Comment Marseille a accueilli « Transatlantique », série internationale de Netflix

Comment Marseille a accueilli « Transatlantique », série internationale de Netflix

05 avril 2023
Séries et TV
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Gillian Jacobs dans « Transatlantique »
Gillian Jacobs dans « Transatlantique » Netflix

Entre 1940 et 1941, un réseau américain basé à Marseille a organisé la fuite de milliers de réfugiés. Pour raconter cette page méconnue de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, la créatrice Anna Winger (Unorthodox) souhaitait filmer en décors naturels dans le sud de la France. La cité phocéenne a ainsi hébergé pendant quatre mois le tournage de cette ambitieuse série historique. Explications.


De la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, on connaissait l’Armée des ombres ou les Maquisards, mais nettement moins ce réseau marseillais, très actif après la chute de l’armée française et l’instauration du régime de Vichy. En zone libre, quelques « Justes » décident d’exfiltrer les réfugiés, juifs pour la plupart, qui affluent chaque jour dans la cité phocéenne, fuyant l’occupation allemande et espérant s’exiler loin de l’Europe. « Nous avons été très enthousiastes à l’idée d’accueillir ce projet sur un épisode de l’histoire de Marseille qui demeure relativement méconnu encore aujourd’hui », confie Vanessa Kuzay, chargée de mission cinéma pour la Ville. Transatlantique relate l’histoire vraie de Varian Fry, un journaliste américain qui a organisé depuis Marseille, avec l’Emergency Rescue Committee, « le sauvetage et la fuite de 2000 à 4000 juifs, dont des artistes et intellectuels de renom ». Max Ernst, Hannah Arendt ou Marc Chagall ont ainsi échappé au pire grâce à Fry et à son réseau local. « Marseille faisait partie intégrante du scénario de la série, qui aurait pu aussi bien être tournée ailleurs. Mais la créatrice Anna Winger a manifesté un vrai désir de tourner en décors naturels et sur les lieux réels où s’est déroulée l’histoire. »

Avec 240 km2 de décors, Marseille est un immense terrain de jeu pour les cinéastes : des noyaux villageois aux quartiers d’affaires, des plages aux sites industriels, des ruelles escarpées aux grands boulevards…

Pendant quatre mois, de fin février à fin juin 2022, la production a donc posé ses caméras dans la préfecture des Bouches-du-Rhône. Thomas Buchwalder, producteur exécutif de Cactus Films, a contribué à la mise en place de ce projet très international, développé par une société allemande (Airlift Productions) pour les Américains de Netflix : « Je suis d’origine suisse-allemande, je parle plusieurs langues, donc j’avais un profil international, à l’image de la série, explique le producteur. J’étais très emballé à l’idée de travailler avec Anna Winger. Elle m’a tout de suite dit qu’elle ne voulait pas faire une série typique sur la Seconde Guerre mondiale, avec des effets spéciaux et de la violence. Elle voulait montrer les destinées de ces artistes, les premiers à bénéficier de ce réseau qui s’est ensuite étendu à de nombreux autres réfugiés. Elle souhaite quelque chose de réaliste, qui fasse écho au monde d’aujourd’hui. »

Filmer dans la cité phocéenne a nécessité une importante logistique, et demandé de trouver sur place un savoir-faire technique : « Le défi, c’était de trouver l’équipe à Marseille. De prendre un maximum de techniciens installés dans la région, notamment pour les chefs de poste. On leur a fait confiance. Ils ont beaucoup apprécié, ils se sont sentis respectés et cela a donné une bonne cohésion », insiste Thomas Buchwalder. Vanessa Kuzay rappelle ainsi que Marseille est « la deuxième ville de France en termes de tournage après Paris. Elle accueille régulièrement des projets internationaux. On y trouve localement une filière cinéma/audiovisuel dense et structurée. Les productions peuvent recruter localement avec un pôle de 1500 techniciens habitués à travailler avec des équipes internationales ». La Mission Cinéma dont elle s’occupe assiste en plus les productions dans leurs recherches de décors en lien avec des repéreurs locaux, et facilite l’accès à des décors municipaux. Ce qui a permis à la production de filmer l’intégralité de Transatlantique en décors réels : « On a eu un peu de difficulté à retrouver des décors d’époque, parce que beaucoup de choses n’existent plus, raconte Thomas Buchwalder. Mais l’hôtel Splendide, celui où s’était d’abord installé Varian Fry, est encore debout ! C’est devenu un bâtiment de l’administration publique, avec des bureaux, et on a pu exceptionnellement le retransformer en hôtel pour notre tournage. » Le producteur explique que Marseille offre en prime un cadre idyllique pour travailler : « Les étrangers se sentent en vacances quand ils viennent travailler ici », sourit-il, révélant qu’Anna Winger a eu un coup de foudre pour la ville dès qu’elle est arrivée pour filmer la série. « Le climat aide et le cadre marseillais offre beaucoup de choix dans les décors. La lumière est extraordinaire et on peut faire d’incroyables plans au bord de l’eau, dans les calanques évidemment, mais sur toute la côte également. » Un atout que Vanessa Kuzay et la Municipalité veulent évidemment mettre en avant : « Avec 240 km2 de décors, Marseille est un immense terrain de jeu pour les cinéastes : des noyaux villageois aux quartiers d’affaires, des plages aux sites industriels, des ruelles escarpées aux grands boulevards… Les atmosphères sont variées et se prêtent à toutes les histoires. »

 

La série a bénéficié du Crédit d’impôt international (C2I) qui s'adresse aux productions étrangères désireuses de tourner sur le sol français. « Depuis qu’on est passé à 30 % de retour sur investissement des frais éligibles, on a vu beaucoup plus de projets arriver », détaille Thomas Buchwalder. Ce que confirme Vanessa Kuzay : « Le C2I est une vraie opportunité. C’est un précieux dispositif qui a permis de relocaliser de nombreux tournages en France dans un contexte de concurrence accrue entre les territoires. Grâce au C2I, nous avons déjà accueilli des projets comme Stillwater en 2019, La Nonne 2 et Transatlantique en 2022. »

1469 jours de tournages à Marseille en 2022 : un record !
 

Cerise sur le gâteau, la série Netflix a fait la clôture de Séries Mania fin mars avant de débarquer sur les écrans du monde entier via la plateforme, le 7 avril. « C’est effectivement une formidable chance de jouir d’une telle exposition, qui bénéficie à la ville, ses décors et son histoire, reprend la chargée de mission cinéma. C’est un coup de projecteur sur la richesse de la filière locale. Marseille, c’est une ville de tournages mais c’est aussi un pôle de production, on y trouve des scénaristes, des réalisatrices et réalisateurs, des comédiennes et comédiens, des studios de postproduction… On peut s’attendre à ce qu’une série ambitieuse comme Transatlantique, avec un tel écho international, incite d’autres productions à venir tourner à Marseille. »

Les tournages sont en plein essor dans la cité phocéenne : 1469 jours de tournages, tous formats confondus, en 2022. Un record, avec des retombées très concrètes pour la Ville : 82,5 millions d’euros de dépenses locales, dont 31 millions dans l’emploi. « Les films et séries ont indirectement un impact sur le tourisme. Cette série va sans doute donner envie à des spectateurs de venir visiter Marseille, d’arpenter les décors vus à l’écran et d’en savoir davantage sur l’histoire riche de la ville… »

Transatlantique
série de 8 épisodes, le 7 avril 2023 sur Netflix

Transatlantique

Créée et écrite par Anna Winger et Daniel Hendler
Réalisée par Stéphanie Chuat et Véronique Reymond
Avec Cory Michael Smith, Gillian Jacobs, Corey Stoll
Musique de Mike Ladd et David Sztanke
Produite par Airlift Productions, Cactus Films et Netflix

La série a bénéficié du Crédit d’impôt international (C2I)