Comment vous est venue l’idée de Il était une seconde fois ?
Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question. L’acte de création est un acte intuitif et depuis plusieurs années, j'essaie de trouver ce qui est le plus juste, le plus honnête, par rapport à mes intuitions profondes. Je refuse de rationaliser l'histoire de mes réalisations. Que ce soit pour mes films récents et davantage encore pour le scénario de cette série, je fonctionne selon le principe de l’écriture automatique. Pour moi, c’est une façon de faire résonner de manière plus intime et moins structurée l’idée de départ et de ne pas trahir la partie la plus magique, la plus mystérieuse de ces intuitions.
On peut imaginer appliquer ce procédé sur un film. Mais sur une série qui doit répondre à des exigences narratives plus rigides, c’est forcément très compliqué…
C’était la singularité de ce projet. J’ai proposé à Arte un procédé d’écriture particulier où j’allais découvrir la forme et la péripétie du récit au fur et à mesure de l’écriture. C’est atypique comme méthode, je vous l’accorde. Je ne partais pas avec un récit pensé et raisonné avec un début, un milieu et une fin.
Qu’est-ce que vous cherchiez à obtenir avec cette façon particulière de travailler ?
Cela peut paraître un peu troublant comme méthode, mais je pense que ça permet de limiter l’autocensure. Au moment de l’écriture, on essaie fréquemment de se limiter par rapport à certaines situations ou certains détails de l’histoire. Evidemment, comme dans n’importe quel projet, il y avait un pitch. Ici, c’était la volonté de raconter une histoire d’amour et d’utiliser comme cadre le genre du film fantastique réaliste. Mais c’était tout.
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Je vais vous décevoir, mais pour moi, un réalisateur ne doit jamais expliquer son film. A partir du moment où il se lance dans une explication, il neutralise la compréhension du spectateur ce qui est dramatique. J’ai envie que le sentiment du spectateur puisse raisonner librement avec l’histoire, qu’il forge sa propre interprétation du film ou de la série sans que je l’influence. C’est pour cela que la plupart de mes films - tout comme cette série - se terminent sur une fin ouverte. Pour que chacun puisse continuer l’histoire à sa façon, selon son ressenti. C’est à mon sens la puissance du cinéma : offrir au spectateur la possibilité de s’approprier une œuvre.
C’est la première fois que vous signez une série. Qu’est-ce que cela a changé ?
Le format m’excitait. Il fallait à la fois obéir à un genre d’écriture tout en essayant d’en prendre le contre-pied. Si vous regardez bien, j’utilise par exemple le code sériel du cliffhanger en fin d’épisode, mais l’épisode suivant ne répond pas forcément à la question laissée en suspens dans l’épisode précédent. Je voulais jouer avec les artifices de narration de la série tout en utilisant une forme cinématographique.
Gaspard Ulliel était à l’affiche de votre dernier film, Les Confins du monde. Est-ce pour cela que vous l’avez choisi pour incarner le héros de Il était une seconde fois ?
Au contraire, je me suis rapidement aperçu que si je lui avais proposé le rôle du héros de la série, c’est parce qu’il était comme la face inversée de son personnage des Confins du monde. Dans le film, il jouait un homme incapable de choisir entre la passion amoureuse et la vengeance. Dans la série, Vincent Dauda est prêt à tout pour se racheter de sa rupture. Ces deux personnages se répondent et ça m’a semblé une évidence que Gaspard joue dans la série. Je savais que ce serait bénéfique pour le projet.
Il était une seconde fois sera diffusé sur Arte à partir du jeudi 29 août à 20h55. La série sera également disponible en intégralité sur arte.tv entre 22 août et le 26 octobre 2019.