Christopher Thompson raconte les coulisses de « Fortune de France »

Christopher Thompson raconte les coulisses de « Fortune de France »

12 septembre 2024
Séries et TV
« Fortune de France »
« Fortune de France » réalisée par Christopher Thompson LES FILMS DU CAP - FTV

Grande saga historique et feuilletonnante diffusée sur France Télévisions, également en compétition française au Festival de la fiction TV de La Rochelle, Fortune de France adapte en six épisodes le premier roman de la saga de Robert Merle (paru en 1977). Une fresque entièrement tournée en Dordogne, qui raconte la vie d’une famille du Périgord du XVIe siècle, plongée au cœur des guerres de Religion. Le réalisateur et scénariste, Christopher Thompson, dévoile les dessous de son adaptation.


Quel rapport entretenez-vous avec les romans de Robert Merle ?

Christopher Thompson : Ce sont des romans qui ont toujours été en moi. Je les ai découverts un été, quand j’avais une douzaine d’années. Mon grand-père (Gérard Oury), qui était passionné par l’Histoire et les histoires, m’en avait fait cadeau. Ces livres m’ont fait découvrir beaucoup de choses. Le premier tome est, au fond, un roman initiatique, qui raconte l’Histoire à travers le regard d’un des enfants Siorac. Il comprend ce qu’il se passe dans le monde autour de lui, aussi bien dans son cercle familial que dans le pays qui se déchire. Ça m’a marqué. C’est vraiment un roman dans lequel on peut se reconnaître. Comment une famille survit au milieu d’un monde en chaos et survit aussi à ses chaos intérieurs, c’est un sujet intemporel.

Comment résumeriez-vous l’histoire très dense de cette saga littéraire ?

C’est la France du XVIe et ses guerres de Religion racontée à travers le prisme d’une famille de province. D’ailleurs, ce sont surtout les six premiers tomes qui m’intéressent [la série comprend treize volumes, NDLR], ceux qui s’étalent entre 1559 et l’édit de Nantes en 1598. C’est une époque passionnante, qui connaît aussi une guerre de succession en filigrane, puisque les Bourbon succèdent aux Valois. C’était une période de guerre politique, spirituelle, qui a coupé la France en deux. Le pays était totalement polarisé. Cette saga est le récit d’une France qui paraît très loin mais qui fait écho à notre époque, parce qu’on peut tous se retrouver dans la famille Siorac.

 

Avez-vous cherché à faire une adaptation la plus fidèle possible ?

Non, on a pris pas mal de libertés. On reste fidèle à l’esprit du roman, mais nous avons notamment extrapolé l’histoire autour de trois frères au lieu de deux, parce que ça permettait d’enrichir cette idée d’une guerre fratricide, aussi bien à l’intérieur du château qu’à l’extérieur. Il y a aussi cette idée que cette guerre entre catholiques et protestants s’invite même au sein du couple Siorac.

Pourquoi était-il nécessaire de moderniser le roman ?

Quand on regarde une période de l’Histoire, on le fait depuis l’endroit où l’on se trouve. Robert Merle regardait les guerres de Religion depuis les années 1970. Cinquante ans plus tard, forcément, le regard est changé. On voit les personnages féminins différemment, les relations humaines différemment. C’est presque naturel. Je pense à Isabelle de Siorac, la mère, qui est dans un monde entièrement régi par la voix des hommes, mais qui trouve dans sa foi une manière de s’affirmer et d’avoir une prise sur son mari. C’est un peu la seule façon qu’elle a de résister.

Il y a dans le Périgord quelque chose d’un patrimoine préservé. Et surtout, j’y ai retrouvé des décors et des paysages décrits dans le roman, des châteaux fantastiques qui correspondaient à ce qu’on voulait.

Avez-vous craint de déstabiliser ceux qui ont encore les livres en mémoire ?

Les enfants de Robert Merle, qui sont garants de l’œuvre de leur père, nous ont fait confiance. Ils ont vu certaines libertés qu’on a prises, mais ils ont retrouvé dans la série beaucoup des personnages et de l’esprit des romans. On y retrouve la dramaturgie des livres, qu’on a essayé de restituer à l’écran. Fortune de France est une série qui charrie un grand nombre de faits historiques, mais c’est aussi une histoire très feuilletonnante.

Le tournage s’est déroulé dans le Périgord, notamment dans plusieurs châteaux de la région : Biron, Fénelon, Beynac ou Commarque. C’était un impératif ?

C’était une volonté, absolument. Toute ma vie, je n’ai connu le Périgord qu’à travers les romans de Robert Merle, je n’y avais jamais mis les pieds. On est allé faire des repérages sur place et ça s’est imposé naturellement. C’est une France encore un peu isolée aujourd’hui, car elle n’est pas desservie par le TGV. Il y a dans le Périgord quelque chose d’un patrimoine préservé. Et surtout, j’y ai retrouvé des décors et des paysages décrits dans le roman, des châteaux fantastiques qui correspondaient à ce qu’on voulait. On s’est donc installé en Dordogne durant tout le tournage.

On a dû monter notre propre atelier et fabriquer un grand nombre de costumes nous-mêmes. Mais cela nous a permis de travailler plus précisément sur la signification de chaque costume.

Qu’est-ce que ça apporte d’être immergé ainsi dans ces décors naturels ?

Ça apporte beaucoup d’être sur place. Ça infuse dans les personnages. Quand on filme ce genre de série historique, on est tout le temps en train de se demander quels objets les gens utilisaient pour faire ceci ou cela, comment ils vivaient, comment ils se lavaient, comment ils se peignaient les cheveux, comment ils avaient l’heure… Être dans ces décors naturels a contribué à nos réflexions et les acteurs se sont immergés dans cette ambiance.

Comment avez-vous géré les nombreux costumes ?

On a eu la chance et la malchance de rentrer en collision avec plusieurs productions traitant de la même époque, qui étaient en tournage en même temps que nous. Certaines avaient débuté avant nous, d’autres avaient la priorité sur nous parce qu’elles avaient plus de moyens… La saison 2 de The Serpent Queen [coproduite par Peninsula pour la chaîne américaine Starz, NDLR] avait notamment fait une razzia chez tous les loueurs d’Europe. (Rires.) On a dû monter notre propre atelier et fabriquer un grand nombre de costumes nous-mêmes. Mais cela nous a permis de travailler plus précisément sur la signification de chaque costume.
 

Fortune de France - 6 x 52 minutes

Affiche de « Fortune de France »
Fortune de France France Télévisions

Scénario : Christopher Thompson, Baptiste Roger-Lacan et Fabrice Roger-Lacan, d’après l’œuvre Fortune de France de Robert Merle
Réalisation : Christopher Thompson
Avec Nicolas Duvauchelle, Guillaume Gouix, Lucie Debay, Grégory Fitoussi…
Production : Jean Cottin pour Les Films du Cap, Renaud Le Van Kim pour Together Media
Coproduction :  MM FILMS, Tempio, Prod Lab, Beside Productions
Disponible en intégralité sur France.tv et dès le 16 septembre 2024 sur France 2

Soutien du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (Aide à la préparation – sélectifAide à la production – sélectif)