Quelle était votre fonction sur Atlanta ?
J’étais producteur exécutif, par le biais de ma société Froggie Production. Notre spécialité, c’est d’organiser des tournages étrangers en France. Ces dernières années, on a fait beaucoup de séries américaines et britanniques.
Quel est le rôle du producteur exécutif sur un tournage étranger en France ?
Il s’agit d’organiser le tournage en amont. Le producteur exécutif ne s’occupe pas, ou très peu, de l’artistique. Il n’engage pas un réalisateur ou un chef opérateur. Quand une production arrive avec un projet de tournage en France, elle a déjà un script, des comédiens. Notre rôle est de proposer des décors, une équipe technique, un plan de travail. On échange avec les producteurs, mais aussi avec le réalisateur. Dans le cas de Donald Glover [le créateur, réalisateur et interprète d’Atlanta, NDLR], malgré son statut, on a pu discuter avec lui. Il a surtout beaucoup travaillé avec la première assistante française qu’on avait amenée sur le projet, et qui a préparé le tournage avec lui. Il faut préciser que la production s’est étalée sur presque deux ans à cause du Covid. Nous étions censé tourner cet épisode d’Atlanta en mai 2020 et finalement, nous avons tourné un an plus tard. Du coup, il a fallu s’adapter. On a reçu plusieurs scripts au fil du temps et à partir de ces scripts, on a fait différentes propositions. Nous avons eu des retours, des remarques, on a parfois dû changer notre fusil d’épaule, trouver de nouveaux décors... Jusqu’au moment où ce fut validé, quelques semaines avant, pour qu’on puisse s’occuper des permis et des autorisations de tournage.
Le tournage a donc duré six jours, au mois de mai 2021. Comment ça s’est passé ?
Entre le casting, les assistants, certains techniciens, il a fallu accueillir environ 50 ressortissants britanniques et américains. Avec le directeur de production, on a aussi engagé 150 techniciens français, sans compter les figurants. Notre rôle est essentiel en amont, ensuite on s’assure juste que la synergie entre les techniciens français et étrangers fonctionne bien et que le plan de travail se déroule comme prévu.
Comment organisez-vous la venue de ces travailleurs étrangers en France ?
Ce sont des gens qui ont l’habitude de passer d’un pays à l’autre et qui s’attendent à une prise en charge complète, pour pouvoir se consacrer uniquement à leur travail. Et pour ça, il faut bien préparer leur arrivée, réserver les hôtels, leur louer des téléphones français, être sûr qu’ils auront internet partout, leur fournir des suggestions de restaurants pour le soir... L’équipe arrive généralement deux ou trois jours avant le début du tournage, pour faire les derniers repérages des décors avec l’assistant-réalisateur, qui explique comment cela va se passer de manière très précise.
Vous aviez un budget de plus de 1 750 000 euros pour cet épisode. Qui l’établit ?
C’est le budget fourni par la production américaine pour tout organiser. Mais au départ, en tant que producteur exécutif, j’établis les besoins à partir du script et c’est nous qui faisons un devis, qu’on affine au fur et à mesure. On adapte les décors, la taille de l’équipe... Et puis on les conseille, car on a une vraie connaissance de l’industrie. Quand une série comme Atlanta vient tourner un épisode à Paris, je sais à quoi ils s’attendent. Je sais quel est leur niveau d’exigence, de compétence et de qualité. Je suis à même de faire un devis qui corresponde à leurs attentes. Notre rôle est aussi de transposer ce devis français pour qu’il soit compris par notre client étranger, qui a d’autres habitudes et qui doit assimiler nos réglementations, nos lois du travail. Au bout du compte, il faut que la production étrangère reparte en ayant apprécié son expérience française, en ayant la satisfaction d’avoir fait chez nous les images qu’elle souhaitait. Mais dans le même temps, il faut que cela soit fait dans le respect de nos lois du travail, des équipes françaises ou encore des lieux dans lesquels nous les emmenons.
Est-ce qu’on peut dire qu’il y a un savoir-faire français en ce qui concerne l’accueil de tournages étrangers ?
Oui, je le crois. D’après les retours que j’ai, les productions exécutives françaises ont une meilleure réputation que celles de beaucoup d’autres pays. D’abord, il y a un savoir-faire historique. Les Américains arrivent en France avec un respect pour l’histoire du cinéma hexagonal. Ils savent que c’est une industrie qui fonctionne, et de fait, il n’y a pas cette peur d’un manque de compétence lorsqu’ils viennent filmer ici.
Au-delà de ce savoir-faire, le crédit d’impôt a incité un grand nombre de productions étrangères à venir tourner en France, non ?
Clairement. C’est une mesure incitative. Avant ça, il y avait vraiment très peu d’étrangers qui tournaient en France. Beaucoup ne venaient que pour filmer la tour Eiffel ! Depuis que la France s’est alignée sur les autres pays en mettant en place ce crédit d’impôt international, les choses changent. Il faut savoir que pour les Américains, un pays qui ne propose pas de crédit d’impôt n’est pas un pays où l’on peut sérieusement faire un tournage, sur le plan financier. Là, s’ils viennent filmer au moins 5 jours et font 250 000 euros de dépenses (éligibles), ils bénéficient d’un crédit d’impôt de 30 %. Il peut même se monter à 40 % avec le bonus VFX, si c’est une production avec beaucoup d’effets visuels. Sans cela, Atlanta ne serait vraisemblablement pas venue à Paris. Ou peut-être seulement pendant deux jours pour faire des extérieurs. Ils auraient filmé les intérieurs en studio chez eux, dans leur base de production à Londres.