d’auteur d’une œuvre littéraire préexistante. Le producteur prend une option sur les droits d’adaptation de l’œuvre littéraire dont il souhaite faire un film. Un contrat d’option est alors signé entre le producteur, l’auteur et la maison d’édition, pour une période déterminée, renouvelable ou non. L’immatriculation au Registre des options facilite l’accès aux financements et peut notamment permettre au producteur de réunir la somme nécessaire à l’achat ferme des droits d’adaptation de l’œuvre.
Pour lever l’option, le producteur doit ensuite faire la preuve de cette acquisition ferme des droits de l’auteur, en déposant aux RCA le contrat en question. La levée d’option permet de basculer l’œuvre immatriculée et tous les actes inscrits du Registre des options vers le RPCA.
162 000 œuvres immatriculées
Depuis sa création en 1944, le service des RCA a immatriculé près de 162 000 œuvres et enregistré environ 800 000 inscriptions. Preuve du dynamisme de la création cinématographique et audiovisuelle française, les RCA enregistrent une forte croissance d’activité depuis ces dernières décennies : il s’est ainsi écoulé 34 ans entre l’immatriculation de l’œuvre n°1 et la n°50 000, 22 ans entre l’œuvre n°50 000 et l’œuvre n°100 000 et 18 ans entre le n°100 000 et le n°150 000. Le 29 juin 2023, le service des registres du cinéma et de l’audiovisuel (RCA) immatriculait le 160 000ème titre depuis la création des registres en 1944.
Informations pratiques
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