Comment choisissez-vous les peintures et artistes qui servent de toile de fond aux enquêtes policières ?
Pierre-Yves Mora : On choisit un artiste qui sera en général le pivot de l’histoire qu’on va raconter.
Angèle Herry-Leclerc : Ce qui nous importe, c’est de faire un bon policier à l’arrivée. Les meilleurs candidats, parmi les artistes, sont ceux qui vont nous donner matière à polar. Notre intuition nous conduit vers ces peintres-là. C’est le cas par exemple pour Le Radeau de la méduse de Théodore Géricault. Lorsqu’on a écrit la dernière intrigue de la saison 1, on sentait qu’on pouvait construire une bonne histoire autour de cette peinture. On a également comme point de départ une idée policière qu’on souhaite développer car on sent qu’elle pourrait nous permettre d’exploiter un « fil d’enquête artistique ». Dans ce cas-là, ça peut nous conduire à un artiste pas défini au départ.
Pierre-Yves Mora : Dans la saison 2, on avait déjà cette idée de jeu de piste avec un tueur qui menaçait Antoine Verlay (incarné par Nicolas Gob ndlr). Petit à petit, on s’est rendus compte que c’était une bonne chose si l’artiste, ou le peintre, avait fait de la prison. Nos recherches nous ont menés à Gustave Courbet. Mais il n’y a pas de règles. On peut aussi avoir envie d’un artiste. C’était le cas pour Monet et Bosch. On creuse ensuite dans sa biographie pour trouver quelque chose qui pourrait être un élément de polar pour raconter notre histoire.
Angèle Herry-Leclerc : Mais il faut une prise au départ…
Pierre-Yves Mora : Si on a un artiste et, même en creusant, on ne trouve pas d’angle polar, ce sera difficile.
Avez-vous recours à des spécialistes en art pour vos recherches ?
Pierre-Yves Mora : Ce n’est pas la peine d’être avec des spécialistes pour ce travail initial. Ils ne pourront en effet pas nous dire les « éléments polar » que l’on recherche dans l’art. On fait cette première étape avec internet, puis des livres de référence d’historiens de l’art connaissant bien l’artiste choisi. Il y a un important travail de documentation qui continue pendant toute l’écriture du projet. Au fur et à mesure que l’histoire avance, on a besoin de préciser des éléments dans la biographie, dans l’œuvre. On a donc toujours nos livres avec nous pour vérifier ou trouver de nouvelles idées. Paradoxalement, on n’a pas encore travaillé directement avec des historiens de l’art. On n’a pas encore eu le temps car on est pris dans un processus d’écriture assez rapide. On est souvent dans l’urgence, mais ce serait un plaisir de pouvoir échanger avec eux. En revanche, on a rencontré au laboratoire du Louvre, pour Leonard de Vinci et Géricault dans la saison 1, des spécialistes des études scientifiques, physico-chimiques, des peintures.
Vous avez pu tourner au Louvre. Avez-vous eu des contacts avec le conservateur pour affiner des éléments de la série ?
Pierre-Yves Mora : Pour la saison 3, actuellement en écriture, on avait un projet assez général sur un thème artistique. On a en effet rencontré le conservateur du département en question pour qu’il nous ouvre un peu les portes. Comme le musée est le décor central de la série, on travaille de manière de plus en plus étroite avec lui.
Angèle Herry-Leclerc : On était également en contact, les saisons précédentes, avec l’équipe du musée d’Orsay qui nous a donné quelques pistes, une fois le scénario reçu. Lorsque le musée réceptionne une caisse renfermant un tableau, les conservateurs attendent plusieurs jours avant de l’ouvrir. On a découvert ce détail en parlant avec eux et on s’en est servi dans le scénario. Ça arrive parfois.
Pierre-Yves Mora : Il y a à la fois une partie fantaisie dans notre série, notamment avec l’OCBC (l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels) qui normalement ne traite jamais de crimes. Mais pour la facette « histoire de l’art », on essaie de coller avec la réalité scientifique.
Faîtes-vous également appel à vos connaissances en art ?
Pierre-Yves Mora : On est effectivement des amateurs d’art avec un goût prononcé pour l’histoire de l’art, même si on n’est pas du tout des spécialistes. C’est donc un vrai plaisir de faire ce travail de documentation.
Angèle Herry-Leclerc : C’est une promesse de L’Art du crime : tout ce qu’on apprend sur l’art - les tableaux reconstruits, disparus - est vrai.
Pierre-Yves Mora : Notre projet initial est de faire du polar ludique. La dimension pédagogique fait partie du concept. Faire en sorte que ce ne soit pas trop didactique est la plus grande difficulté. Il faut l’enrober dans le jeu policier pour apprendre, sans avoir l’impression d’apprendre. On traite à la fois de peintres méconnus et d’artistes célèbres pour lesquels on essaie de mettre en lumière des parties de leur vie moins connues.
Vous travaillez désormais davantage avec les conservateurs du Louvre. Vous êtes-vous également rapprochés d’autres spécialistes pour la saison 3 ?
Pierre-Yves Mora : On est encore en chantier pour la saison 3, nous n’avons pas encore toutes les autorisations dans les musées. Mais on essaie de s’ouvrir à d’autres types de créations artistiques, notamment la sculpture. On est en contact avec un conservateur de Roubaix pour travailler avec lui.
Angèle Herry-Leclerc : On est effectivement en rapport avec Bruno Gaudichon, le directeur du musée La Piscine.
Pierre-Yves Mora : On va travailler davantage cette saison avec des conservateurs. Plus que pour les deux précédentes.